Quand Emirates se voit proposer… de réduire ses vols en France

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  706  mots
Emirates fait le forcing pour augmenter le nombre de vols en France. Ne souhaitant pas fragiliser davantage Air France, le gouvernement refuse.

Emirates, la compagnie aérienne de Dubai peut attendre avant de pouvoir ajouter des vols supplémentaires en France. Le gouvernement n'est pas disposé à ouvrir de nouvelles négociations bilatérales sur le sujet avec les Emirats Arabes Unis. La requête à court terme semble pourtant modeste. Passer de 20 à 21 vols par semaine entre Paris et Dubai et de 5 à 7 entre Dubai et Lyon dans le but de proposer aux clients trois vols par jour à Paris tous les jours de la semaine (et non sur six jours, comme c'est le cas aujourd'hui) et un vol quotidien à Lyon.

Fin de non-recevoir

«Sur les 37 villes que nous desservons en Europe, seules Paris et Lyon ne le sont pas avec un niveau de fréquences hebdomadaires équivalent à un multiple de 7 permettant de proposer la même offre chaque jour de la semaine », a déploré ce vendredi Thierry Antinori, ce Français passé par Air France et Lufthansa, aujourd'hui vice-président d'Emirates, lors d'un point presse à Paris. «J'ai expliqué cela à un conseiller d'une personne très importante du gouvernement français. Sa réponse a été : si vous voulez un multiple de 7, passez de 20 à 14 », a-t-il ajouté.

Selon nos informations, il s'agissait d'un conseiller de Manuel Valls. S'il s'agit probablement d'une boutade, cette réponse en dit long sur la fermeté du gouvernement actuel à refuser les demandes de droits de trafic supplémentaires des compagnies du Golfe comme Emirates, Etihad Airways (Abu Dhabi) et Qatar Airways. La raison est simple : comme le rappelle à La Tribune une source ministérielle, Air France ne va pas bien et le gouvernement ne veut pas accroître ses difficultés en autorisant ces transporteurs à ajouter plus de vols en France.

Autrement dit : le gouvernement ne veut pas fragiliser Air France tant que son redressement ne sera pas achevé. Une position qui n'a pas bougé d'un iota depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012, laquelle tranche avec celle de ses prédécesseurs. Si l'idée initiale du gouvernement était de permettre à Air France de se refaire une santé avec son plan Transform 2015, ce dernier s'achève fin décembre et la compagnie française est loin d'être dans une forme éclatante. Aujourd'hui, on parle plutôt de la nécessité de réussir le Plan Perform 2020.

Les avions sont remplis à 90%

Pour justifier leurs positions, les autorités françaises ont souvent indiqué à leurs interlocuteurs du Golfe que leurs compagnies devaient déjà aller au maximum de ce que pemrettent les accords actuels avant de demander des droits supplémentaires.

«Qatar Airways peut augmenter ses capacités à Paris en positionnant l'A380, confie un proche du dossier. C'est en revanche compliqué pour Emirates dont tous les vols à Paris sont déjà assurés en A380».

D'autant plus que les vols sont en moyenne remplis à 90%.

«Avec de tels coefficients d'occupation, si nous n'obtenons pas de nouveaux droits de trafic en France, nous nous retrouverons en refus de vente. La victime ce sera le client », a regretté Thierry Antinori. Si la demande reste au rendez-vous, cette stagnation de l'offre devrait en effet faire augmenter automatiquement la recette unitaire. Celle-ci a déjà augmenté de 5ù à 6% en France depuis le début de l'année.

Gros client d'Airbus

Afin de donner du poids à ses arguments, Thierry Antinori a rappelé la valeur de la présence d'Emirates en France:

«Indépendamment du fait que nous achetons beaucoup d'Airbus qui représentent des milliers d'emplois, Emirates a acheté l'an dernier pour 437 millions d'euros de produits français. Nous créons des emplois en France, et on pourrait encore faire mieux».

Un discours que contredit Air France, qui ne cesse de pointer du doigt les dangers des compagnies du Golfe sur son activité et ses emplois.

Lire ici : ce que propose l'ancien Pdg d'Air France-KLM pour contrer les compagnies du Golfe

Le stand-by en France n'empêche pas Emirates de croître. La compagnie compte augmenter ses capacités de plus de 10% au cours de son prochain exercice fiscal (avril 2015- mars 2016). Disposant de 54 A380 sur les 140 commandés, la compagnie compte en exploiter 68 d'ici à la fin 2015. Emirates assure qu'elle pourrait acheter 30 exemplaires supplémentaires si Airbus remotorisait l'appareil.

Lire ici l'interview de Thierry Antinori accordée à La Tribune en juin 2014