Alstom Belfort : la presse étrille le plan de sauvetage

Par latribune.fr  |   |  643  mots
Malgré le soulagement des salariés, le plan de sauvetage du site d'Alstom Belfort s'est attiré une pluie de critiques de toutes parts - médias, politiques, syndicats confondus.
Les médias, qui ont souligné le soulagement des salariés du site de Belfort, ne se sont pas privés pour autant de dénoncer -non sans humour- les incohérences du plan de sauvetage imaginé par l'Etat. Revue de presse.

"Absurde", "ubuesque", "bricolage", "électoralisme", "politique à la petite semaine" : les réactions de la presse, notamment celles des journalistes économiques spécialistes de l'industrie du transport, n'ont pas été tendres avec le gouvernement, dénonçant dans un élan quasi unanime les incohérences du sauvetage de l'usine Alstom de Belfort.

Ainsi, mardi, en fin de matinée, La Tribune titrait "Un sauvetage pour le moins bizarroïde", pointant, entre autres choses, le fait qu'il "est effectivement peu rationnel de mettre une rame TGV à une trentaine de millions d'euros pièce à la place d'un train Intercités qui en coûte entre 11 à 15 millions".

Aux Echos, dans son édito intitulé "Alstom, un sauvetage ubuesque", Jean-Marc Vittori aligne avec humour les métaphores loufoques pour dénoncer le caractère surréaliste selon lui du plan imaginé par le gouvernement :

"Porsche souffre? Aucune inquiétude, le gouvernement allemand va acquérir quelques milliers de 911 pour les prêter à des associations réalisant du transport de personnes âgées."

Le Parisien, qui titre "L'Etat s'engage dans un sauvetage tarabiscoté", avec peu ou prou les mêmes raisons que les précédents, enfonce le clou en citant une source interne à la SNCF:

« Ce n'est pas la première fois que l'Etat considère la SNCF comme un paillasson », résume une source interne à l'entreprise. Mais, surtout, il lui impose du matériel qui n'a pas d'intérêt pour elle !"

"Le déconomètre à plein tube"

Mais ce n'est rien comparé au Figaro où, dans son éditorial ("Cynisme ou incompétence ?"), Gaëtan de Capèle, démarre fort:

"À l'approche de l'élection présidentielle, le déconomètre fonctionne à plein tube."

La suite est une dénonciation de l'"idée aberrante" véhiculée par le plan gouvernemental, à savoir:

"L'Etat a les moyens, donc le devoir, de secourir les entreprises en difficulté, est-on désormais en droit de penser dans toutes les usines de France."

Hier soir, dans LibérationAlexandra Schwartzbrod ne mâchait pas ses mots:

"L'affaire Alstom est une parfaite illustration de la politique à la petite semaine menée depuis un bon moment par la France en matière industrielle." (...) Il est bien loin, le temps de l'Etat stratège qui nourrissait en son sein des champions aptes à damer le pion aux plus grandes boîtes américaines ou asiatiques."

La Croix, qui titre "L'État offre au prix fort un sursis à l'usine Alstom de Belfort", recense la pluie de critiques émanant tant du monde politique que syndical, mais soulève également un point de droit:

"C'est la première fois que le gouvernement acquiert des rames de TGV en compte propre. (...) L'État contourne les procédures habituelles d'appel d'offres. Est-ce bien légal ?"

"Acheter la paix sociale"

L'Humanité, sous la plume de Jean-Emmanuel Ducoin, se fait également très critique, fustigeant "ce rafistolage à court terme, qui vise à sauver les apparences, ne constitue en rien une réelle stratégie industrielle".

Dans Sud-Ouest, Bruno Dive ("Pour Alstom, l'Etat peut tout") se gausse:

Et François Hollande démentit Lionel Jospin. « L'Etat ne peut pas tout », avait dit le second, et cela lui avait coûté cher. Mais si, réplique le premier, l'Etat peut beaucoup, et même l'impossible !

"François Hollande restera donc comme le président qui fait rouler à 200 km/heure des locomotives pouvant atteindre les 320 km/heure, et certaines mauvaises langues y verront comme une métaphore de son quinquennat."

Dans Le Journal de la Haute-Marne, Patrice Chabanet se fait grinçant:

"Les calendriers électoraux imposent l'improvisation à grande vitesse."

A L'Est-Eclair, Jean-François Laville fait valoir que, certes,

"Ce bol d'air frais permet notamment d'acheter la paix sociale".

Mais Sébastien Lacroix, dans L'Union/L'Ardennais, avertit:

"Cette petite victoire risque d'être de courte durée. Car le marché européen du ferroviaire est en surcapacité."

(avec AFP)