Bruxelles accentue sa pression sur Paris sur les subventions illégales à la Sncm

Par latribune.fr  |   |  609  mots
Bruxelles considère que le plan de restructuration de la SNCM ne lui permet pas de sortir la tête de l'eau sans nouvelles aides publiques. Elle réclame donc 440 millions d'euros de subventions illégales. (Photo : Reuters)
Bruxelles double la mise dans son assignation de la France en justice pour subventions illégales à la SNCM. Elle lui réclame désormais le remboursement de 440 millions d'euros. L'État français conteste au nom de la continuité territoriale.

C'est un véritable rappel à l'ordre pour Paris. La Commission européenne a annoncé mercredi qu'elle assignait la France en justice pour non-recouvrement de subventions illégales versées à la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et qu'elle portait à 440 millions d'euros le montant des aides publiques que devra rembourser la compagnie maritime.

La France doit payer double pour son retard

Confrontée à une exploitation déficitaire aggravée par le non-paiement de certaines subventions, la SNCM avait été condamnée en mai par Bruxelles à rembourser 220 millions d'euros d'aides versées dans le cadre de la délégation de service public pour 2007 et 2013.

La France n'ayant pas mis en oeuvre cette décision dans un délai de quatre mois, la Commission a annoncé mercredi sa décision de saisir la Cour de justice de l'UE.

Les 220 millions d'euros supplémentaires que devra rembourser la SNCM correspondent à des aides publiques versées en 2006 lors de la privatisation de la société, qui sont jugées illégales.

"La Commission a conclu que le plan de restructuration accompagnant ces aides ne permettait pas à la SNCM de rétablir sa viabilité à long terme sans recours à de nouvelles aides publiques", estime Bruxelles.

L'État invoque la continuité territoriale

Le gouvernement français a contesté ce jugement et rappelé qu'il avait ouvert plusieurs procédures contentieuses.

Il souligne dans un communiqué que la Commission européenne avait approuvé les aides à la restructuration de la SNCM avant que le tribunal de l'UE ne la contredise en 2012. Les autorités françaises et la SNCM ont formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice de l'Union européenne et attendent les résultats de cette procédure.

Paris ajoute que la décision de la Commission européenne relative à la délégation de service public fait également l'objet d'une action au fond devant la Cour européenne.

"Dans ce contexte juridique, le gouvernement réitère avec force sa détermination à préserver le maintien du service public de la continuité territoriale entre la Corse et le continent et les emplois qui y sont attachés", explique le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, dans le communiqué.

La SNCM et les syndicats solidaires dans la contestation

Les avocats de la SNCM ont contesté l'interprétation juridique de la privatisation de 2006. Jean-Pierre Mignard et Sébastien Mabile soulignent en effet dans un communiqué que la Commission en remet en cause les conditions alors qu'elles font l'objet d'une commission d'enquête parlementaire et sans attendre la décision de la Cour de justice de l'Union européenne.

Frédéric Alpozzo, secrétaire général des marins CGT de la SNCM, a jugé "ridicule" la double décision de la Commission.

"Si on voulait tuer le service public maritime et la SNCM pour favoriser la concurrence low-cost de Corsica Ferries, on ne s'y prendrait pas autrement", a-t-il déclaré à Reuters.

2.600 emplois en jeu et personne pour payer l'ardoise

La SNCM est détenue à 66% par Transdev - coentreprise de transports publics de Veolia Environnement et de la Caisse des dépôts -, à 25% par l'Etat et à 9% par ses salariés. Veolia, dont le projet de désengagement de Transdev est bloqué par le dossier SNCM, a fait savoir début novembre que ni lui ni Transdev n'étaient "solidaires des engagements de la SNCM".

La compagnie maritime emploie 2.600 personnes. La direction de la société a signé en juillet un accord de compétitivité avec les syndicats, et ses actionnaires ont validé son projet industriel, avec la commande de quatre nouveaux bateaux et la suppression de 500 postes sans licenciement.