Air France-KLM : le choix de Philippe Capron au poste de PDG fait des vagues

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  811  mots
Philippe Capron, directeur financier de Veolia, lors de l'assemblée générale du 19 avril 2018. (Crédits : Veolia)
Le choix du comité de nomination de proposer le directeur financier de Veolia Environnement au poste de PDG suscite de nombreuses oppositions. Bruno Le Maire est allé dans ce sens en évoquant "un candidat parmi d'autres".

Grosses tensions en vue à Air France-KLM. Non pas sur le front social, cette fois, puisque les syndicats ont suspendu la semaine dernière leur préavis de grève, mais sur le front de la gouvernance pour trouver un successeur à Jean-Marc Janaillac, qui a démissionné le 15 mai. Le choix du comité de nomination du groupe de proposer au conseil d'administration Philippe Capron, le directeur financier de Veolia Environnement, fait des vagues.

Les propos du ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, ce dimanche au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, ont traduit la réserve, voire l'hostilité, au moins de façade, de l'Etat à l'égard du choix d'une personnalité étrangère au secteur du transport aérien, contrairement aux préconisations faites par Bruno Le Maire dans la foulée du départ de Jean-Marc Janaillac. Ceci, en dépit des qualités de Philippe Capron, que lui reconnaissent de nombreux observateurs.

"C'est un candidat parmi d'autres (...). Il fait partie des candidats possibles, mais ça n'est pas le seul. Il faut une expérience, il faut une capacité à relancer un dialogue social qui, aujourd'hui, est au point mort, hélas, à Air France. Et puis, il faut être capable de redonner à Air France une compétitivité qu'elle a perdue depuis plusieurs mois (...). Nous allons regarder avec tous les actionnaires du groupe. Ce n'est pas le fait du prince", a-t-il dit.

Des propos qui chargent le comité de nomination, accusé sans le dire de choisir un candidat dans son coin, sans concertation avec les autres parties prenantes. S'il est difficile d'imaginer l'Etat ne pas avoir été mis dans la boucle dans la mesure où l'un des trois membres du comité de nomination, Jean-Dominique Comolli, est un représentant de l'Etat, les informations de La Tribune sur le choix de Philippe Capron semblent avoir mis Bruno Le Maire devant le fait accompli. Selon certaines sources, échaudé par les fuites au sujet du choix d'Anne-Marie Courderc au poste de présidente par intérim le 14 mai (attribuées à l'Etat par le comité), le comité de nomination, composé d'Anne-Marie Couderc et du hollandais Alexander Wynaendts) a cherché à verrouiller au maximum son choix pour éviter d'autres fuites. Reste à savoir jusqu'où et si l'agence des participations de l'Etat était au courant mais n'a pas remonté l'information à Bruno Le Maire?

Plusieurs oppositions

En attendant, Bruno Le Maire est allé dans le sens de tous les mécontents qui se sont élevés, en coulisse, contre le choix de Philippe Capron. Selon certaines sources, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, est plus que réservée. KLM et les Américains de Delta (le partenaire stratégique d'Air France-KLM qui a pris 10% d'Air France-KLM l'an dernier) seraient, quant à eux, furieux de la manière dont s'est déroulé le processus de recrutement. Delta aurait même envoyé une lettre au vitriol en ce sens à Anne-Marie Couderc. Enfin, AccorHotels, qui a manifesté son intérêt pour prendre tout ou partie de la participation de l'Etat dans le groupe Air France-KLM, est également hostile à Philippe Capron.

Pour autant, de manière officielle, il n'y a que cinq anciens ou actuels leaders syndicaux d'Air France et de KLM qui sont montés au créneau en envoyant une lettre ouverte à Anne-Marie Couderc. Ils demandent la nomination d'un PDG indépendant et connaissant le transport aérien et n'hésitent pas à demander à l'Etat d'intervenir, alors que l'ambiance en interne était plutôt de demander à l'Etat de cesser de venir mettre son grain de sel.

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Le Maire s'est bien gardé d'évoquer un spécialiste du transport aérien

Toutefois, les propos de Bruno Le Maire interpellent. Lui permettent-ils de jouer la montre? A la question du journaliste lui demandant s'il fallait quelqu'un ayant l'expérience du transport aérien, il s'est bien gardé de répondre par l'affirmative, alors qu'il avait lui-même suggéré plusieurs fois de choisir un professionnel du secteur. Problème, s'il y a eu d'autres candidats entendus par le comité de nomination, il y en a eu peu ou pas du tout qui connaissent le transport aérien. Marc Rochet, l'ancien PDG d'Air Caraïbes, aujourd'hui président de French Bee, ou Bruno Matheu, ancien directeur général délégué d'Air France avant de partir chez Etihad (jusqu'à l'an dernier) ont, certes, été entendus par l'un des deux cabinets de chasseurs de têtes mandatés par Air France-KLM, mais pas par le comité de nomination. Lionel Guérin, l'ancien patron de HOP n'a, quant à lui, été entendu ni par l'un ni par l'autre. Christian Blanc, qui serait prêt à fédérer certaines personnalités du transport aérien (sans rien de concret pour l'instant), non plus.

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