Les palaces parisiens refusent de se laisser emporter par le tsunami Airbnb

Par latribune.fr  |   |  703  mots
Cette concurrence, aggravée par l'existence d'autres sites de location entre particuliers spécialisés dans le haut de gamme, tels que Le Collectionist, intervient pile au moment où "l'industrie souffre", notamment après les attentas de janvier.
Frappés par une diminution de la demande et des recettes, les hôtels de luxe dénoncent une concurrence "totalement déloyale" de la part du site de location entre particuliers et comptent obtenir des "règles du jeu plus équilibrées".

Les hôtels classiques ne sont pas les seuls à s'inquiéter de la vague Airbnb. Les palaces parisiens avouent désormais aussi pâtir de la concurrence de la plateforme de location entre particuliers, dont la fréquentation a explosé l'été dernier et sur laquelle se développe aussi le marché du luxe.

Parmi les 50.000 offres affichées désormais par le site en région parisienne (contre 7.000 pour toute la France en 2012), figurent plus de 380 appartement loués dans la capitale à plus de 500 euros la nuit, et même une quarantaine à plus de 1.000, relève lundi 10 août un article publié par Reuters.

Le prix atteint 1.700 euros pour une habitation ayant appartenu selon son propriétaire à Brigitte Bardot, et équipé d'une terrasse sur le toit de 140 mètres carrés. Certaines offres incluent la possibilité de services de chauffeurs, cuisiniers ou personnel d'entretien.

 "Le Moyen Orient boude la France"

Cette concurrence, aggravée par l'existence d'autres sites de location entre particuliers spécialisés dans le haut de gamme, tels que Le Collectionist, intervient pile au moment où "l'industrie souffre", regrette Didier le Calvez, PDG du Bristol, cité lundi 10 août par Reuters. Après les attentats de janvier, "le Moyen Orient boude la France, il y a aussi chez les Américains le sentiment d'un antisémitisme latent" dans l'Hexagone, explique-t-il. La baisse du rouble et la crise économique qui frappe le Brésil ont pour leur part lourdement affecté le tourisme russe et brésilien.

Ce palace, qui propose des suites à des prix pouvant dépasser les 20.000 euros la nuit, a ainsi vu son chiffre d'affaires reculer de 20% au premier semestre et son taux d'occupation tomber à 61,2% contre 69,2% un an plus tôt. De même, le Plaza Athénée, confronté à un mauvais début d'année, a dû abaisser de 20% le prix de certaines chambres cet hiver, et le George V a vu son taux d'occupation baisser de 5% (à 66%) au premier semestre, rapporte Reuters.

Une "vraie attaque aux impôts"

Malgré une reprise de la fréquentation au deuxième trimestre, les perspectives restent préoccupantes. Selon le cabinet  JLL Hotels & Hospitality, le taux d'occupation des palaces, déjà passé de 78% en 2008 à 70% en 2014, pourrait encore perdre huit à dix points d'ici à 2019. José Silva, directeur général du Four Seasons George V et vice-président régional des Four Seasons de Genève et Lisbonne, estime que son établissement pourrait voire s'évaporer jusqu'à environ 10% de ses clients, puisqu'"il est évident qu'une partie de la clientèle, surtout familiale, quittera les palaces".

Si d'autres phénomènes, tels que l'ouverture de nouveaux établissements, bouscule également le marché, Airbnb est dans le collimateur en raison d'une concurrence perçue comme "totalement déloyale": la plateforme bénéficie en effet d'un traitement fiscal et réglementaire avantageux, estime Didier le Calvez, qui dirige par ailleurs la branche "prestige" de la fédération hôtelière française (UMIH). Un avis partagé par François Delahaye, directeur général du Plaza Athénée, qui évoque pour sa part une "vraie attaque aux impôts". Face à la menace, Didier le Calvez compte ainsi présenter ses propositions au gouvernement d'ici la fin de l'année afin d'obtenir des "règles du jeu (...) plus équilibrées", déclare-t-il à Reuters.

Une offre "totalement différente" selon Airbnb

Le directeur France d'Airbnb, Nicolas Ferrari - cité par Reuters - réplique toutefois que non seulement "l'ultra haut de gamme, avec des chambres supérieures à 1.000 euros la nuit ne représente que quelques dizaines d'annonces", mais que par ailleurs cette offre "est totalement différente du service haut de gamme d'un palace". Il estime par ailleurs que depuis le vote de la loi Alur - permettant à tout particulier de louer sa résidence principale jusqu'à quatre mois par an - la France a organisé le marché de la location entre particuliers.

Au-delà de l'arme juridique, les palaces tentent d'enrayer la chute à grand renfort de rénovations. Le Plaza Athénée a ainsi fait 100 millions d'euros de travaux l'an dernier : un choix qui lui a permis de faire passer son prix moyen par chambre de 1.030 à 1.180 euros, confie son directeur général.