Air France, pas de licenciements si les syndicats signent des accords (rapidement)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1236  mots
Après l'agression de deux dirigeants d'Air France en marge du CCE annonçant 2.900 suppressions de postes, la direction maintient son plan de restructuration. Elle précise néanmoins qu'il n'y aura pas licenciements avec les catégories de personnels qui négocieront des accords de productivité mais des départs sur la base du volontariat.

«Je ne veux pas que l'on jette l'opprobre sur les salariés et les syndicats d'Air France. Ce n'est pas le vrai visage d'Air France. Nous nous battrons tous, tous les jours, pour qu'Air France reprenne le chemin d'une croissance qui soit durable et qui bénéficie à tous. Je sais qu'il sera possible de continuer le dialogue social avec responsabilité comme nous l'avons toujours fait à un moment particulièrement important de l'histoire de notre compagnie. La violence et l'intimidation n'entameront en rien cette détermination. Nous devons jouer collectif et pour ma part j'y suis prêt », c'est avec ces mots remplis d'émotion que Xavier Broseta, le directeur des ressources humaines d'Air France agressé par des salariés ce lundi matin en marge du comité central d'entreprise (CCE) s'est exprimé devant la presse lundi en fin de journée, en ayant au préalable exprimé ses pensées «pour l'agent de sécurité qui a été blessé et hospitalisé et le directeur des ressources humaines de l'activité long-courrier", Pierre Plissonnier.

"La croissance se mérite"

Des agressions qualifiées « d'indécentes » par Frédéric Gagey, le PDG de la compagnie, «en contradiction avec les valeurs d'Air France ». La compagnie va déposer plainte pour violences aggravées.

Pour autant, a-t-il déclaré, « le plan de restructuration va être lancé », en rappelant que si les négociations avaient réussi, c'est un plan de croissance et de compétitivité qui aurait été mis en place.

"La croissance n'est pas un droit, elle se mérite", a-t-il déclaré.

A l'inverse, ce plan validé par le conseil d'administration d'Air France-KLM et confirmé dans ses grandes lignes au CCE ce matin avant son interruption, prévoit une baisse de capacité de 10% sur le réseau long-courrier en 2016 et 2017, la suppression de 2.900 postes, et le lancement du processus d'annulation des livraisons de Boeing B787.

Echec des négociations avec les navigants

Ce plan a été actionné après l'échec des négociations avec les syndicats de pilotes sur des mesures à mettre en place pour réduire de 170 millions d'euros les coûts des pilotes. Mais aussi avec les syndicats des hôtesses et stewards qui, à l'exception de l'Unac, ont refusé de s'assoir autour de la table.

Cette baisse de capacité prendra plusieurs formes : des suppressions de lignes, principalement « vers l'Est de l'Europe », des réductions du nombre de vols sur certaines lignes et une adaptation de l'offre selon la saisonnalité.

En 2016, la restructuration passera par des réductions des fréquences de vol et « la saisonalisation de l'activité ». Les fermetures de lignes se feront plutôt en 2017.

Cette réduction de voilure se fera donc en deux temps. Une première baisse de capacités de 3% à partir du programme été du fait du retrait de la flotte de 5 avions, puis de 7% en 2017 avec le retrait de 9 avions supplémentaires. La flotte long-courrier d'Air France passera ainsi de 107 avions aujourd'hui à 93 à l'été 2017. Cette réduction de la flotte de 14 appareils passe par la sortie d'A330 et d'A340 qui ne seront pas remplacés par des Boeing 787. Les cinq Dreamliner qui devaient arriver à Air France au cours des deux prochaines années seront annulés.

Pas de licenciements n cas de négociation

Sur le plan social, cette baisse de voilure entraînera la suppression de postes de 2.900 postes, 300 chez les pilotes, 900 chez les personnels navigants commerciaux (PNC) et 1.900 chez les personnels au sol. La baisse des effectifs suivra celle des capacités. Autrement dit, elle sera de 3% au cours de la première phase et de 7% au cours de la seconde.

Si la direction assure qu'elle privilégiera les départs volontaires, elle n'exclut pas les licenciements secs. Tout dépendra en fait d'une éventuelle reprise ou pas des négociations. En effet, dans tous les secteurs de l'entreprise où, selon Frédéric Gagey, "la concertation permettra d'approcher les coûts à ceux du marché", les sureffectifs seront traités par des plans de départs volontaires. A défaut de négociation, les départs contraints ne sont pas exclus.

Car, si le plan B est enclenché, il reste encore un espoir pour que sa deuxième phase soit annulée ou atténuée. Pour cela, des accords avec les navigants doivent être trouvés, à la fois avec les pilotes mais aussi avec les PNC. Et ce rapidement, d'ici trois mois environ avant que des décisions irréversibles ne soient prises.

Le temps est compté. Toute négociation doit être achevé avant que le lancement des plan de départs volontaires ou (et) de sauvegarde pour l'emploi, mais aussi avant  la finalisation des annulations de prises de livraison des Boeing 787.

«Une fois que ces deux processus seront lancés, il sera impossible de faire marche arrière», explique un proche du dossier.

Ce qui donne grosso modo trois mois environ.

«Entre l'information consultation sur la stratégie et la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), la possibilité du CCE d'être assisté par un expert mais aussi de s'adresser au conseil d'administration qui a obligation de lui répondre, les modalités des départs ne seront pas présentées avant mi-décembre », fait remarquer la même source.

Reprise des négociations?

Pour autant, si un accord avec les PNC n'est pas "inenvisageable" selon un membre de la direction, il reste plus aléatoire avec les syndicats de pilotes. Encore faut-il que les négociations reprennent. Sur ce point, la direction est claire.

«La porte est ouverte pour reprendre les négociations mais sur la base de sujets sérieux et à condition qu'il y a ait une volonté partager du SNPL d'aboutir », explique Frédéric Gagey.

Or, jusqu'ici ce dernier ne partageait pas le constat sur la nécessité de réduire les coûts. Et refuse une hausse des cadences à rémunération constante comme le demande la direction.

Une chose est sûre. Les accords qui régissent les conditions de rémunération des pilotes ne seront pas dénoncés.

«Ce n'est pas une option car sur le plan juridique, même si l'accord sur le système salarial des pilotes, qui veut qu'une augmentation des heures de vol entraîne une hausse de rémunération, était dénoncé, les avantages individuels acquis survivraient à l'accord et donc le système de rémunération des pilotes aussi », explique un spécialiste du droit du travail. Et d'ajouter : « s'il n'y a pas de négociation, il n'y a pas de possibilité de baisser les coûts à l'heure de vol ».

Accords de périmètre

La direction dispose de moyens de pression sur le SNPL. A défaut de négociation sur la manière de réduire les coûts des pilotes, la direction ne négociera pas les accords de périmètre qui s'achèvent fin mars 2016. Ces accords sont cruciaux pour les pilotes car ils définissent la part d'activité qui revient aux pilotes d'Air France lorsque la compagnie exploite des vols en code-share ou en joint-venture avec des compagnies partenaires.

Autre moyen de pression, à défaut d'accord, la répartition de l'activité d'Air France et de KLM au sein d'Air France-KLM ne pourrait être respectée selon un proche du dossier. Elle est aujourd'hui de 2/3-1/3 en faveur d'Air France, conformément au poids de chacune des deux compagnies.