SeaFrance : la Cour des comptes épinglait déjà la cogestion en 2009

Par Claire Garnier, à Rouen  |   |  396  mots
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Le rapport dénonce les dérapages de la cogestion entre la direction de la compagnie de ferries et la CFDT.

Dommage que le rapport de la Cour des comptes sur SeaFrance n'ait été rendu public que maintenant. Car l'ouvrage des sages de la rue Cambon, qui a passé au scanner les exercices entre 2004 et 2007 de la filiale de la SNCF, laissait déjà en 2009 entrevoir les prémices de l'issue fatale de la compagnie de ferries transmanches. Notamment en raison du système de cogestion entre la direction de l'entreprise à partir de 2000 et le syndicat majoritaire CFDT qui fait l'objet de plusieurs observations épicées dans le rapport. "Depuis son arrivée [2000], le président en fonction [Eudes Riblier, recruté par Louis Gallois, alors PDG de la SNCF après le décès brutal de Didier Bonnet, Ndlr] a noué des relations privilégiées avec la CFDT, en vue d'apaiser le climat social." Eudes Riblier "a indiqué à son départ [2008] qu'il avait pu retisser les fils du dialogue social en s'appuyant sur le syndicat majoritaire".

"Mainmise sur l'embauche"

L'ouvrage note qu'une enquête d'encadrement de 2005 au sein de la compagnie dénonçait déjà "l'emprise de la CFDT et sa mainmise sur l'embauche et l'avancement des personnels". Le "pouvoir exorbitant octroyé aux délégués" de ce syndicat, en particulier celui relatif aux promotions internes est souligné par le rapport qui relève aussi une "absence de politique en matière de recrutement". La Cour révèle que des personnels en fin de carrière se sont vus offrir des "postes d'assistant officiers ne correspondant pas à leur qualification".

S'agissant des salariés dits "ADSG" (restauration, hôtellerie), les magistrats soulignent que leur nombre était "supérieur aux besoins". On apprend qu'au sein de ce service, il était courant de payer des congés à des salariés "bien au-delà de la fin de leurs congés au lieu de les embarquer", tout en ayant recours à des CDD pour faire le travail. A l'arrivée du nouveau président en 2000, ces effectifs ADSG ont été placés sous l'autorité du directeur des ventes, s'étonne la Cour ; "le rattachement de ces personnels à une autre autorité que celle du directeur de l'armement apparaît curieux, aussi logique soit-il d'un point de vue commercial". Le rapport estime qu'il "s'explique difficilement à bord des navires où le capitaine doit pouvoir exercer son autorité tant sur le plan de la discipline que sur celui de la sécurité".