La dernière carte d'Air France face aux low-cost

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  512  mots
Copyright Reuters
La compagnie ouvre dimanche sa première base de province à Marseille. Succès impératif sous peine de sortir du marché moyen-courrier de point-à-point.

C'est la dernière cartouche dans le barillet d'Air France. Celle qui doit à tout prix faire mouche pour éviter à la compagnie de s'effondrer définitivement face aux low-cost sur les vols courts et moyen-courriers dits de point-à-point (par opposition au trafic de correspondances). En lançant dimanche sa première base de province à Marseille, la compagnie espère enfin avoir trouvé la recette pour pratiquer des prix attractifs (environ 25 % inférieurs en moyenne à ce qu'ils étaient) sans perdre d'argent. Pour y parvenir, le transporteur a mis au point une nouvelle organisation des vols et du travail lui permettant d'abaisser ses coûts de 15 %, provenant notamment d'une hausse de productivité du personnel navigant et du sol. Ce qui autorise l'ouverture d'un grand nombre de lignes que la compagnie ne pouvait pas se permettre jusqu'ici.

Ainsi Air France entend augmenter de 40 % sa production en heures de vols de la flotte au départ de la base de Marseille puis des trois autres programmées en 2012 : Nice et Toulouse au printemps, suivies de Bordeaux quelques mois après. Au total, ce sont plus de cinquante nouvelles lignes qui vont être créées au départ de ces quatre aéroports, à partir desquels Air France compte transporter plus de 4 millions de passagers supplémentaires par an, l'équivalent d'un 13e mois de trafic pour Air France-KLM.

Il s'agit donc d'un plan offensif de reconquête de parts de marché face aux compagnies Ryanair, Easyjet ou autres Vueling. Une tendance qui tranche avec la baisse continue de la flotte et du réseau moyen-courrier observée jusqu'ici, faute de réductions de coûts suffisantes. Car, pendant très longtemps, la direction a minoré la menace low-cost, estimant que ces compagnies ne survivraient pas à l'épreuve sociale.

Si la contre-attaque d'Air France réussit, le concept pourrait être étendu à d'autres aéroports français comme Nantes ou Strasbourg et bien entendu Paris-Orly, rempli aujourd'hui de compagnies à bas coûts. En revanche, ce système basé sur la productivité reste mal adapté pour une organisation en « hub » (système de correspondances) comme Roissy. Le risque d'amoindrir la qualité des transits est trop grand. « Le gain de productivité serait contrebalancé par une perte de recettes », explique un haut dirigeant d'Air France.

La compagnie française est condamnée à réussir. Si elle échoue, elle serait contrainte de réduire la voilure sans aucun point de non-retour. Elle laisserait ainsi un boulevard aux compagnies low-cost sur les lignes transversales (province-province), un marché à fort potentiel en l'absence d'une offre ferroviaire compétitive sur ces axes, et verrait sa présence commerciale en régions se déliter. Quel serait alors les marges de manoeuvres ? Créer une low-cost ? La quasi-totalité des compagnies traditionnelles qui ont essayé ont échoué. En outre, la place est bien prise. S'allier avec une low-cost ? Celles-ci n'auraient pas grand-chose à gagner sur les vols de point-à-point. En revanche, cette cohabitation existe pour les vols en correspondances, où les low-cost amènent des passagers sur les grands hubs pour qu'ils prennent un vol long-courrier d'une compagnie classique.