Les pilotes d'Air France ne veulent plus de Dehecq au conseil d'Air France-KLM

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  735  mots
Jean-François Dehecq / Reuters
Le représentant des pilotes actionnaires au conseil d'administration votera contre le renouvellement de l'ancien PDG de Sanofi-Aventis, président du comité de nomination et administrateur d'Air France-KLM. Un vote sanction en raison de la gestion du processus de succession l'an dernier, qui s'est soldé par le départ de Pierre-Henri Gourgeon trois mois après sa reconduction. Jean-François Dehecq vient d'être écarté du conseil de Veolia.

Jean-François Dehecq n'a pas trop de chance en ce moment dans ses habits d'administrateur de grandes entreprises françaises. L'ancien patron de Sanofi-Aventis vient d'être débarqué du conseil d'administration de Veolia en raison de sa trop grande proximité avec l'ancien patron Henri Proglio, aujourd'hui PDG d'EDF, qui a tenté de faire partir Antoine Frérot de la présidence de Veolia. Ceci en raison d'un désaccord sur la stratégie du groupe. Antoine Frérot l'a emporté et a écarté du comité exécutif et du conseil d'administration tous les proches d'Henri Proglio. La semaine dernière, Jean-François Dehecq est sorti de sa réserve en fustigeant dans "Le Monde" la stratégie menée par Antoine Frérot.

Assemblée générale le 31 mai

Aujourd'hui, Jean-François Dehecq, également administrateur et président du comité de nomination d'Air France-KLM, a maille à partir avec les pilotes d'Air France, actionnaires à hauteur de 4,5 % du groupe Air France-KLM. Selon une lettre du représentant des pilotes au conseil d'administration, Bernard Pédamon, envoyée aux 4.000 pilotes de la compagnie et que "latribune.fr" s'est procurée, ce dernier prévient qu'il votera contre la reconduction pour quatre ans de Jean-François Dehecq au conseil du groupe. Ce point fait l'objet d'une résolution de l'assemblée générale du 31 mai prochain.

En cause, la gestion de la nomination du patron d'Air France, l'an dernier qui s'est soldée par le limogeage du directeur général de l'époque, Pierre-Henri Gourgeon, le 17 octobre... trois mois seulement après sa reconduction en assemblée générale avec 94 % des suffrages. "Je me suis prononcé contre ce renouvellement en raison de la manière dont le comité de nomination et son président Monsieur Dehecq ont géré dans son ensemble, le processus de succession des dirigeants. En outre, des échéances très importantes se profilent en 2014 (fin du mandat du PDG Jean-Cyril Spinetta, ndlr) et pour les préparer de façon sereine, un changement à la tête du comité de nomination me paraît indispensable". Interrogé Bernard Pédamon n'a pas souhaité faire de commentaires.

Une impitoyable guerre des chefs durant tout l'été 2011

La question de la gouvernance avait débouché l'été dernier sur une impitoyable guerre des chefs entre le président non exécutif, Jean-Cyril Spinetta, et le directeur général, Pierre-Henri Gourgeon. Ce dernier, qui a toujours été le numéro deux de Jean-Cyril Spinetta, avait pris les manettes exécutives d'Air France et d'Air France-KLM le 1er janvier 2009 quand Jean-Cyril Spinetta décida de prendre du recul en ne conservant que la fonction de président du conseil. L'an dernier, alors que le mandat de Pierre-Henri Gourgeon arrivait à échéance en juillet 2011, Jean-Cyril Spinetta a convaincu les administrateurs de reconduire Pierre-Henri Gourgeon. Ce dernier devait notamment préparer sa succession en quittant sa fonction de directeur général d'Air France pour ne conserver que celle d'Air France-KLM.

Il fallait donc nommer un patron d'Air France, appelé dans deux ans à prendre les rênes d'Air France-KLM. C'est sur le choix de cette personne que Jean-Cyril Spinetta et Pierre-Henri Gourgeon se sont déchirés durant tout l'été 2011. Pierre-Henri Gourgeon jeta son dévolu sur Alexandre de Juniac, l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde (et ancien haut dirigeant chez Thales), quand Jean-Cyril Spinetta préférait Lionel Guérin, PDG de la filiale low-cost Transavia, d'Airlinair et de la fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam). Ce dernier avait séduit le comité de nomination, qui le voyait bien à la tête d'Air France mais pas prendre par la suite les rênes d'Air France-KLM, contrairement à Alexandre de Juniac.

"Fallait-il recruter le PDG d'Air France ou le futur PDG d'Air France-KLM, c'était tout l'enjeu du débat", se souvient un administrateur indépendant. Le comité présidé par Jean-François Dehecq, proche de Spinetta, était bien conscient que le groupe ne pouvait pas non plus nommer quelqu'un avec qui Pierre-Henri Gourgeon ne souhaitait pas travailler. Le débat a vite tourné au conflit de légitimité entre Jean-Cyril Spinetta et Pierre-Henri Gourgeon. Le dénouement a été cruel. Jean-Cyril Spinetta est revenu aux manettes, a obtenu la tête de Pierre-Henri Gourgeon, qui a pu se consoler en voyant son poulain, Alexandre de Juniac, nommé à la tête d'Air France.