SNCF : la CGT-Cheminot "n'est pas rassurée" par son entrevue avec Borne

Par latribune.fr  |   |  2264  mots
(Crédits : Stephane Mahe)
Ils sont prêts à une grève dure: les syndicats de la SNCF, réunis depuis 17h mardi, doivent décider d'une riposte unitaire au gouvernement qui veut réformer le groupe public avec ordonnances et abandon du statut de cheminot.

>> Article du 27/02/2018 à 20h08 | Mise à jour le 01/03/2018 à 11h42

Dénonçant un "passage en force", la CGT-Cheminots, premier syndicat à la SNCF, envisage "un mois de grève" pour "faire plier le gouvernement". La CFDT (4e syndicat) propose une "grève reconductible à partir du 14 mars". L'Unsa (2e) opte aussi pour la grève. "Un mouvement dur", prévient SUD-Rail (3e).

La CGT participera aux réunions
de concertation "sans beaucoup d'illusions"

La CGT cheminots "n'est pas rassurée du tout" sur le projet de réforme de la SNCF, a déclaré jeudi son secrétaire général Laurent Brun, à la sortie d'une première réunion de concertation avec la ministre des Transports Elisabeth Borne. Il y a eu "beaucoup d'échanges mais pas beaucoup de marges de manœuvre", a-t-il relevé.

Laurent Brun a précisé avoir formulé à la ministre "un certain nombre de critiques" à l'égard du projet présenté lundi par le Premier ministre Édouard Philippe, qui prévoit notamment la fin du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés, la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics et de mener la réforme par ordonnances.

"Au-delà de la concertation, nous voulons de la négociation, nous n'avons pas eu gain de cause", a-t-il dit, en ajoutant que son syndicat remettrait "le 7 mars une proposition globale au ministère avec une analyse de la situation".

"Pour l'instant, la ministre n'a pas écarté nos craintes", a noté le syndicaliste.

Quant à l'alerte sociale, première étape du processus permettant d'appeler à la grève pour les cheminots, elle été déposée "ce (jeudi) matin" par les quatre syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD rail et CFDT). Elisabeth Borne reçoit jeudi les principaux syndicats de la SNCF, y compris FO qui n'est pas représentatif.

Evoquant la manifestation nationale du 22 mars, la CGT a proposé "à toutes les organisations syndicales de faire un appel commun" à manifester, en rappelant que l'Unsa (2e syndicat) et SUD-Rail (3e) avaient déjà annoncé leur participation.

"Cette manifestation s'annonce énorme", a prédit Laurent Brun, confirmant que ce jour-là il n'y aurait "pas d'appel national à la grève".

Hamon prêt à descendre
dans la rue "pour le service public"

Benoît Hamon, fondateur du mouvement Génération.s, s'est dit jeudi prêt à descendre dans la rue pour défendre "le service public", affirmant que "le principal enjeu" de la réforme du rail est la question de l'avenir des territoires enclavés.

"On concentre cette réforme sur le statut des cheminots, je pense que le principal enjeu est ailleurs, il est en matière d'aménagement du territoire, abandonne-t-on des territoires déjà très enclavés ou pas ?", a déclaré M. Hamon sur Radio classique.

"Le service public doit s'attacher à assurer l'égalité d'accès des citoyens à un certain nombre de prestations, dont la possibilité de se déplacer d'un point à un autre, et c'est pour cela qu'a été faite la SNCF", a souligné l'ancien candidat socialiste à la présidentielle, pour qui "on peut s'attendre assez légitiment à ce que des gares et des lignes non rentables ferment".

"La réalité c'est qu'on va se concentrer sur les lignes les plus rentables, c'est-à-dire celles qui rapportent du cash et qu'on délaissera probablement progressivement, pour rester compétitifs, les lignes qui sont des lignes déficitaires".

A la question de savoir s'il était prêt à descendre dans la rue, M. Hamon a répondu: "pour le service public oui, pour les territoires aujourd'hui enclavés oui". "Parce que je trouve que c'est anormal qu'après les bureaux de poste, après les cabinets de santé, après les classes, ce soit les gares qui ferment", a-t-il développé, dénonçant "quelques chose d'incroyablement injuste et indifférent aux inégalités sociales".

"La réforme de la SNCF c'est la fin de cette France qui était reliée d'un point à un autre par les chemins de fer", a-t-il conclu.

Guillaume Pepy, le démineur

"Personne n'a intérêt à un conflit long qui affaiblirait le train au moment où il redécolle [...] ni le personnel, ni les syndicats, ni l'entreprise,ni le gouvernement", a dit à l'AFP le patron de la SNCF Guillaume Pepy.

