Air France, le PDG vide son sac avant de partir et fustige le SNPL

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1064  mots
Jean-Marc Janaillac (Crédits : PHILIPPE WOJAZER)
Trois jours après le résultat du référendum perdu sur sa proposition salariale qui l'a conduit à quitter la présidence d'Air France-KLM et d'Air France, Jean-Marc Janaillac est sorti ce lundi de son silence pour répondre à un tract du SNPL jugé "insultant". Dans un courrier très violent envoyé aux pilotes, il accuse notamment "la volonté délibérée" des syndicats des pilotes et du premier d'entre eux, le SNPL, d'avoir créé une situation de blocage.

Trois jours après le résultat du référendum perdu sur sa proposition salariale qui l'a conduit à quitter la présidence d'Air France-KLM et d'Air France, Jean-Marc Janaillac est sorti de sa réserve naturelle pour dénoncer l'attitude du SNPL à son égard et pointe la responsabilité de ce dernier dans ce conflit. Dans un courrier envoyé aux pilotes, la charge de Jean-Marc Janaillac est aussi brutale qu'inhabituelle. Elle traduit l'amertume du dirigeant qui ne pensait pas partir de cette manière et laisser Air France dans de telles circonstances.

"Marionnette de l'Etat"

Lui qui s'était volontairement abstenu depuis son arrivée en juillet 2016 de faire le moindre commentaire en public sur les positions des syndicats pour préserver le dialogue social, la lecture du dernier tract du SNPL l'a fait sortir de ses gonds. Il se déclare « consterné » et insulté que la fonction de Président du groupe soit présentée comme une "marionnette de l'Etat", une interprétation qui, selon lui, « témoigne d' une totale méconnaissance du fonctionnement de notre compagnie ». Jean-Marc Janaillac dénonce aussi les « mensonges » des syndicats sur les compte-rendus des réunions de négociations, les « attaques indignes » portées par certains représentants » et accuse l'attitude du SNPL d'avoir « voulu délibérément créer une situation de blocage ». En attendant, face au flou sur la gouvernance à venir du groupe, l'intersyndicale n'a pas lancé de nouveaux préavis de grève à la suite du 15ème jour de grève ce mardi.

"On va attendre jusqu'au conseil d'administration le 15" mai, au cours duquel le PDG Jean-Marc Janaillac doit formaliser sa démission, "et puis après, on va se réunir rapidement pour décider de la suite", a indiqué à l'AFP, une source syndicale.

 La lettre de Jean-Marc Janaillac,

« Depuis le début du conflit, en cohérence avec la ligne de conduite que j'ai fixée à mon arrivée, j'ai choisi de ne pas commenter les prises de parole des représentants de vos syndicats. Mais dans les circonstances présentes, je ne peux laisser passer certaines affirmations. En effet, le dernier tract du bureau du SNPL du 6 mai, intitulé "bilan des 3 et 4 mai et perspectives", m'a une fois de plus stupéfié.

Je ne reviendrai pas sur la déformation, pour ne pas dire la désinformation, des chiffres de grévistes, les chiffres sont disponibles, ni sur les affirmations qui laissent entendre qu'Air France-KLM serait "une entreprise parfaitement saine économiquement et (...) capable d'assumer à la fois les pertes associées à ce conflit et le rattrapage de l'inflation".

En revanche, je me dois de réagir face à l'idée que le Gouvernement serait le réel dirigeant d'Air France, son Président n'étant qu'une "marionnette", et son DRH l'exécuteur des directives de l'Etat. Comment ne pas être consterné devant cette vision ridicule, et insultante pour moi, qui témoigne avant tout d'une totale méconnaissance du fonctionnement de notre compagnie ?

Non, en juin 2016 ce n'est pas l'Etat qui m'a "ordonné" de proposer un gel des mesures et un arrêt de la grève en attendant de définir une stratégie. C'était déjà une décision personnelle, prise sans que l'Etat n'ait été consulté. Il n'y a eu d'ailleurs aucune négociation, ni protocole de sortie : c'était une proposition unilatérale à prendre ou à laisser.

Non, le 20 avril 2018, ce n'est pas l'Etat qui m'a demandé de lancer une consultation de l'ensemble des salariés d'Air France sur le projet d'accord salarial. C'est une décision que j'ai prise, parce qu'elle me semblait la seule voie pour mettre fin au conflit en cours, et dont j'assume pleinement les conséquences, comme je l'avais annoncé.

Non, ce n'est pas l'Etat qui définit ni la stratégie ni les actions du Groupe Air France-KLM. Il est un actionnaire important, mais minoritaire, et de nombreuses décisions ont été prises contre son avis.

Le Président que je suis encore pour quelques jours définit les orientations stratégiques du Groupe, qu'il partage avec le Conseil d'administration, qui les valide. Il prend, avec le Directeur général, les grandes décisions qui engagent l'avenir d'Air France. C'est typiquement le cas pour le conflit en cours, car l'impact des revendications serait dramatique pour la compagnie. Comme je l'ai déjà expliqué, je n'ai pas directement conduit les négociations, ce n'est pas mon rôle, mais j'en ai fixé le mandat et suivi l'aboutissement dans un projet d'accord que je considère être le meilleur possible. C'est aussi simple que cela, et toute autre interprétation de la répartition des rôles est un mensonge.

Pour ma part, je n'ai jamais donné crédit au débat sur les personnes. Je ne le ferai pas aujourd'hui, au nom de l'intérêt de tous, et je ne peux que déplorer les attaques indignes qui sont portées par certains représentants. Un dialogue social constructif et respectueux, que j'ai appelé de mes voeux et que le Directeur général et le DRH d'Air France n'ont cessé de proposer à vos organisations, suppose que chacun joue son rôle, sans choisir, et encore moins détruire, ses interlocuteurs. Le récit qui vous a été fait des réunions de négociations n'est hélas qu'un travestissement, à dessein, de la réalité. Vous vous en êtes rendu compte.

La compagnie et ses pilotes ont beaucoup plus d'intérêts communs que certains n'aiment à le dire, dont celui, évident, de s'accorder sur des compromis équilibrés. C'est ce que la Direction Générale d'Air France a recherché inlassablement depuis le premier jour, tendant la main à de multiples reprises à vos représentants, organisant des réunions pendant lesquelles la direction les a attendus, subissant les interruptions de séance à répétition, les monologues et les invectives, et constatant, avec un profond regret, l'absence d'ouverture et la volonté délibérée de créer une situation de blocage. C'est ce qui nous a conduits à l'impasse d'aujourd'hui, et à ce gâchis que nous regrettons tous.

Il vous appartiendra, lorsque cela sera redevenu possible, d'en tirer les enseignements pour obtenir de reconstruire un dialogue social à la hauteur des enjeux qui sont ceux d'Air France après ce conflit destructeur."

 Lire ici : Air France : un gâchis sans surprise