Partenariat Emirates-Easyjet : le pacte des loups contre Air France

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  800  mots
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Les deux épouvantails des Majors aériennes européennes ont signé un accord qui donne la possibilité aux membres du programme de fidélisation d'Emirates d'acheter avec leurs miles des vols intra-européens d'Easyjet. Une menace pour Air France ou Lufthansa alors que l'utilisation des miles par les hommes d'affaires leur permet aujourd'hui de conserver, sur leur marché domestique, de bonnes parts de marché au sein des entreprises.

Emirates enchaîne les accords stratégiques les uns après les autres. Après avoir signé en septembre un accord colossal avec Qantas, la puissante compagnie du Golfe met en place en Europe un partenariat commercial avec Easyjet, un transporteur qui, comme elle, donne des sueurs froides au sein d'Air France.

Deux acteurs qui pilonnent les Majors européennes
Ainsi, depuis ce mardi, les membres du programme de fidélité d'Emirates, Skywards, peuvent avec leurs miles acheter des billets sur les vols d'Easyjet vers plus de 30 pays en Europe et en Afrique du Nord. Soit en continuation d'un vol de la compagnie du Golfe entre départ Dubaï et l'une des 31 destinations européennes qu'elle dessert, soit en itinéraire séparé.
A priori ce n'est qu'un accord de plus dans le secteur du transport aérien sur l'utilisation des miles d'une compagnie aérienne sur les vols d'un autre transporteur. Et pourtant, sa portée est bien plus importante, ne serait-ce qu'en raison du statut et du poids des deux partenaires, Emirates, la première compagnie aérienne mondiale sur le long-courrier, et Easyjet, deuxième compagnie low-cost européenne. Deux compagnies qui ont un point commun : elles sont chacune sur leur segment de marché l'un des principaux épouvantails des Majors européennes, notamment d'Air France. Leur pilonnage respectif est l'une des causes des difficultés de l'ensemble du transport aérien européen.

Les programmes de fidélité, les machines de guerre auprès des hommes d'affaires

Cet accord est d'autant plus important qu'il s'attaque aux systèmes de fidélisation des Majors européennes, comme Air France ou Lufthansa, des machines de guerre redoutables qui leur permettent de conserver de parts de marché significatives sur leur marché domestique auprès de la clientèle affaires. Ce partenariat permet en effet à la compagnie de Dubaï de lever une partie des barrières qui freinent certains voyageurs européens à ne pas l'utiliser, au profit d'Air France dans l'Hexagone ou de Lufthansa en Allemagne... En effet, dans les grandes entreprises françaises (les grands comptes), la majorité des collaborateurs choisissent Air France pour pouvoir bénéficier des miles Flying Blue (qui leur reviennent même si ce sont les entreprises qui achètent le billet) qu'ils pourront utiliser à des fins personnelles sur un large choix de destinations. Notamment domestiques ou européennes, qui restent très prisées pour des courts séjours, lesquels sont moins contraignants en nombre de jours de congés utilisés.

130 destinations en Europe et en Afrique du Nord

L'homme d'affaires parisien qui, par exemple, utilisait Air France entre Paris et Shanghai pour avoir des miles afin de partir en week-end à Biarritz avec son épouse, peut désormais bénéficier des mêmes avantages avec Emirates. Concrètement, explique la compagnie de Dubaï, les membres de son programme de fidélité résidant en France auront la possibilité d'utiliser les 124 vols quotidiens d'Easyjet au départ de 16 aéroports français, dont Paris (Roissy et 0rly, Lyon, Marseille, Toulouse...) vers 50 villes européennes et 17 villes françaises.

«Avec plus de 130 destinations en Europe et en Afrique du Nord, établir un partenariat avec EasyJet était un choix évident pour Emirates. Ce nouveau partenariat stratégique va permettre d'offrir à notre solide base de membres Skywards, dont 31% d'entre eux résident en Europe, une nouvelle façon d'échanger leur Miles et d'élargir leurs possibilités de déplacements», a déclaré Thierry Antinori, vice-président exécutif pour les Ventes Passagers à travers le monde pour Emirates, un ancien de Lufthansa et d'Air France.

Le plus gros reste t-il à venir? 

Last but not least, la plus grande menace de cet accord pour les Majors européennes est peut être son évolution. Les deux compagnies n'en disent pas mot bien entendu. Mais rien n'empêche de penser qu'ils pourraient aller au-delà à l'avenir. Sans même parler d'accords capitalistiques, des accords de partages de codes («code share»), qui donnent la possibilité à une compagnie de commercialiser les vols d'un partenaire, auraient du sens. Ils permettraient aux deux compagnies de créer sur des aéroports européens des systèmes de correspondances entre les vols long-courriers d'Emirates et les vols européens d'Easyjet. Des sortes de mini-hubs. Ainsi, par exemple, un passager toulousain pourrait utiliser un seul billet pour se rendre en Asie, en utilisant Easyjet jusqu'à Roissy où il prendrait ensuite un vol de la compagnie du Golfe vers Dubaï pour ensuite, après une correspondance à Dubaï, s'envoler vers sa destination asiatique. Le bon moyen à terme pour ces deux transporteurs en pleine croissance (surtout Emirates) de mieux remplir les avions. Il faudra bien remplir les 90 A380 commandés par Emirates (et 120 peut être comme le prévoit le plan de flotte de la compagnie à long terrme).