"Si Vinci n'a pas ADP, ce serait surtout dommage pour la France" (DG Vinci Concessions)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  852  mots
Vinci a pris mardi 14 mai le contrôle de l'aéroport londonien de Gatwick (Crédits : Hannah Mckay)
A l'occasion de la prise de contrôle de l'aéroport londonien de Gatwick, Nicolas Notebaert, le directeur général de Vinci Concessions et président des Vinci Airports a mis en avant les avantages que peut apporter un acteur privé comme Vinci dans la gestion des aéroports. Avec par ricochet plusieurs piques à l'encontre d'ADP, détenu à 50,6% par l'État.

Est-ce l'amertume de voir sa proie convoitée depuis de longues années en passe de lui échapper ? Ou bien la volonté de jouer sa carte jusqu'au bout en espérant l'emporter à l'arrachée ? Probablement les deux. En tout cas, alors que la privatisation d'ADP a du plomb dans l'aile, avec une chance réelle de ne jamais voir le jour depuis la validation du processus de référendum d'initiative partagée (RIP), Nicolas Notebaert, directeur général de Vinci Concessions et président de Vinci Airports, a musclé le discours du géant de la construction et des concessions. Comme s'il cherchait à évacuer le paradoxe qui existe entre l'image exécrable du groupe Vinci dans l'Hexagone et celle, très bonne, dont il jouit dans le monde aéroportuaire.

Des piques à l'encontre d'ADP

Ce mardi 14 mai à Londres, à l'occasion de la prise de contrôle effective de l'aéroport londonien de Gatwick, il n'a cessé de mettre en avant  les avantages que peut apporter un acteur privé comme Vinci dans la gestion des aéroports. Avec par ricochet plusieurs piques à l'encontre d'ADP, détenu à 50,6% par l'Etat.

"Un investisseur privé, c'est plus de croissance du nombre de passagers, plus de satisfaction de qualité de services, plus de revenus extra-aéronautique, un meilleur contrôle des choix opérationnels, des investissements adaptés qui permettent, si vous êtes un gestionnaire pointu, de peser sur les redevances aéroportuaires", a-t-il déclaré, en insistant sur "les capitaux importants qu'un investisseur privé pouvait apporter".

Tout y est passé. En particulier les redevances facturées aux compagnies aériennes, l'un des sujets les plus sensibles de ce dossier controversé. Un point sur lequel le groupe s'était peu aventuré jusqu'ici dans sa communication, plutôt discrète sur le sujet ADP. Les redevances sont en effet l'un des principaux angles d'attaque des opposants à la privatisation d'ADP, compagnies aériennes en tête, qui n'ont cessé depuis le début de manifester leurs inquiétudes de voir les montants s'envoler comme ce fut le cas pour les autoroutes, même si la comparaison des deux sujets n'a rien à voir, en raison notamment d'une régulation différente.

"Avec nous, les redevances d'ADP augmenteraient moins vite", a assuré Nicolas Nortabeart, en surfant sur la contestation récurrente des compagnies aériennes à l'égard de la politique tarifaire d'ADP.

"L'aéroport de Lyon que nous gérons a été le seul à avoir vu ses redevances 2019 validées du premier coup par l'ASI, l'autorité de supervision indépendante", a-t-il fait remarquer. ADP a en effet vu sa première proposition tarifaire retoquée au motif qu'elle générait une rentabilité jugée trop élevée. L'aéroport de Nice a quant à lui essuyé deux refus et s'est fait imposer ses tarifs.

Pour justifier son propos, Nicolas Notebaert a pointé le coût élevé des investissements d'ADP qui entraîne, selon lui, une hausse des redevances pour les financer.

"Notre politique n'est pas de faire des milliards et des milliards d'euros de cathédrales en béton, c'est d'attirer des passagers. Les compagnies viennent s'il y a une modération des tarifs. Il faut des investissements, mais des investissements peut-être plus qualitatifs, plus digitaux, bien dimensionnés, réalisés au bon moment, à coût raisonnable. (...) A l'aéroport de Nantes que nous gérons, Easyjet a ouvert 14 lignes, aucune à Paris", a déclaré Nicolas Notebaert.

Une flèche à l'encontre d'ADP qui prévoit d'investir 6 milliards d'euros dans le prochain contrat de régulation économique. Mais le gestionnaire des aéroports parisiens rétorquera assurément qu'il a ouvert 68 nouvelles lignes l'an dernier au départ de Roissy-Charles de Gaulle et d'Orly et que les investissements prévus pour le prochain contrat de régulation économique (2021-2025) s'accompagneront d'une "modération tarifaire", puisque le groupe prévoit pour cette période un plafond d'augmentation des redevances de 1,35% (hors inflation) par an. Ou encore que le futur terminal 4 qui ouvrira ses portes à partir de 2028, disposera de tous les attributs d'un "smart airport", avec un haut niveau de services.

"On continuera dans l'aéroportuaire"

En attendant, ADP ou pas, Vinci continue son développement dans le secteur aéroportuaire. Une stratégie qui vise à compenser la fin des concessions autoroutières en France à partir de 2030.

"On serait heureux de continuer notre développement avec ADP, mais si on n'a pas ADP, ce serait surtout dommage pour la France, de ne pas pouvoir consolider dans ce concert mondial, une activité de leadership mondial incontestée (sic). (Si on n'a pas ADP, NDLR), on continuera quand même. Nous n'avons pas d'inquiétude sur le marché. Il y a une tendance mondiale à la privatisation des aéroports", a déclaré Nicolas Notebaert.

L'acquisition de Gatwick en témoigne. Avec cet aéroport qui accueille 46 millions de passagers par an, Vinci revendique la deuxième place mondiale derrière le groupe espagnol AENA, avec un trafic de 240 millions de passagers. Surtout, Gatwick va apporter à Vinci un grand nombre de bonnes pratiques opérationnelles que Vinci pourra déployer dans ses 43 autres aéroports.