Avec le nécessaire feu vert des pilotes, Air France va lancer Boost

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1257  mots
Avec ce projet, la direction veut réduire les coûts de 18% sur le long-courrier et de 15% sur le moyen-courrier.
Après le plébiscite des pilotes pour le projet de création d'une compagnie à coûts réduits, Air France va rapidement lancer son projet. Cet accord met fin à une longue période de tensions sociales en interne, mais ne résout pas les problèmes de compétitivité d'Air France.

C'est fait. Air France va pouvoir lancer son projet Boost de création d'une nouvelle compagnie à coûts réduits. Consultés par le bureau du SNPL, les adhérents du syndicat national des pilotes de ligne ont voté à hauteur de 78,2% pour le nouveau projet d'accord proposé par la direction qui concerne non seulement les conditions de création de cette nouvelle compagnie mais aussi l'évolution des conditions de travail et de rémunération à Air France. Un score sans appel, avec un taux de participation de près de 83%. Le feu vert des pilotes était indispensable en raison de l'accord de périmètre aujourd'hui en vigueur dans l'entreprise. Selon lui, toute création d'une filiale de plus de 110 sièges doit avoir l'accord des pilotes.

Une claque pour le bureau du SNPL

Ce résultat constitue une sacrée claque pour le bureau du SNPL qui avait soumis aux pilotes un autre texte. Bien qu'hostile à ce projet, le bureau du SNPL n'a pas d'autre choix que de signer ce texte. La signature pourrait se faire ce mardi. Elle interviendra donc après celles, la semaine dernière, de deux des trois syndicats représentatifs de personnels navigants commerciaux, l'UNAC et l'UNSA, dont le poids chez les hôtesses et les stewards, permet de valider l'accord.

Un DG recruté en interne

Les négociations avec les syndicats ayant traîné en longueur, Air France ne tardera pas, une fois l'accord officiellement signé, à lancer le processus de décollage de cette compagnie, censée initialement débuter ses vols fin octobre ou début novembre. La marque commerciale et le nom des premières lignes seront rapidement dévoilés et la demande de certificat de transport aérien (CTA) sera déposée à la direction générale de l'aviation civile. Selon nos informations, Jean-Michel Mathieu aujourd'hui Senior Vice-Président des ventes directes et des services, sera le directeur général de cette nouvelle compagnie. Méconnu, il était Chef de projet Boost sous la houlette de Pierre-Olivier Bandet, en charge du réseau d'Air France. A ce titre, "c'est lui qui a vraiment porté le dossier", explique un proche. Sophie Boardmann, commandant de bord, sera Chief operating officer (COO) et dirigeant responsable.

Les "Millennials", le cœur de cible

Cette compagnie entend s'adresser principalement aux « Millennials », cette génération de technophiles nés entre le début des années 80 et l'an 2000 au moment de l'avènement du numérique, du low-cost ou encore de l'économie du partage. Une clientèle qu'Air France reconnaît avoir du mal à capter. Pour créer un lien avec cette clientèle, Boost proposera un produit spécifique avec une offre de divertissement "différente", "connectée" et "innovante", selon les termes utilisés en interne, qui "ne doit pas paraître moins-disante" par rapport à Air France, tout en donnant "la perception de tarifs plus avantageux". Le wifi devrait être gratuit pour tous (il serait financé par la publicité) avec dans un premier temps une "boucle wifi interne" puis, dans un second temps, une connexion avec le sol.

La direction a l'intention de développer les options payantes en classe économique ("buy on board"). Pour les repas, par exemple, Air France compte monter en gamme et proposer une restauration à la carte et payante en classe économique sur tous les vols moyen-courriers.

