Et si l'Etat vendait les aéroports de Nice et Lyon à un groupe turc ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  718  mots
Le groupe turc Limak aurait l'offre indicative la plus élevée pour le rachat des 60% que détient l'Etat dans l'aéroport de Nice. A Lyon, il pourrait rejoindre le consortium regroupant l'aéroport de Genève et le fonds d'investissement Cube. Les offres fermes doivent être déposées avant le 4 juillet.

Après la vente de l'aéroport de Toulouse à un groupe chinois, l'Etat va-t-il céder ses 60% qu'il détient dans le capital des aéroports de Nice et de Lyon à un groupe turc? Le scénario n'est pas à exclure, à Nice notamment, dans la mesure où l'offre du groupe turc Limak ressort en tête, à l'issue du dépôt des offres indicatives. Elle représenterait, selon une source proche du gouvernement, un multiple Ebitda « équivalent » à celui qui a permis au groupe chinois de l'emporter à Toulouse (18 fois l'Ebitda quand les finalistes, Vinci et ADP proposaient 16 fois l'Ebitda), les autres candidats seraient plutôt sur des multiples de 14 ou 15. Ce multiple de 18 valorise l'aéroport niçois à 1,8 milliard d'euros.

Estrosi ne veut pas de cession à un groupe étranger

Le groupe Limak fait partie des entreprises choisies par le gouvernement turc pour la construction et le management du nouvel aéroport d'Istanbul. Malgré cette expérience aéroportuaire et sa solidité financière, cette candidature fait des vagues sur les rives de la baie des Anges.

Ce matin, dans Nice Matin, Christian Estrosi, président LR de la métropole Nice Côte d'Azur, ne veut pas entendre parler du groupe turc.

"Alors que nous sommes en état d'urgence, en état de guerre même, c'est tout simplement inadmissible de permettre à une puissance étrangère de s'emparer d'un tel outil stratégique de la Côte d'Azur", a-t-il déclaré.

Le gouvernement est forcément dans l'embarras. Il ne peut pas exclure un groupe étranger de la compétition au motif qu'il est étranger, alors qu'Ankara ne s'est pas opposé à la prise de participation de 38% du groupe ADP dans le gestionnaire aéroportuaire turc TAV. Surtout, si ce candidat répond au cahier des charges et est prêt à faire le plus gros chèque. Car le prix est le principal critère du choix du vainqueur.

La jurisprudence du CIC

A l'issue d'un recours déposé au Conseil d'Etat par la Société Générale lors de la privatisation du CIC en 1997, le Conseil d'Etat avait considéré en 1998 qu'une si une offre inférieure de 2% seulement à la meilleure offre pouvait l'emporter si le projet industriel était estimé meilleur. Or ces 2% ne représentent pas grand chose. Et pour refuser l'offre turque si celle-ci était bien la plus élevée, il faudrait une offre dans les mêmes eaux avec un meilleur projet industriel.

La Commission des participations et des transferts (CPT) reste en effet très attentive pour que la prééminence du prix, soit respectée.

"Si le vendeur s'écarte trop de cela, il y a un risque de contentieux", fait valoir un observateur.

Quelle rentabilité à venir ? Les avis divervgent

Rien n'est joué évidemment. Les candidats ont jusqu'au 4 juillet pour déposer leur offre ferme. Outre Limak, sont également candidats l'italien Atlantia, déjà opérateur de l'aéroport de Rome, associé pour une participation minoritaire avec EDF Invest (la branche d'investissement d'EDF) ; le quatuor Ardian-Siparex-Caisses d'épargne-JCDecaux ; Industry Fund Management (IFM) ; le groupe espagnol d'infrastructures Ferrovial associé au fonds Meridiam ; le trio Vinci-CDC-Predica, l'assureur allemand Allianz associé à Global Infrastructure Partners (GIP), et enfin d'aéroport de Zurich en tandem avec le fonds de pension CPPIB (Canadian Pension Plan Investment Board).

Problème, la valorisation semble difficile. Selon nos informations, la banque conseil de l'Etat, Mediobanca, a convoqué chaque candidat pour leur indiquer que les attentes de rentabilité sont largement supérieures à celles présentées par la direction. La divergence est de taille puisqu'elle va du simple au double. La banque table sur un Ebidta de l'ordre de 500 millions d'euros à la fin de la concession en 2044, quand le management avançait environ 250 millions d'euros. Par ailleurs, à Nice, l'Etat est, selon deux sources, en train de recruter une deuxième banque conseil. HSBC serait favorite.

Alliance à Lyon?

A Lyon, le groupe turc est également en lice. Selon nos informations, des discussions étaient très avancées en début de semaine entre Limak et le consortium regroupant l'aéroport de Genève et le fonds Cube. Ardian-Siparex-Caisses d'épargne-Decaux, IFM, Ferrovial-Meridiam, Vinci-CDC-Predica sont aussi prétendants pour Lyon, le groupe australien d'investissement Macquarie allié à la holding FFP de la famille Peugeot, dont l'intérêt pourrait aller jusqu'à 20%-25%. Selon Reuters, Atlantia, serait également candidat.