L'aide du gouvernement à SeaFrance : un cadeau empoisonné pour les salariés ?

Par Fabrice Gliszczynski, mis à jour par Latribune.fr  |   |  662  mots
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A quatre mois de la présidentielle, le gouvernement travaille sur un montage où les indemnités de chômage qu'auraient perçues les salariés en cas d'arrêt de la compagnie sont réinvesties pour créer une Scop. Le tribunal de commerce se réunit ce mardi. Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, la SNCF verserait 50 à 60.000 euros par salarié.

Les syndicats voulaient une avance pour créer leur Scop (Sociétés coopératives et participative). "Chiche ! Quand chaque famille aura le chèque entre les mains, on verra si elle le placera dans la Scop", expliquait ce lundi à La Tribune un membre du gouvernement sous couvert de l'anonymat. "Les salariés de SeaFrance auront-ils suffisamment confiance dans le projet de Scop pour y placer leur indemnités ou pas, c'est toute la question", renchérit une source ministérielle. Un cadeau empoisonné.

C'est donc ainsi que, dans les couloirs de certains ministères, on analyse la décision prise ce lundi par le gouvernement de soutenir le projet de reprise de SeaFrance par les salariés à travers la création d'une Scop, portée par la CFDT de l'entreprise. Seule en lice, celle-ci n'était pas financée, alors que la relance de SeaFrance, aujourd'hui en liquidation judiciaire avec maintien de l'activité jusqu'au 28 janvier est évaluée à 40-50 millions d'euros.

Alors que Bruxelles a interdit la recapitalisation de SeaFrance par sa maison-mère, la SNCF, le gouvernement français cherche aujourd'hui à contourner ce veto en accordant aux salariés des indemnités chômage (ou des avances sur celles-ci) suffisantes pour qu'ils les réinvestissent dans une Scop assez dotée pour être viable.

Ce mardi matin, la ministre des Transports, Nathalie Kosciusko-Morizet a déjà déclaré sur RMC que la SNCF pourrait verser entre 50 et 60.000 euros d'indemnités exceptionnelles à chaque salarié de sa filiale de ferries en liquidation SeaFrance afin de permettre la survie de l'entreprise. "On demande à la SNCF de faire un effort exceptionnel. Vous avez cité la fourchette de cet effort. On est en train de regarder précisément les choses". "La SNCF, je pense, sera heureuse que les indemnités chômage, fussent-elles majorées, participent de la création ou du maintien d'emplois plutôt que d'être de simples indemnités chômage", a estimé la ministre. "Je ne vous dis pas que c'est gagné mais au moins il y a une chance", a-t-elle ajouté.

"Les collectivités territoriales ont signé une lettre d'intention pour apporter 11 à 12 millions, les indemnités légales et extra-légales de chômage couvriront au moins le reste", a assuré lundi la ministre de l'Écologie et des Transports, Nathalie Kosciusko-Morizet, à la veille de l'examen par le tribunal de commerce de Paris de l'offre de la Scop. Et d'ajouter que les salariés de SeaFrance avaient désormais "leur destin entre leurs mains". "Libre à eux de créer ou pas la Scop", a-t-elle dit.

Prise de risque limitée

Deux moyens pour ce coup de pouce : Soit "des indemnités chômage majorées" après la cessation d'activité de SeaFrance, soit une avance sur l'indemnité que les salariés percevraient en cas d'arrêt de l'activité. La SNCF, maison-mère de SeaFrance, planche sur le montant des indemnités. "À priori (...) il y a de quoi lancer cette Scop, reprendre les 4 bateaux et les 825 salariés", estime la ministre. Thierry Mariani, ministre en charge des Transports, a notamment suggéré que la Scop pouvait très bien commencer avec deux navires. "On a fait un pas de géant mais il reste beaucoup d'obstacles", a déclaré lundi Didier Cappelle, secrétaire général du syndicat maritime CFDT.

C'est un bon coup politique pour le chef de l'État. À quatre mois des présidentielles, celui qui a fait de l'emploi une priorité ne pouvait se permettre le naufrage d'une filiale à 100 % d'une entreprise publique, comptant près de 1.000 emplois. Il sortira gagnant quel que soit le scénario. Que la Scop ne se crée pas faute de financement suffisant des salariés, ou qu'elle s'écroule dans les mois ou années après son lancement, il rappellera qu'il s'agissait du choix de la CFDT, laquelle a refusé une offre qu'il soutenait, celle de l'armateur DFDS associé à Louis Dreyfus Armateurs, (moins disante sur le plan social).