Si la SNCF a présenté mardi de "bons résultats" pour 2017 -1,33 milliard d'euros de bénéfice net, gonflé par d'importantes déductions fiscales, avec une forte hausse de la fréquentation-, un conflit social long "casserait cette dynamique de conquête", a-t-il jugé.

Les quatre syndicats représentatifs se rencontrent au lendemain de l'annonce par le Premier ministre Édouard Philippe d'un recours possible aux ordonnances pour faire adopter "avant l'été" une réforme de la SNCF - dans "une situation alarmante" -, qui prévoit notamment la fin du statut de cheminot pour les nouvelles recrues.

Face à une "campagne mensongère" sur la SNCF, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, a promis une "réponse appropriée" des syndicats à cette "attaque gravissime". Le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Laurent Brun, prédit "l'un des plus importants mouvements sociaux de l'histoire de la SNCF". La CGT, rejointe par SUD-Rail et l'Unsa, avait déjà appelé les cheminots à manifester avec les fonctionnaires le 22 mars à Paris.

L'Unsa propose à l'intersyndicale une grève "avant le 22 mars". Ce "chantage à l'ordonnance" n'est "pas de nature à établir un débat serein", accuse SUD-Rail. Pour la CFDT, le gouvernement a "déjà pris" les décisions et "prive tous les acteurs de la concertation nécessaire" en annonçant des ordonnances.

Les syndicats "gonflés à bloc", selon Martinez

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a déclaré mercredi que le statut des cheminots n'était "pas négociable" et assuré que les syndicats étaient "gonflés à bloc" dans le bras de fer engagé avec le gouvernement sur la réforme du groupe ferroviaire.

"On est gonflés à bloc!", a-t-il assuré sur France 2, au lendemain de la décision des syndicats de la SNCF de donner une chance à la concertation avec le gouvernement, avant d'arrêter, le 15 mars, une éventuelle date de grève.

Pour lui, cette décision "n'est pas un signe de faiblesse des syndicats": "le gouvernement dit qu'il veut discuter, on va voir s'il veut réellement discuter". Soit la concertation "sera un dialogue", soit ce sera "un monologue" et "là, les cheminots se fâcheront". Selon Philippe Martinez, les syndicats ont décidé de prendre Emmanuel Macron "au mot" sur sa volonté de dialogue.

Mais la "réponse" des syndicats "sera à la hauteur de l'attaque" du gouvernement, a prévenu M. Martinez. Il a dit trouver "proprement scandaleux" le fait que l'exécutif laisse entendre qu'"un statut, c'est un privilège. Les cheminots ne sont pas des privilégiés", a-t-il insisté. Ce statut "n'est pas négociable", a-t-il ajouté.

"Qui peut me faire la démonstration -- je mets au défi le Premier ministre et je suis prêt à débattre avec lui -- que les problèmes de la SNCF, c'est le statut des cheminots", a relevé le leader syndical.

Philippe Martinez a rappelé qu'une "journée d'action", avec grèves et manifestations, était toujours prévue le 22 mars, en même temps que la fonction publique.

"Personne n'a intérêt à un mouvement dur" Élisabeth Borne

La ministre des Transports Élisabeth Borne a estimé mercredi que personne n'avait intérêt à une grève dure à la SNCF, répétant qu'elle privilégiait la concertation avec les syndicats, et que la loi remplacerait le contenu des ordonnances au fur et à mesure.

"Personne n'a intérêt à un mouvement dur à la SNCF. La méthode, c'est la concertation", a-t-elle martelé au micro d'Europe 1. "La concertation démarre", a indiqué Mme Borne, qui doit recevoir les syndicats de cheminots jeudi.

Sur la méthode, "il y a à la fois urgence à avancer, et en même temps, la volonté du gouvernement, c'est la concertation", a expliqué la ministre des Transports.

"Il va y avoir deux mois de concertation et trois mois de débat parlementaire", a-t-elle rappelé. "Les deux vont avancer parallèlement, et (...) à chaque fois que la concertation aura permis d'avancer sur un sujet, alors on mettra dans la loi les dispositions à la place des ordonnances."

Elisabeth Borne voit trois thèmes à débattre : les conditions de l'ouverture à la concurrence -dont le calendrier et les garanties à apporter aux cheminots en cas de transfert à un concurrent-, l'organisation de la SNCF et le calendrier de l'arrêt du recrutement au statut de cheminot.

"On fait cette réforme pour un meilleur service ferroviaire parce qu'on a tous besoin d'un service public performant,  [...] pour avoir une SNCF plus efficace, moins cloisonnée, qui ait tous les atouts dans un secteur qui va s'ouvrir à la concurrence, et [...] pour avoir des cheminots bien préparés, bien formés aux métiers de demain", a-t-elle résumé.

