Air France, le développement de Transavia a du plomb dans l'aile

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  771  mots
L'hostilité des salariés à la création de Transavia Europe et la menace de la direction de dénoncer l'accord d'entreprise concernant Transavia France rendent incertaines la réalisation des objectifs ambitieux d'Air France-KLM dans le low-cost.

Doublement de la flotte pour la faire grimper à 100 appareils en 2017; passer de 8,9 millions de passagers en 2013 à 20 millions à cet horizon : l'objectif d'Air France-KLM de devenir un acteur majeur du low-cost européen est-il un vœu pieux ? Pierre angulaire du plan stratégique 2015-2020, la contre-offensive du groupe dans le low-cost, via le développement rapide de Transavia a aujourd'hui du plomb dans l'aile.

"Ultime proposition" de Juniac

C'est ce qui ressort de la huitième journée de grève des pilotes d'Air France, après le refus du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) "l'ultime proposition" d'Alexandre de Juniac et de Frédéric Gagey, les PDG d'Air France-KLM et d'Air France.
Ces derniers ont en effet proposé de "suspendre jusqu'à la fin de l'année le projet de création de filiales de Transavia en Europe, hors France et Pays-Bas (...) pour prendre le temps de la discussion avec les syndicats de mener un dialogue approfondi".

Élections professionnelles en mars 2015

Mais ils tablent toujours sur un lancement de Transavia Europe en avril 2015. Un calendrier qui s'annonce pourtant très compliqué à tenir. Car, si l'annonce de la "suspension" de ce projet visait notamment, selon plusieurs sources concordantes, à éviter une propagation du conflit aux autres catégories de personnels (ce risque couvait chez certains syndicats ce week-end selon des sources concordantes), il est peu probable que les syndicats soient plus disposés à accepter dans deux ou trois mois ce qu'ils considèrent aujourd'hui comme une "délocalisation de l'emploi français". Encore moins avec les élections professionnelles qui se profilent en mars 2015. Quel syndicat ira brûler ses ailes sur ce dossier à quelques mois du scrutin ? Le SNPL s'est déjà positionné. Il demande le retrait pur et simple de Transavia Europe. Une position sur laquelle s'alignent d'autres syndicats de toutes les catégories de personnels.

Enfin s'il manquait encore un argument, comment trouver un accord d'ici à trois mois sur Transavia Europe alors que la tension entre la direction et les pilotes sur le développement de Transavia France, a peu de chance de se calmer ?

L'accord sur la création de Transavia dénoncé?

En effet, devant le refus du SNPL d'accepter les propositions de la direction sur la manière de faire grossir la compagnie à bas coûts française de 14 avions aujourd'hui à 37 en 2019, la direction menace de dénoncer l'accord de création de cette compagnie signé en 2006 avec le SNPL, lequel limite Transavia à 14 appareils. Pour aller au-delà, la direction doit donc nécessairement louer des avions et des équipages à Air France aux conditions Air France.

Transavia France, la "priorité" pour Juniac

Une telle dénonciation risque non seulement d'envenimer les relations entre la direction et les pilotes, mais aussi retarder le développement de Transavia France, qualifié de "priorité" par Alexandre de Juniac. Une fois les accords dénoncés, la direction devra patienter au maximum 15 mois pour mettre en place chez Transavia les conditions de travail qu'elle aura définies. Sauf à trouver un accord avec les pilotes d'ici là. Ce qui supposerait un virage sur l'aile de ces derniers, qui refusent que les pilotes d'Air France allant chez Transavia y aillent avec un contrat Transavia, aux conditions de travail et de rémunération de Transavia. Ils demandent au contraire la création d'un groupe de pilotes unique (sous contrat Air France) pouvant voler indifféremment sur Air France et Transavia.

Ecart de coûts à l'heure de vol de 25%

Une revendication que refusent fermement Alexandre de Juniac et Frédéric Gagey. "Nous avons étudié en détail la proposition du SNPL par nos équipes d'expert qui sont parmi les meilleurs de la place. Il y a un écart de coût à l'heure de vols de 25%. Ce qui représente une différence comprise entre 2 et 3% des coûts totaux de Transavia, c'est-à-dire que l'on passe des profits à la perte", a justifié Alexandre de Juniac.

Valls soutient la direction

Constatant l'existence d'une "impasse", les pilotes du SNPL en appellent "au Premier ministre", assurant ne pas douter qu'il "aura à coeur de trouver une solution pour sauvergarder l'emploi français quand il comprendra les dessous du projet de la direction".

Manuel Valls a appelé lundi à la fin du mouvement de grève, estimant que la direction du groupe avait fait des propositions "raisonnables". "Il faut que cette grève s'arrête le plus vite possible", a-t-il plaidé.

Ce climat détestable autour de Transavia menace également la mise en œuvre du Plan Perform, prévue début 2015. La négociation de nouveaux accords de compétitivité devait débuter prochainement. Délicat avec une telle déchirure.