Air France et Transavia : une équation à multiples inconnues

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  825  mots
Il est difficile en effet d'imaginer les pilotes négocier les accords de compétitivité du prochain Plan Perfom 2020, qui vont au-delà du seul dossier de Transavia.
Les pilotes ont mis fin à leur mouvement après 14 jours de grève sans que la situation concernant le développement de Transavia n'ait bougé d'un iota. Quelles sont les possibilités? Avec quelles conséquences? Décryptage.

Près de 300 millions d'euros. C'est le montant de la perte d'exploitation estimée par certains analystes. Pour quel résultat ? Pas grand-chose. Après 14 jours d'un conflit très dur avec les pilotes, la fin de la grève du SNPL intervenue ce dimanche pose en effet plus de questions qu'elle n'en résout.

Statu quo pour Transavia France

D'un côté, la direction a été contrainte d'enterrer son ambitieux projet de créer une compagnie low-cost paneuropéenne. De l'autre, les syndicats de pilotes ont échoué à imposer leur modèle de développement de Transavia France à la direction. A savoir, la constitution d'un groupe unique de pilotes Air France et Transavia disposant tous d'un contrat Air France. Mais le SNPL n'a pas non plus signé les propositions de la direction visant notamment à supprimer la disposition de l'accord de création de Transavia France, signé en 2007 avec le SNPL Air France, laquelle limite la flotte de la compagnie à 14 appareils.

La direction veut un développement accéléré de Transavia France, sans délai

Résultat, sans accord, l'épineux dossier des conditions de travail des pilotes d'Air France qui iront voler chez Transavia n'a pas avancé d'un iota. L'accord de création de Transavia France demeure. Limitant Transavia France à 14 avions, il est incompatible avec le projet de la direction de "poursuivre sans délai le développement accéléré de Transavia France", comme l'a indiqué la compagnie dimanche dans la foulée de l'annonce de l'arrêt de la grève du SNPL.
Or, pour que « Transavia France devienne un relais de croissance majeur pour le groupe », il n'y a que deux solutions. Soit la direction et les syndicats parviennent à s'entendre et négocient un nouvel accord. Soit la direction dénonce l'accord actuel. Deux possibilités qui ont chacune leur lot d'inconvénients. Même si la première semble privilégiée.

Direction et syndicats peuvent-ils s'entendre?

En effet, si les deux parties se remettent autour de la table, seront-elles capables non seulement de se mettre enfin d'accord, mais surtout de le faire rapidement. Car Air France-KLM a déjà commandé 7 avions pour assurer le développement de Transavia France l'an prochain, plus précisément à partir du printemps. Un calendrier qui impose un début de commercialisation des vols en décembre. Compliqué au regard du sentiment de défiance qui habite la direction et les pilotes. D'autant que les élections professionnelles prévues en mars 2015 à Air France ne faciliteront pas les choses. Compliqué aussi vis-à-vis des pilotes de Transavia. S'ils s'estiment lésés, ils ont déjà prévenu qu'ils s'opposeraient à tout accord entre la direction et le SNPL Air France.

La menace de dénoncer les accords

Evoquée pendant le conflit par la direction, la dénonciation de l'accord de 2007 est un schéma aux conséquences très incertaines. Car une telle décision risquerait de mettre à nouveau de l'huile sur le feu avec les pilotes qui y verraient une « nouvelle agression de la direction ». Car, 15 mois après la dénonciation, la direction pourrait imposer de manière unilatérale ses conditions de travail. Pour contourner cette durée de 15 mois, la direction a indiqué qu'elle mettrait les moyens pour développer Transavia.

"Durant ces 15 mois, on serait amené à trouver les moyens de créer le réceptacle aux avions et aux emplois qui permettra de développer Transavia France", avait déclaré la semaine dernière le PDG d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac.

La création d'une deuxième Transavia France pourrait être une possibilité.

Si ce passage en force aurait le mérite de confirmer l'ambition du groupe de développer une offre low-cost conséquente, un schéma qui sortirait du cadre contractuel n'en est pas moins risqué. Car, dans ce scénario, il est difficile en effet d'imaginer les pilotes négocier les accords de compétitivité du prochain Plan Perfom 2020, qui vont au-delà du seul dossier de Transavia. Auquel cas, il y a un risque qu'ils soient suivis par les autres catégories professionnelles.

Or ces accords de compétitivité sont cruciaux pour Air France-KLM. Le groupe vise en effet des réductions de coûts unitaires très importantes d'ici à trois ans pour atteindre une rentabilité jamais observée depuis sa création.

Les syndicats déchirés à la veille des élections professionnelles

Pour ne rien arranger, la négociation de ces nouveaux accords d'entreprise sera polluée par les prochaines élections professionnelles. En campagne, les syndicats ne seront pas tentés de contractualiser avec la direction. D'autant que la grève a déchiré la quasi-totalité des organisations professionnelles. Au sein de presque toutes les organisations, le conflit a généré des débats houleux entre ceux qui étaient solidaires des pilotes et les autres. Notamment les syndicats confédéraux qui comptent comme affiliés des syndicats corporatistes d'hôtesses et de stewards.