Autoroutes  : Bruno Le Maire veut raccourcir la durée des concessions pour « éviter toute rente »

Par latribune.fr  |   |  795  mots
Le bénéfice net des sociétés concessionnaires d'autoroutes a atteint 3,9 milliards d’euros en 2021, soit 11% de plus que ceux de 2019. (Crédits : Reuters)
Le gouvernement a demandé au Conseil d'Etat de quelle manière il serait possible de raccourcir « de quelques années » la durée des concessions de certaines sociétés autoroutières, qui ont été plus rentables que prévu. Dans un entretien récemment accordé à La Tribune, Xavier Huillard, président de Vinci, ne s'était pas montré hostile à cette idée mais une fois les contrats actuels arrivés à échéance.

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, ne veut pas que les sociétés d'autoroute profitent d'une situation de rente et préconise donc de réduire la durée des concessions de quelques années.

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Il a reconnu mercredi devant les commissions des Finances et du Développement durable de l'Assemblée nationale que les calculs de rentabilité pour les actionnaires faits lors de la privatisation des autoroutes en 2006 n'avaient « pas été bons ». Les taux d'intérêt ayant fortement baissé, les sociétés concessionnaires - notamment Vinci, Eiffage et l'espagnol Abertis - ont pu rembourser leur mise à meilleur coût, améliorant d'autant leur rentabilité, alors que les tarifs des péages continuaient à augmenter régulièrement conformément aux contrats conclus avec l'Etat. « Il faudra voir le taux de rentabilité sur l'ensemble de la concession ». Selon l'Autorité de régulation des transports (ART), le bénéfice net des sociétés concessionnaires d'autoroutes a atteint 3,9 milliards d'euros en 2021, soit 11% de plus que ceux de 2019.

Une réduction des tarifs des péages n'est pas légalement envisageable

Le ministre de l'Economie a par ailleurs annoncé la publication mercredi soir d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) de février 2021, récemment retrouvé par Le Canard enchaîné, qui pointe les profits réalisés par ASF-Escota (Vinci) et AREE-Area (Eiffage), et va jusqu'à évoquer la possibilité d'une réduction des tarifs de leurs péages de presque 60% pour « réaligner (leur) rentabilité » avec ce qui était prévu en 2006.

Le texte, cependant, ne juge « légalement envisageable » qu'un raccourcissement des durées des concessions, ce qui selon ses auteurs « suppose une volonté politique forte et aurait pour conséquence une détérioration des relations entre l'Etat et les SCA », les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Le rapport envisage une fin anticipée des concessions au 30 avril 2026 pour ASF et Escota, soit un raccourcissement de respectivement dix ans et cinq ans et demi, et au 30 septembre 2026 pour APRR et Area, soit un raccourcissement de neuf et dix ans.

L'Etat court « le risque que le juge considère la rentabilité des concessions comme raisonnable et leur résiliation anticipée comme entraînant un droit à indemnité », précise le rapport.  D'où la saisine du Conseil d'Etat.

Etudier « toutes les options fiscales »

Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a noté que les juristes du Palais Royal devraient également étudier « toutes les options fiscales », le gouvernement ayant l'intention de mettre les sociétés autoroutières à contribution pour financer l'effort annoncé sur le rail. Bruno Le Maire veut aussi, comme l'a suggéré l'Autorité de régulation des transports (ART), que les nouveaux contrats soient plus courts, et comprennent « une clause de révision des tarifs des péages en fonction du niveau de rentabilité ». Il rejette toute renationalisation des autoroutes qui selon lui coûterait entre 40 et 50 milliards d'euros au contribuable. Clément Beaune a par ailleurs annoncé l'organisation « d'Assises des autoroutes » d'ici l'été. « Toutes les questions seront posées sur l'avenir des concessions », a-t-il garanti.

Vinci a déjà fustigé une « incompréhension du modèle économique des concessionnaires »

Plus de la moitié des profits de Vinci viennent des autoroutes, soit 2,2 milliards d'euros (+15%). Interrogé début février lors de la présentation des résultats du géant du BTP, Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes a répondu que ce sujet lui inspirait « un sujet de redite » blâmant plus généralement une « incompréhension » du modèle économique des concessionnaires.

Dans une interview accordée à La Tribune, Xavier Huillard, PDG de Vinci, soulignait être favorable à des durées de concessions plus courtes quand les contrats actuels se termineront : « nous avons acheté une concession très longue car les investissements déjà faits et à faire sur le réseau étaient très importants. Il fallait donc les amortir sur une longue durée. Si l'État repart sur une nouvelle concession, les investissements à faire seront beaucoup plus modestes. Et la durée de concession plus courte. Le petit bémol que je mettrais, c'est qu'elle laisse entendre que le nouveau concessionnaire doit s'investir davantage dans la décarbonation. Le problème c'est que nous n'avons pas le temps d'attendre la fin des concessions actuelles, vers 2035. La décarbonation c'est maintenant qu'il faut la faire si l'on veut avoir une chance d'atteindre le zéro CO2 en 2050 ».

Et d'insister : « pour vraiment décarboner, il faut des investissements colossaux et la question du financement se pose. Prolonger la durée de vie des concessions est en effet l'un des moyens de le financer ».

(Avec AFP)