Air France menacée d'une grève des pilotes d'entrée de jeu en 2018

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  976  mots
Les syndicats de pilotes d'Air France ont déposé un préavis de grève pour jeudi 11 janvier, accusant la compagnie de ne pas avoir respecté les prérogatives du commandant de bord en matière de sécurité des vols. La direction dément cette interprétation des faits. Dans un courrier envoyé aux pilotes que La Tribune s'est procuré, Olivier Dulat, commandant de bord et directeur général adjoint en charge des opérations aériennes livre ses explications.

L'année 2018 commence un peu comme elle s'était finie : sur des menaces de grèves de la part des pilotes. Si celles-ci émanaient fin décembre du SNPL national, la structure du syndicat des pilotes de ligne qui chapeaute l'ensemble des bureaux présents dans chaque compagnie aérienne basée en France, elles sont aujourd'hui le fait de la section Air France du SNPL mais aussi du SPAF et d'Alter. Ces trois syndicats menacent d'appeler à la grève le jeudi 11 janvier, reprochant à la direction son attitude envers un commandant de bord qui avait refusé de décoller faute d'un chef de cabine "compétent".

"Le commandant de bord a la responsabilité du vol"

Dans un communiqué commun publié ce jeudi 4 décembre, ils dénoncent le "débarquement" mardi 2 janvier par la compagnie d'un commandant de bord qui a refusé "pour des raisons de sécurité" d'effectuer un vol au départ d'Orly "avec une composition équipage dégradée", selon eux. En remplaçant "contre son gré" ce commandant de bord, la direction "a choisi, de manière inédite, de piétiner cette règle fondamentale", qui confie "au commandant de bord exécutant un vol, la responsabilité de la mission". Elle "bafoue les dispositions du Code des transports et du Code de l'aviation civile relatives aux prérogatives des commandants de bord", estiment les syndicats, en ajoutant que les pilotes "ne sauraient accepter d'exercer leur métier sous la pression d'un management qui fait passer les questions de rentabilité loin devant la sécurité des passagers, des membres d'équipage et des aéronefs".

"Si les demandes ne sont pas respectées, il y aura grève"

Les syndicats ont demandé que la direction "reconnaisse que cette décision n'était pas conforme au respect des prérogatives des commandants de bord" et "rappelle le périmètre" des prérogatives de l'encadrement. Ils demandent aussi que soient modifiées des "dispositions litigieuses" du manuel d'exploitation d'Air France qui pourraient donner lieu à des "interprétations" concernant ces prérogatives.

Si "aucune réponse satisfaisante" n'est apportée, les trois syndicats "appelleront les pilotes à cesser le travail" le 11 janvier. Un préavis de grève devait être déposé dans la journée, a précisé à l'AFP Philippe Evain, président du SNPL.

"Les prérogatives du commandant de bord ont été respectées" (direction)

Une interprétation que ne partage pas la direction. Selon elle, ce qui s'est passé mardi n'a en aucun cas remis en cause les prérogatives du commandant de bord ou la sécurité des vols.

« Air France s'assure en permanence que la composition des équipages soit réglementaire et conforme au manuel d'exploitation de la compagnie approuvé par la DGAC », a-t-elle réagi dans un communiqué.

Il y a en effet des divergences d'interprétation.

Pour le président du SNPL, Philippe Evain, en l'absence d'un "chef de cabine qualifié" pour un vol au départ d'Orly, la direction a voulu "désigner un steward pour exercer cette fonction", c'est-à-dire "quelqu'un qui n'a pas l'étoffe pour ce rôle capital" en cas d'incident, d'évacuation, a expliqué M. Evain. Le pilote a, lui, demandé "un chef de cabine compétent" et proposé d'attendre "qu'il y en ait un de réserve disponible" et la direction l'a "débarqué", a-t-il ajouté.

"Le terme de débarquement est inapproprié"

Dans un courrier envoyé à tous les pilotes de la compagnie, Olivier Dulat, commandant de bord et directeur général adjoint en charge des opérations aériennes (une fonction que beaucoup résume à celle de "chef des pilotes"), a donné son explication des faits en précisant que le commandant de bord n'a pas été débarqué.

 « Mardi 2 janvier (dernier jour d'une rotation de 3 jours), lors du passage à Orly, le chef de cabine a débarqué pour raisons médicales. Devant la pénurie de chef de cabine de réserve, un PNC (personnel navigant commercial ou steward ou hôtesses, NDLR) compétent « faisant fonction chef de cabine » a donc été désigné pour assurer la fin de la rotation, conformément aux règles de notre Manex A.  Le commandant de bord a fait savoir qu'il ne souhaitait pas effectuer la fin de la rotation avec un PNC compétent « faisant fonction chef de cabine ». Compte tenu de l'absence de solution, un scénario d'annulation du vol a d'abord été envisagé. Plusieurs échanges ont eu lieu entre les pilotes, et le CCO (centre de contrôle des opérations, NDLR) et la flotte pour essayer de l'éviter. A la suite de l'acceptation par un commandant de bord de réserve d'un PNC compétent « faisant fonction de chef de cabine », les pilotes ont été remplacés. Cela a permis d'éviter l'annulation du vol à chaud et les désagréments pour nos clients. J'ai demandé que les pilotes initialement programmés soient rémunérés comme s'ils avaient effectués la totalité de la rotation. Au cours de ces échanges, le terme de « débarquement » a été utilisé et je le regrette. Il était inapproprié car le commandant de bord est bien en droit de refuser un PNC compétent « faisant fonction CC » comme le précise le manex A*. Les Opérations Aériennes et l'ensemble de la compagnie n'ont en aucun cas remis en cause les prérogatives du commandant de bord, ni mis en jeu la sécurité des vols en désignant un PNC compétent « faisant fonction CC ». Cette possibilité est réglementaire et conforme au manuel d'exploitation de la compagnie approuvé par la DGAC. Elle est uniquement utilisée lors d'aléas d'exploitation exceptionnels. »

Des réunions entre la direction et les syndicats sont prévues la semaine prochaine pour tenter de désamorcer le conflit.