Fin du tout TGV : la France revient à la raison

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  850  mots
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Alors que le rapport Duron a proposé deux scénarios concernant les investissements dans les infrastructures de transport, le gouvernement a d'ores et déjà tranché. Il annoncera le 9 juillet un projet inspiré du scénario optimiste de la Commission Mobilité 21, laquelle prévoit 28 à 30 milliards d'euros pour de nouveaux projets d'ici à 2030. Une seule ligne à grande vitesse prévue. La fin du tout TGV remet de l'ordre dans les projets d'infrastructures dont une grande partie ne pouvait trouver de financements. Le plan du gouvernement table sur une hausse des ressources pour les transports de 400 millions par an.

Le 9 juillet prochain, quand Jean-Marc Ayrault présentera le volet transports « de son plan d'investissement pour la croissance de la nation », il annoncera, pour les infrastructures de transport, un projet inspiré du scénario optimiste de la Commission Mobilité 21, dont le rapport, remis au gouvernement ce jeudi, fixe les priorités d'investissements pour les prochaines décennies. « Nous allons retenir un projet autour du scénario deux », a déclaré Frédéric Cuvillier à l'AFP, en marge de la remise officielle du rapport de la commission Mobilité 21.

Hausse du budget de l'Afitf

Ce scénario prévoit 28 et 30 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2030, grâce à l'augmentation de 400 millions d'euros par an des ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), pour les porter à 2,5 milliards d'euros. «Nous considérons qu'il s'agit d'un effort raisonnable », a expliqué ce jeudi le président de la Commission 21, le député du Calvados Philippe Duron. Cette somme s'ajoutera aux 30 milliards d'euros qui seront injectés dans l'entretien du réseau existant (et qui était également prévue dans le scénario a minima de 10 milliards pour les nouveaux projets). Ces ressources permettront de financer des nouveaux projets. Ils sont moins spectaculaires que les quatre lignes à grande vitesse (LGV) aujourd'hui en construction (entre Tours et Bordeaux, Le Mans et Rennes, Metz et Strasbourg et le contournement de Nîmes et Montpellier). Car la priorité n'est plus aux LGV. Seule la LGV Bordeaux-Toulouse a été retenue d'ici à 2030. Les autres, Paris-Orléans-Clermont-Ferrand (POCL), Bordeaux-Hendaye, Poitiers-Limoges seconde phase de la LGV Rhin-Rhône...) sont renvoyées à après 2030, avec une provision budgétaire pour lancer les premiers travaux de certains trajets comme Paris-Orléans-Clermont-Lyon avant cette date, si les lignes existantes arrivent à saturation.

Noeuds ferroviaires

L'urgence est à la décongestion des n?uds ferroviaires existants, pour désengorger de nombreuses gares, comme celle de Lyon et celle de Saint-Lazare à Paris, la Part-Dieu à Lyon ou Saint-Charles à Marseille. « A quoi ça sert de développer la grande vitesse si les trains sont bloqués à un endroit et prennent du retard ? », a expliqué Philippe Duron. Ce dernier préconise aussi le renouvellement des trains Corail et suggère le lancement d'un train intermédiaire entre les TER/TET et les TGV. Une suggestion soutenue par Jean-Louis Bianco, l'auteur du rapport sur la réforme ferroviaire, remis en avril au gouvernement. "Sortons du monde imaginaire où l'on pourrait financer des TGV partout", exhorte dans un communiqué le député des Alpes-de-Haute-Provence. "La sagesse (...) est de développer des trains à 200 km/h avec un haut niveau de confort utilisant le plus possible les voies existantes".
La route et le fluvial font également partie des priorités avec notamment un passage à deux fois deux voies de la route Centre Europe Atlantique entre la Saône-et-Loire et l'Allier, ou l'amélioration de la desserte entre certains grands ports et leur "hinterland", la zone alentour.
Le rapport Duron met donc aux oubliettes une grande partie des 70 projets du Schéma national des infrastructures de transport (Snit), établi en 2007, qui prévoyait une enveloppe de 245 milliards d'euros sur 25 ans. « Il faudrait mobiliser 3,5 milliards d'euros pendant 35 ans en plus des crédits déjà consacrés pour les infrastructures de transport. Le Snit, c'était l'espoir poussé jusqu'à l'illusion », a déclaré Philippe Duron.

Colère des élus

Les "grands élus", sauf ceux dont la région est servie, ont marqué jeudi leur désaccord avec la nouvelle politique du transport ferroviaire, axée sur la fin du tout-TGV et recommandée par le rapport Duron, dont les orientations ont été approuvées le jour même par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

 Au centre de la France, privé de LGV, Jean-Paul Denanot (PS) a exprimé "certaines inquiétudes", regrettant que "la LGV Poitiers-Limoges ne soit classée qu'en priorité 2". Il en appelle à "un développement équilibré des territoires". Au pied des Pyrénées, la députée-maire de Pau Martine Lignières-Cassou (PS) veut croire en l'arbitrage de Jean-Marc Ayrault qui doit avoir à l'esprit un souci "d'aménagement du territoire et de solidarité nationale". "Notre économie béarnaise est entièrement mondialisée. Nous relier au reste de l'Europe et du monde est une nécessité absolue", plaide-t-elle.

Le président socialiste de la communauté urbaine de Marseille, Eugène Caselli (PS), a estimé quant à lui que différer la construction de plusieurs LGV, dont celle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, serait "un mauvais coup porté à Marseille". Véhément, le premier vice-président de cette région, Patrick Allemand (PS), a fait part de sa "déception et sa colère" que l'intégralité du projet de nouvelle ligne Nice-Marseille ne figure pas parmi les priorités.

Chacun voyant midi à sa porte, Eric Ciotti et Christian Estrosi, respectivement président UMP du conseil général des Alpes-maritimes et maire UMP de Nice "constatent que Marseille et les Bouches-du-Rhône sont à nouveau servis (...) au détriment de Nice et des Alpes-Maritimes". Ils réclament "le remboursement intégral des sommes engagées", soit "plusieurs millions d'euros, pour les frais de faisabilité".