Air France n'est pas sortie de l'auberge

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  769  mots
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Malgré les efforts de productivité arrachés aux personnels au sol et aux pilotes, le plan de restructuration risque d'être insuffisant pour garantir la viabilité de l'entreprise. Alors qu'un plan de départs volontaires va s'étaler jusqu'en 2013, un sureffectif de 1.500 à 2.000 personnes n'est pas exclu pour fin 2014. Un autre plan de départs volontaires pourrait être lancé.

Air France est-elle tirée d'affaires ? Approuvé cet été par le personnel au sol et les pilotes, le plan de restructuration Transform 2015 est-il suffisant pour remettre la compagnie tricolore sur le chemin de la rentabilité dans deux ans ? La question ne se pose pas pour le PDG d'Air France Alexandre de Juniac. « En 2014, nous aurons retrouvé une très bonne rentabilité qui nous permettra à nouveau de financer nos investissements », a-t-il indiqué cette semaine à La Tribune, au salon Top Résa. Un point de vue qu'il confirme ce vendredi. « Nous visons toujours le retour à une profitabilité très positive en 2014 », a-t-il indiqué aux Echos. Et pourtant, cet optimisme est loin d'être partagé, tant en interne que par les analystes . «Revenir à une forte profitabilité n'est pas l'hypothèse la plus probable », reconnaît une très bonne source. Tous applaudissent l'immense avancée apportée par la signature du plan Transform des pilotes et du personnel au sol. Les navigants commerciaux, qui n'ont pas signé, se verront de fait imposer des mesures unilatérales de la direction à partir d'avril 2013, au moment de la fin de l'accord sur les conditions de travail et de rémunération des PNC. 

Manque de volontaires pour quitter l'entreprise

Mais nombreux sont ceux qui apportent des bémols. Il y en a au moins deux. Le premier concerne la réussite du plan de départs volontaires (PDV) censé concerner 2.767 personnels au sol. Lancé le 1er octobre prochain, il doit être bouclé en septembre 2013. Comme révélé jeudi par La Tribune, Air France risque de ne pas atteindre le nombre de volontaires espéré. Le cabinet Secafi, qui conseille le comité central d'entreprise pour le volet social du plan Transform, estime que 650 à 750 personnes manqueront à l'appel. Si officiellement la compagnie a balayé ces craintes, les responsables des ressources humaines d'Air France sont encore moins optimistes que Secafi , selon nos informations. « Ce plan est trop ambitieux. S'il n'y a pas de assez de volontaires, cela va décaler la résorption du sureffectif. Ce qui peut être fortement préjudiciable», explique un observateur.

Le plan de départs n'a pas vocation à résorber le sureffectif 2014

D'autant (et c'est le deuxième bémol) que le plan de départs volontaires a pour vocation de résorber le sureffectif des années 2012 et 2013, mais pas 2014. Or, la mise en place des nouvelles technologies et des nouveaux procès risquent de créer du sureffectif « d'au moins 700 à 1000 personnes en 2014 », explique t-on. Aussi entre le manque de volontaires du PDV 2012-2013 et le sureffectif probable prévu en 2014, « il n'est pas exclu qu'Air France se retrouve fin 2014 avec un sureffectif de 1.500 à 2.000 personnes », assure t-on à La Tribune. « Il y a des choses qui doivent se faire en 2014. Si les suppressions de postes sont plus nombreuses aux départs naturels, un autre plan de départs volontaires est fortement imaginable », estime une autre source. Ce serait en effet le seul moyen de gérer le sureffectif. Il ne peut y avoir de départs contraints jusqu'à fin 2014. Pour signer l'accord Transform, les syndicats de personnels au sol ont demandé et obtenu la garantie de l'emploi jusqu'à fin 2014. « Si le contexte macro-économique n'évolue pas, un nouvel ajustement est obligatoire », confirme un analyste.

Le Plan Transform n'est qu'une étape

Outre le cas du plan de départs volontaires, une part essentielle de la réduction des coûts voulue par le plan Transform, les avis sont quasi unanimes au sein d'Air France pour penser qu'il faudra aller plus loin. « Ce n'est qu'une étape, et non un aboutissement expliquait récemment sur le site internet du Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) Didier Bréchemier, Partner Transports chez Roland Berger, qui a expertisé pour les pilotes le plan Transform. « Il faudra trouver un modèle innovant sur le moyen-courrier », ajoutait-il en réponse à des questions des pilotes.

Les concurrents ne restent pas les bras croisés

En améliorant l'efficacité économique de 20 %, Air France baisse ses coûts unitaires de 10 % en trois ans. C'est effectivement énorme mais cette performance ne permettrait de revenir seulement au niveau de ses concurrents (voire de KLM seulement selon certains) et non de les dépasser. Or, ces derniers ne restent pas les bras croisés. Lufthansa accélère sa restructuration. British Airways va imposer un régime de choc à sa partenaire Iberia. Pendant ce temps, les compagnies du Golfe ne vont pas s'arrêter de monter en puissance sur le long-courrier. Easyjet non plus en Europe. Malgré tout, « pour le moment, Air France n'a pas besoin de durcir son plan », explique Alexandre de Juniac.