"Les cheminots, ils savent aussi qu'il y a des choses qui doivent changer", a observé Mme Borne.

Concernant les bons résultats de la SNCF, qui a publié mardi un bénéfice net plus que doublé à 1,33 milliard d'euros, ils "ne règlent en rien les problèmes du secteur", a-t-elle observé, soulignant notamment le poids de la dette, qu'elle considère comme "une menace pour le service public ferroviaire".

"Je ne vais pas au conflit !" Édouard Philippe

Le Premier ministre Édouard Philippe avait annoncé lundi son intention de réformer la SNCF "avant l'été" avec des ordonnances et en supprimant le statut de cheminot pour les nouveaux embauchés.

"Je ne vais pas au conflit", a assuré le Premier ministre lundi.

"J'ai bien entendu" les syndicats "qui considéraient que le recours aux ordonnances, prévu par la Constitution, était un casus belli [...] Je dis simplement que nous devons avancer".

Autre "ligne rouge" franchie aux yeux des syndicats: la fin du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés.

"Face à ses concurrents, la SNCF ne peut pas rester la seule à recruter au statut", a justifié Edouard Philippe, alors que le transport ferroviaire intérieur de voyageurs (TER, Intercités et TGV) doit être ouvert à la concurrence au plus tard fin 2023.

Ce statut, qui offre entre autres garantie de l'emploi et augmentations de salaire automatiques, sera abandonné à partir d'"une date qui sera soumise à la concertation", a promis le Premier ministre.

Il y a de la "place (pour) la concertation [...] Je comprends l'inquiétude" des syndicats, a assuré mardi la ministre des Transports.

Une concertation sur différents pans de la réforme est prévue en mars et avril. Elle devra notamment "identifier" les contraintes des métiers du rail et préciser celles qui relèvent de la branche ferroviaire et "celles qui relèvent de choix de l'entreprise", selon Mme Borne, qui recevra jeudi les syndicats.

Vendredi, les syndicats avaient prévenu que s'il choisissait de passer par ordonnances, le gouvernement porterait "l'entière responsabilité d'un conflit majeur".

"Concertation oui, mais pas n'importe comment, pas sous la pression [...] On va se défendre", a averti Didier Aubert de la CFDT. Car "l'annonce de la fin du statut est vécue par les agents comme une vraie injustice", selon SUD-Rail.

L'inquiétude gagne aussi les maires des villes moyennes, qui redoutent une réduction "aussi brutale qu'inacceptable" des dessertes ferroviaires dans le cadre de cette réforme.

Les syndicats de la SNCF ont décidé mardi de donner une chance à la concertation avec le gouvernement sur son projet de réforme du groupe public, avant d'arrêter, le 15 mars, une éventuelle date de grève.

"Si le 15 (mars), nous constatons que le gouvernement est dans la logique d'un passage en force, c'est-à-dire qu'il maintient son projet en l'état, alors il y aura grève à la SNCF", a déclaré Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots (1er syndicat du groupe), à l'issue d'une réunion intersyndicale.

Concertation et un grève coûte que coûte le 22 mars

Laurent Brun a précisé que la manifestation prévue le 22 mars par la CGT, avec l'Unsa et SUD-Rail, était "maintenue". La CFDT décidera "la semaine prochaine" si elle les rejoint, a indiqué Olivier Boissou, l'un de ses représentants. SUD-Rail s'est dit "plutôt satisfait de la teneur des débats".

"On a convenu de se réunir après la présentation du projet de loi d'habilitation des ordonnances, qui devrait tomber le 14 mars", afin d'examiner "le contenu" de ce texte, a expliqué à l'AFP Roger Dillenseger de l'Unsa (2e syndicat).

"On a fait un travail entre organisations syndicales pour sortir une position unitaire responsable. On s'est engagé à entrer en concertation avec le ministère" des Transports, a-t-il ajouté.

Une concertation sur différents pans de la réforme est prévue en mars et avril par le gouvernement. Elle devra notamment "identifier" les contraintes des métiers du rail, selon la ministre des Transports, Élisabeth Borne, qui recevra jeudi les quatre syndicats représentatifs de la SNCF, lors de rendez-vous séparés.

"Nous avons constaté que toutes nos critiques sur le rapport Spinetta (publié le 15 février, ndlr) ont été balayées par le gouvernement, rien n'a été retenu. Si on est dans cette situation de dialogue-là, on n'est pas dans le dialogue, on est dans la confrontation et donc on assumera la confrontation", a prévenu Laurent Brun.

"Tant qu'on n'est pas dans une négociation des contenus, on est dans la confrontation", a-t-il insisté.

 (avec agences)