Albert Alday (Thello) : "Il faut un calendrier d'ouverture complète du marché ferroviaire français"

Par Propos recueillis par Fabrice Gliszczynski  |   |  725  mots
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Alors que Thello, co-entreprise entre Veolia et Trenitalia, lancera dimanche sur la ligne Paris-Turin le premier train privé sur les lignes internationales du réseau français, son directeur général, Albert Alday, demande une ouverture plus grande du marché hexagonal.

Thello est-il prêt pour dimanche ?

Tout est bon pour dimanche même si nous nous donnons encore quelques semaines pour mettre le produit au niveau que nous souhaitons. Pour un nouvel entrant, nous avons rencontré beaucoup de difficultés en raison du calendrier très serré. Je rappelle que le pacte d'actionnaires entre Veolia et Trenitalia remonte à janvier seulement et nous n'avons reçu l'autorisation de la Commission européenne que fin juillet.

Quels sont vos objectifs ?

Nous comptons transporter 250.000 passagers la première année, un trafic proche de celui réalisé par Artesia à l'époque, avec un panier moyen de 95 euros TTC l'aller simple. Si la SNCF ne se lance pas dans une guerre tarifaire trop violente, la rentabilité devrait être atteinte dès 2013, avec un retour sur investissement d'ici deux à trois ans.

La SNCF a lancé un prix à 25 euros l'aller simple, n'est-ce pas justement le déclenchement d'une guerre tarifaire ?

Il s'agit de trains de jour; le prolongement d'un TGV Paris-Chambéry sur la Maurienne qui effectue le trajet Paris-Milan en sept heures. Nous visons une clientèle touristique se rendant en Lombardie-Vénétie qui préfèrera plutôt un train de nuit plutôt qu'un trajet diurne en 7 heures qui commence à faire long.

La SNCF est sceptique sur une offre de trains de nuit ? Cela a-t-il du sens entre Paris et l'Italie ?

Ce concept a bien résisté aux compagnies aériennes "low cost". Nous avons l'historique du potentiel de ce marché d'Artesia, l'ancienne filiale commune entre Trenitalia et la SNCF, qui ont décidé en décembre 2010 de cesser leur coopération dimanche prochain. Il y a une clientèle majoritairement française (50%), le reste étant composé d'Italiens (30%) et du reste du monde. Sur ce marché de ligne, on fait le pari qu'il faut crédibiliser une offre simple et innovante.

Quelles seront les prochaines étapes ?

Paris-Rome si nous obtenons des sillons adaptés pour relancer des liaisons aller-retour de nuit chaque jour. Nous travaillons avec Réseau Ferré de France (RFF) sur le sujet. Si la réponse est satisfaisante, nous pourrions ouvrir cette ligne à l'été 2012. Ensuite, nous étudions la ligne Lyon-Chambéry-Turin à raison de trois trains quotidiens la journée cette fois. Cette liaison n'a du sens que si l'on peut desservir des villes comme Chambéry. Mais la règlementation du cabotage en France est très contraignante.

Et après ?

Il faut que les pouvoirs publics fournissent un calendrier d'ouverture complète du marché. Que ce soit pour les trains régionaux, les Corail ou les lignes inter-cités. La France est tellement en retard en matière de libéralisation.

Si demain, le marché s'ouvre, que fera Thello ?

Nous ne nous interdisons rien. Déjà, l'accord Veolia-Trenitalia ne se limite pas aux lignes entre la France et l'Italie. Thello peut concourir à un appel d'offres en franchise en Grande-Bretagne par exemple.

Quel est l'avenir de Thello avec la décision de Veolia Environnement de céder sa branche transports sachant d'autant plus que la grande vitesse n'était pas sa priorité dans le ferroviaire ?

Cela dépendra du futur actionnariat de Veolia-Transdev. Dans quelques années, si nous avons stimulé le marché, nous pouvons imaginer que des investisseurs s'intéressent à Thello. C'est vrai que jusqu'ici, la stratégie de Veolia-Transdev dans le ferroviaire était, non pas de se focaliser sur la grande vitesse où le ticket d'entrée est très important face aux monopoles ou (ex-monopoles) d'Etat mais de viser les marchés de délégation de service public. C'est le c?ur de cible de VeoliaTransdev. Le joint-venture avec Trenitalia est plus une diversification qu'une offensive dans la grande distance. Il faut plus voir cela comme un levier pour stimuler l'ouverture du marché et asseoir notre crédibilité pour montrer qu'il y a une vie après le monopole. Après, un nouvel actionnaire validera ou pas cette stratégie qui semble convenir à la Caisse des Dépôts, actionnaire de Veolia-Transdev, mais je ne pense pas qu'elle soit modifiée à court terme.

Croyez-vous vraiment à un appel d'offres sur les trains d'équilibre du territoire (les Corail pour faire simple) ?

Oui, il y a une échéance en 2013 avec la fin du contrat entre l'Etat et la SNCF. Nous espérons le lancement d'un premier lot à titre expérimental.