Une flotte de 28 appareils

Cette compagnie débutera son activité d'abord sur le réseau moyen-courrier avec 6 A320, positionnés sur des lignes concurrencées par les low-cost, puis sur le long-courrier au printemps 2018 avec trois ou quatre A340 qui permettront d'exploiter trois lignes, deux assurées jusque-là par Air France et une ouverture (réouverture ?) de ligne. En 2020 cette nouvelle compagnie comptera 28 appareils, 18 de la famille A320 pour assurer l'alimentation du hub de Paris-Charles de Gaulle, et 10 gros-porteurs composés d'A340 et d'A350. Au total, Boost devrait permettre d'augmenter l'offre en sièges d'Air France sur le long-courrier de 10% entre 2017 et 2020.

Combinée aux remplacements des départs naturels de pilotes, cette augmentation d'offre va déboucher sur le recrutement de 750 pilotes d'ici à 2020. Cette croissance va permettre à Air France de revenir sur des équilibres de production avec KLM plus favorables comme le souhaitait le SNPL. L'idée est de faire remonter l'activité d'Air France et de la nouvelle compagnie à 61% de celle d'Air France-KLM (en heures de vol) d'ici à 2025/2026 et à 61,8% en sièges kilomètres offerts), contre 58,6% et 58,7% respectivement en 2017/2018.

35% des lignes long-courriers dans le rouge

La création de cette compagnie traduit l'incapacité d'Air France de se réformer en interne, puisque l'essentiel des gains de productivité sera réalisé par une compagnie « B ». Elle vise à avant tout à baisser les coûts par rapport à Air France dans le but d'exploiter de manière rentable des lignes sur lesquelles Air France perd de l'argent et d'en rouvrir d'autres qui ont été récemment abandonnées faute de rentabilité : 35% des lignes long-courriers d'Air France étaient encore dans le rouge il y a quelques semaines. Sur le moyen-courrier, le taux de lignes déficitaires atteint même 80%. Le principal objectif de la direction est de reprendre des couleurs face aux compagnies du Golfe, sur des lignes « mi business/mi loisirs ».

La baisse des coûts principalement réalisée sur les PNC

Avec ce projet, la direction veut réduire les coûts de 18% sur le long-courrier et de 15% sur le moyen-courrier. Les sources d'économies reposent en grande partie sur le poste des hôtesses et stewards (PNC, pour personnels navigants commerciaux). Recrutés sur le marché avec des conditions de travail et de rémunération spécifiques, et non à Air France, leur coût sera 45% moins élevé que dans la maison-mère, a expliqué ce lundi Gilles Gateau, le directeur général d'Air France en charge des ressources humaines.

Les pilotes seront en revanche ceux d'Air France, lesquels voleront indifféremment d'une compagnie à l'autre. La baisse de coûts de 15% sur le poste des pilotes Boost, sera obtenue par des efforts mutualisés sur l'ensemble des pilotes d'Air France. Soit 1,5% sur l'ensemble des pilotes. Les mesures définies dans l'accord permettront de dégager 40 millions de d'euros d'efficacité économique, dont une partie provient du solde du plan Transform, c'est-à-dire les mesures que n'avaient pas faites les pilotes au cours du plan précédent 2012-2014.

Fin d'une longue période de crispation

Ces accords vont faire du bien à l'entreprise. Ils vont clore une longue période d'agitation et de crispation qui avait pris forme en 2014 sous la présidence d'Alexandre de Juniac à Air France-KLM et de Frédéric Gagey à Air France. Après le plan Transform, clos fin 2014, ces derniers voulaient mettre en place un nouveau plan ambitieux d'amélioration de la performance pour rattraper les concurrents du groupe français. Mais les efforts demandés ont suscité le rejet des syndicats et des salariés, parfois de manière brutale comme ce fut le cas en octobre 2015 avec les violences sur des membres de la direction.
Les accords arrachés aujourd'hui permettent de calmer le jeu et de montrer qu'Air France peut bouger. Mais ils ne règlent pas les sujets de compétitivité intrinsèque d'Air France. Avec beaucoup d'attributs partagés avec Air France, Boost ne semble pas être la réponse du groupe au développement des low-cost long-courriers. En novembre dernier, la direction ne cachait pas qu'elle n'y croyait pas trop et qu'elle devait se focaliser sur la réponse à donner aux compagnies du Golfe.