Alstom va doubler de taille en rachetant Bombardier pour mieux lutter contre les Chinois

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  761  mots
(Crédits : DENIS BALIBOUSE)
Le groupe français a signé ce lundi d'un protocole d'accord avec le groupe Bombardier et la Caisse de dépôt et placement du Québec pour le rachat de Bombardier Transport pour un prix qui sera compris entre 5,8 et 6,2 milliards d'euros. La Caisse de dépôt et placement du Québec va utiliser le produit de la vente pour entrer au capital d'Alstom.

La stratégie en solo que comptait dérouler le PDG d'Alstom Henri Poupart-Lafarge après l'échec l'an dernier de la fusion avec les activités ferroviaires de Siemens n'aura pas duré bien longtemps. Ce lundi, après la publication ces derniers jours d'articles de presse affirmant qu'Alstom était sur le point de racheter Bombardier Transport, le groupe français a dans la matinée confirmé étudier le rachat des activités ferroviaires de son homologue canadien détenu à 67,5% par le groupe Bombardier et à 32,5% par la Caisse de dépôt et placement du Québec, avant d'annoncer en fin de journée la signature d'un protocole d'accord avec les deux actionnaires canadiens pour le rachat de 100% de Bombardier Transport.

Le prix pour l'acquisition sera compris entre 5,8 et 6,2 milliards d'euros et sera payé pour partie en numéraire et pour partie en actions nouvellement émises par Alstom. La Caisse de dépôt et placement du Québec s'est engagé à réinvestir dans Alstom 100% du produit net de la cession de sa participation, soit environ 2 milliards d'euros, et à réaliser un investissement additionnel à hauteur de 700 millions d'euros. La réalisation de l'opération est attendue pour le 1er semestre 2021.

La Caisse de dépôt et placement du Québec sera le premier actionnaire d'Alstom avec environ 18% du capital. Bouygues, à l'heure actuelle premier actionnaire du groupe ferroviaire français avec 15% du capital, en conservera environ 10%, selon le communiqué d'Alstom.


« Je suis très fier d'annoncer l'acquisition de Bombardier Transport, qui représente une opportunité unique de renforcer notre position mondiale sur le marché en forte croissance de la mobilité. Cette acquisition renforcera notre présence internationale ainsi que notre capacité à répondre à la demande toujours plus importante de solutions de mobilité durable. Bombardier Transport apportera à Alstom une complémentarité géographique et industrielle sur des marchés en croissance, ainsi que des plateformes technologiques additionnelles. Cela améliorera significativement notre capacité d'innovation, pour nous positionner en pointe en matière de mobilité intelligente et durable. Nous serons ravis de compter parmi nous tous les talents et toute l'énergie des employés de Bombardier Transport. Nous sommes profondément engagés à poursuivre l'accélération du redressement des activités de Bombardier Transport et à créer de la valeur pour toutes les parties prenantes et en particulier pour nos clients. Nous continuerons également à développer la présence historique de Bombardier Transport au Québec, en s'appuyant sur les forces reconnues du Québec en matière d'innovation et de mobilité durable. Nous sommes heureux d'accueillir la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) en tant que nouvel actionnaire de long terme. CDPQ soutient pleinement cette transaction et la stratégie d'Alstom », a déclaré Henri Poupart-Lafarge.

Création d'un mastodonte

Une telle opération va donner naissance à un géant du ferroviaire pesant environ 15,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Alstom et Bombardier Transport ont le même poids : 7,4 milliards d'euros fin décembre 2019 pour le canadien, 8,1 milliards d'euros pour le français fin mars 2019. Les effectifs sont également équivalents avec 36.000 employés chacun. Avec cette acquisition, la valeur du carnet de commandes d'Alstom va s'élever à 75 milliards d'euros, contre 43 milliards d'euros fin 2019. Cette opération permettrait au groupe français de mieux faire face à la concurrence du géant chinois CRRC (28 milliards d'euros de chiffre d'affaires), qui ne cesse de développer aux quatre coins de la planète.

Reste à savoir si elle sera validée par Bruxelles. Selon certains experts, ce mouvement de consolidation devrait soulever moins de problèmes de concurrence que le projet prévu avec Siemens, lequel conférait, aux yeux de la Commission européenne, une position dominante en Europe dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.

En France, Alstom et Bombardier disposent d'un quasi-monopole sur le matériel roulant. Bombardier dispose à Crespin (Nord) de la plus grosse usine ferroviaire de France avec 2.000 employés. Il a réalisé en France un chiffre d'affaires de 813 millions d'euros en 2019. Répartis dans des sites plus petits que celui de Crespin, les effectifs d'Alstom en France s'élèvent à 9.500 personnes.

Vente par appartements

Bombardier, qui affiche une dette de neuf milliards de dollars, se vend donc par appartement. Dans l'aéronautique, le groupe canadien a vendu tous ses programmes d'avions commerciaux (les CRJ à Mitsubishi Heavy Industries, le CSeries à Airbus, ses turbopropulseurs à Longview Aircraft), mais aussi ses activités en Irlande du Nord, au Maroc et à Dallas à Spirit Aerosystems. Il va plus conserver que son activité de construction d'avions privés.