Faire rouler des camions électriques sur les routes françaises nécessiterait 10.000 bornes de recharge supplémentaires

Par latribune.fr  |   |  824  mots
Selon le scénario volontariste retenu dans l'étude, 30% des poids lourds seraient électrifiés à horizon 2035, et 25,3% des trajets longue distance en France seraient électrifiés. (Crédits : Gonzalo Fuentes)
Une étude publiée ce jeudi par Vinci Autoroutes, TotalEnergies, Enedis et les grandes marques de camions, prévient que 10.000 bornes de recharge devront être installées le long des routes françaises d'ici 2035 si l'Hexagone veut développer le transport en camions électriques. Pour l'heure, le gouvernement s'est fixé comme objectif d'atteindre 400.000 bornes en activité d'ici à 2030.

L'électrification du transport risque d'être coûteuse en infrastructure. Il faudra, en effet, installer d'ici 2035 10.000 bornes de recharge le long des routes françaises pour recharger les camions électriques, selon une étude inédite présentée ce jeudi par Vinci Autoroutes, TotalEnergies, Enedis et les grandes marques de camions.

Selon le scénario volontariste retenu dans l'étude, 30% des poids lourds seraient électrifiés à horizon 2035, et 25,3% des trajets longue distance en France seraient électrifiés. Dans ce cas, comme pour les voitures, l'électrification des poids lourds nécessiterait une métamorphose des aires de stationnement, en se calant sur le rythme des pauses des chauffeurs.

Après les avoir rechargés au dépôt, pour les alimenter sur leur trajet, il faudrait donc déployer le long des grands axes 10.000 points de recharge lents pour les pauses de longue durée (100 kW), et 2.200 pour la recharge rapide (800 à 1.000 kW). De cette façon, sur un quart des tronçons, le plus fréquenté, un minimum de 50% des places devraient ainsi être équipées de points de recharge à horizon 2035, soit jusqu'à 58 bornes sur chacune de ces aires.

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Un scénario qui semble déjà tangible puisque MAN, Mercedes ou Renault Trucks, qui ont participé à l'étude avec d'autres constructeurs, ont lancé fin 2023 leurs premiers camions longue distance dotés de gigantesques batteries.

Une place de stationnement sur trois serait réquisitionnée

Mais un tel réseau ne serait pas sans conséquences. Alors que les places de stationnement manquent déjà, la création des infrastructures de recharge pour poids lourds pourrait engendrer la suppression d'une place sur trois.

Le rapport préconise donc d'agrandir ces aires de stationnement, sous peine de manquer de 7.000 à 8.000 places en 2035. Enedis, Vinci Autoroutes et TotalEnergies demandent dès lors à l'Etat une « feuille de route partagée et opposable » prenant en compte les besoins de chaque aire, des dispositifs réglementaires qui permettent d'accélérer le raccordement des aires, et un dispositif de subvention.

Une forte consommation d'électricité

Autre problème, ces camions tireront sur le réseau: d'ici à 2035, la consommation d'électricité des poids lourds électriques, en itinérance et non au dépôt, devrait atteindre jusqu'à 3,5 térawattheures, soit 0,8 % de la consommation en France en 2022 (460 TWh). Néanmoins, les besoins de recharge des poids lourds sont plus forts du mardi au jeudi, et en fin de matinée en raison des recharges rapides lors de la pause déjeuner. Or, ces besoins sont complémentaires de ceux des voitures électriques, qui rechargent davantage le week-end ou pendant les vacances, selon le rapport.

Reste que pour affronter cette double électrification, il faudra investir dans le réseau électrique 629 millions d'euros d'ici à 2035. « Ce programme ne présente pas de difficulté technique, mais doit être planifié dès maintenant », prévient le rapport.

Le défi d'installer 400.000 bornes d'ici 2030

Cette demande d'aménagement aux poids lourds s'intègre dans une situation déjà tendue pour le gouvernement. Alors qu'il a atteint l'objectif de 100.000 bornes installées sur le territoire en mai 2023, un an après la date initiale, le gouvernement souhaite maintenant installer 400.000 bornes d'ici 2030. L'Europe, de son côté, a fixé un cahier des charges en la matière : une borne de recharge rapide (400 kW) tous les 60 kilomètres pour les voitures, et une borne plus puissante (1.400 à 2.800 kW) tous les 120 kilomètres pour les camions ou les bus avant 2026.

Pour atteindre cet objectif, de nombreux acteurs se sont déployés ces dernières années sur le marché de la recharge comme Bouygues, Engie, Total ou EDF avec sa filiale Izivia, mais aussi des entreprises étrangères comme le néerlandais Fastned ou l'américain Tesla. Avec l'obligation de vendre des véhicules neufs zéro émission en 2035 en Europe, l'industrie automobile insiste aussi sur le déploiement des bornes pour répondre à la demande.

Dernier exemple en date, en novembre dernier, Izivia, la filiale d'EDF spécialisée dans les bornes de recharge électrique pour les professionnels, a annoncé un partenariat de grande ampleur avec le géant du fast-food McDonald's baptisé « Izivia Fast ». Objectif : équiper 700 des 1.500 restaurants McDonald's de France en station de recharge électrique d'ici à 2025. En tout, plus de 2.000 bornes seront déployées sur tout le territoire. L'enseigne McDonald's avait déjà commencé à déployer des bornes partiellement dans le Nord, mais c'est le premier partenariat aussi important avec une entreprise spécialisée pour le groupe qui souhaite ainsi « encourager les efforts individuels et participer à une transition écologique et énergétique adaptée aux besoins des territoires », a assuré Rémi Rocca, le directeur sénior Impact pour McDonald's France dans un communiqué. Avant McDonald's, Burger King ou encore Subway ont tour à tour fait des annonces pour vanter l'installation de bornes de recharge électriques sur leurs parkings.

(Avec AFP)