Aéroport de Toulouse : le projet de hub chinois dérange Air France

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  738  mots
Ce projet comporte son lot d'incertitudes puisqu'il suppose que le consortium parvienne à convaincre les compagnies chinoises de desservir Toulouse.
Alexandre de Juniac, le Pdg du groupe français, a déclaré que la création à Toulouse d'un "hub", concurrent de Roissy, ne l'enthousiasmait pas beaucoup. Les investisseurs chinois envisagent en effet de créer à Toulouse une nouvelle plateforme de correspondance aéroportuaire.

Alors que l'offre d'investisseurs chinois pour le rachat de la participation de l'Etat dans le capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac suscite la polémique, Air France-KLM entre dans le débat. Bien plus que la nationalité future du repreneur du 6e aéroport de France, c'est le projet de développer un hub à Toulouse -comme l'envisage le consortium chinois- qui interpelle l'opérateur de transports aérien.

"Je n'ai pas d'avis sur la privatisation. Si c'est pour créer un hub concurrent de Roissy Charles-de-Gaulle, je ne peux pas dire que cela m'enthousiasme beaucoup. Développer un hub pour des compagnies chinoises à Toulouse mérite qu'il y ait quelques questions et précisions à avoir", a déclaré ce mardi le Pdg du groupe français Alexandre de Juniac, à l'American European Press Club.

Un hub à Toulouse

Selon des connaisseurs du projet chinois, le consortium chinois compte convaincre des compagnies aériennes chinoises d'ouvrir des vols entre la Chine (notamment Shenzen) et Toulouse. Une offre attractive qui permettrait d'attirer de nouvelles lignes, à la fois court et long-courrier et donc de créer in fine un nouveau hub dans le Sud-Ouest de la France. Mais, fait valoir une source chinoise, "l'objectif est de ne pas déconstruire le hub de Roissy".

Incertitudes

Ce projet comporte son lot d'incertitudes puisqu'il suppose que le consortium parvienne à convaincre les compagnies chinoises de desservir Toulouse. Ce qui est loin d'être évident. D'autant plus que deux des plus grosses compagnies chinoises China Eastern, et China Southern sont partenaires d'Air France sur les vols entre la Chine et Paris. Et disposent déjà à Roissy d'une offre de vols en correspondance très étoffée.

"Pour être clair, le projet n'est pas de chercher à transférer à Toulouse les vols actuellement assurés par des compagnies chinoises vers Paris, mais de développer l'activité", assure un connaisseur du projet chinois.

S'il ne faut pas rejeter l'idée que des partenaires d'Air France puissent ouvrir des vols long-courrier vers des métropoles régionales (l'américaine Delta dispose de vols sur Nice), la création d'un véritable hub à Toulouse pose question. D'autant plus avec son positionnement excentré, à l'ouest de l'Europe.

Avis des collectivités

Ce lundi, les quatre candidats à la privatisation (un consortium chinois, Aéroports de Paris, Vinci et le fonds Cube) ont été auditionnés par les actionnaires régionaux (la CCI de Toulouse, qui détient 25% du capital de Toulouse-Blagnac; et trois collectivités locales qui détiennent chacune 5% du capital: la région Midi-Pyrénées, le département de Haute-Garonne et la communauté urbaine de Toulouse Métropole. Pour mémoire, l'Etat, qui possède 60% du capital, va vendre 49,99% de sa participation, avec une option de vente pour les 10,01% restants (soit au total 60%).

Les collectivités doivent rendre leur avis le 19 novembre si tant est qu'elles parviennent à avoir un avis unanime. Le gouvernement rendra dans un délai d'un mois sa décision sur le candidat retenu, a fait savoir lundi le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, alors qu'une décision était initialement attendue d'ici à la fin novembre.

Divisions à Toulouse

Composée de Shandong Hi-Speed Group et FPAM Group (un fonds d'investissement spécialisé dans les activités aéroportuaires, filiale de FPI Group), l'offre chinoise, à laquelle est allié le groupe canadien SNC Lavalin, suscite la polémique. D'autant plus qu'elle serait la mieux-disante au plan financier.

Jean-Louis Chauzy, le président du Conseil économique, social et environnemental (Ceser) de Midi-Pyrénées s'est ouvertement prononcé contre ce consortium.

"Le Ceser ne saurait admettre qu'un groupe chinois devienne propriétaire d'un aéroport aussi stratégique et rentable que celui de Toulouse-Blagnac où se situent les activités des leaders mondiaux de l'aéronautique que sont ATR et Airbus", écrivait-il il y a deux semaines au Premier ministre, Manuel Valls, dans un courrier dont Reuters a eu connaissance.

Localement, d'autres voix soutiennent pourtant la candidature chinoise. Jean-Luc Moudenc, maire UMP de Toulouse et président de la communauté urbaine Toulouse Métropole, a ainsi rappelé la semaine dernière que, dans le cadre d'un "appel d'offres international, tout groupement (devait) pouvoir candidater". L'élu, pour qui "l'intérêt du territoire" prime, souhaite que le futur exploitant s'investisse financièrement dans des grands projets de la métropole, notamment le futur parc des expositions qui doit être construit près de l'aéroport. Côté chinois, la possibilité d'investir est à l'étude.