Climat : l'Assemblée nationale vote la décroissance du secteur aérien français

Par latribune.fr  |   |  687  mots
Avec la fin des vols entre Paris et Bordeaux, l'activité de l'aéroport de Mérignac (sur la photo) va se réduire (Crédits : Regis Duvignau)
L'Assemblée nationale a voté dans le cadre du projet de loi "Climat & Résilience" la suppression de certaines lignes aériennes intérieures, en cas d'alternatives en train de moins de 2H30.

En dépit d'une future décarbonation de l'aviation, l'Assemblée nationale a voté samedi soir en première lecture la suppression de certaines lignes aériennes intérieures, en cas d'alternatives en train de moins de 2H30, après un débat animé et des divergences jusque dans la majorité. Cette mesure emblématique du projet de loi climat vise à supprimer des liaisons entre Paris (Orly) et Nantes, Lyon ou Bordeaux, mais prévoit des exceptions pour les trajets en correspondance. La SNCF est désormais en situation de monopole sur ces liaisons. La Convention citoyenne pour le climat avait réclamé de renoncer aux vols intérieurs en cas d'alternatives de moins de 4h en train, et non 2h30.

Le projet de loi gouvernemental entérine surtout l'existant, puisque le gouvernement avait contraint Air France à renoncer aux liaisons concernées en contrepartie d'un soutien financier en mai 2020. Il interdira aux concurrents de s'engouffrer dans la brèche. "Nous avons choisi (le seuil en train de) 2H30 car 4H ça vient assécher des territoires souvent enclavés comme le grand Massif central... Ce serait inique sur le plan de l'équité des territoires", a argumenté le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari.

"Casser une filière d'exception"

Mais la mesure a suscité une levée de boucliers de parlementaires de différents bords, souvent élus du Sud Ouest, territoire d'implantation d'Airbus, à Toulouse, et de nombre de ses sous-traitants. Le PS Joël Aviragnet (Haute-Garonne) a fustigé le "coût humain disproportionné" du dispositif et mis en garde contre les pertes d'emplois dans l'aéronautique. Son collègue David Habib a critiqué une mesure de "décroissance" et de "chômage". A droite, Jean-Marie Sermier et Martial Saddier (LR) ont dénoncé une mesure qui vient "casser une filière d'exception". En raison du Covid, "on a une filière qui va très mal", a abondé le MoDem Nicolas Turquois, membre de la majorité.

Le ministre Jean-Baptiste Djebbari a voulu "dédramatiser le débat", soulignant "la complémentarité des modes" entre avion et train : "à chaque fois", le développement des TGV a "asséché très rapidement" les lignes aériennes concernées, a-t-il insisté. Ce qui est loin de la vérité.

A l'inverse, écologistes et insoumis ont plaidé pour revenir à la proposition initiale de la Convention citoyenne pour le climat, avec le seuil de 4H00. Mathilde Panot (LFI) a critiqué "l'article vide" du projet de loi actuel. Un seuil de 4H00 permettrait de supprimer les lignes "les plus émettrices" de gaz à effet de serre comme Paris-Nice, Paris-Toulouse et Paris-Marseille, a insisté Danièle Obono (LFI), chantre de la décroissance.

Un texte qui bride la croissance du secteur aérien

Un décret devra préciser la mesure et les éventuelles autres lignes susceptibles d'être concernées comme Paris-Rennes ou Lyon-Marseille. Le projet de loi prévoit également une compensation carbone graduelle des vols intérieurs - Air France l'applique déjà - et l'interdiction de l'agrandissement des installations aéroportuaires par expropriation si elles entraînent une hausse des émissions.

Pour la ministre déléguée en charge de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher, il n'y a pas de contradiction dans la politique du gouvernement qui combine un soutien financier à la compagnie aérienne Air France, qui a bénéficié d'une nouvelle aide de l'État pouvant atteindre 4 milliards d'euros,et l'interdiction de certains vols intérieurs. "Ce n'est pas une contradiction, c'est une transition", a assuré Agnès Pannier-Runacher sur Europe 1 et Cnews dimanche. "Nous bâtissons une vision 2030, une vision où à la fois, on aurait moins de carbone et autant d'avions", a-t-elle expliqué.

"C'est à dire que nous prenons nos responsabilités en matière d'écologie mais nous les prenons de manière proportionnée. Nous accompagnons les entreprises qui doivent changer de modèle. En l'occurrence, s'agissant du transport aérien, on sait que c'est un des facteurs d'émission de CO2, et nous devons massivement réduire les émissions de CO2 pour des raisons de changement du climat qui sont des raisons majeures."