La fausse interdiction d'Uber à Marseille

Par Mounia Van de Casteele  |   |  919  mots
L'arrêté préfectoral des Bouches-du-Rhône n'interdit pas l'activité des VTC partenaires d'Uber à Marseille. Seulement ceux qui enfreignent la loi dite Thévenoud...
La préfecture de Marseille est revenue jeudi soir sur l'arrêté du 20 octobre qui semblait interdire Uber dans la cité phocéenne. Cela va sans doute décevoir plus d'un taxi.

Les taxis vont être déçus... Et pour cause, la préfecture de Marseille semble faire machine arrière, après avoir publié un arrêté très peu clair, qui semblait de prime abord interdire l'application Uber dans une bonne partie de la ville.

Lire: Uber interdit à Marseille

Le document précisait en effet:

L'activité de transport routier à titre onéreux effectuée par des conducteurs ne remplissant pas les conditions réglementaires, organisée par la société Uber France SAS, ou ses intermédiaires, au moyen de l'application pour mobile UberX, est interdite à  la Gare SNCF St Charles, au Grand Port Maritime de Marseille, au centre-ville de Marseille, délimité par les arrondissements suivants: 13001, 13002, 13003, 13004, 13005, 13006, 13007, 13008, 13009, 13010, 13011, 13012, à l'aéroport de Marseille Provence, et à la gare SNCF d'Aix-en-Provence TGV".

De quoi laisser penser que l'interdiction valait pour tous les chauffeurs partenaires de la plateforme technologique Uber.

Un cafouillage

Oui mais voilà. Dès jeudi matin, un communiqué de la préfecture précisait qu'il s'agissait en réalité de sanctionner "la maraude électronique":

"Depuis le 20 octobre 2015, l'activité de transport routier de personnes à titre onéreux effectués par ses conducteurs ne remplissant pas les conditions réglementaires, organisée par la société Uber France SAS ou ses intermédiaires, au moyen de l'application mobile UberX, est interdite par arrêté du préfet de police" (sic)

"Cette interdiction, qui concerne une activité de "maraude électronique" illégale via l'application UberX réalisée par les VTC ou les détenteurs de licences LOTI, vise à prévenir les heurts et débordements que les forces de l'ordre ont eu à gérer ces derniers mois".

Une précision, qui s'apparente en réalité à un certain cafouillage, dans la mesure où ladite "maraude électronique" est de toute façon interdite par la loi dite Thévenoud, entrée en vigueur le 1er janvier, que ce soit pour les chauffeurs partenaires d'Uber ou pour ceux de toute autre application pour smartphone...

Rectification de la préfecture

Contactée par La Tribune, la préfecture de Marseille a d'abord refusé de commenter cet arrêté, avant, finalement de fournir des éléments de langage supplémentaires, devant l'incompréhension de nombreux médias face à cette interdiction aussi surprenante qu'inédite.

Car certes l'application UberPop, mettant en relation passagers et chauffeurs non professionnels a été interdite dans l'Hexagone, mais jamais l'activité des chauffeurs professionnels (via UberX) n'avait encore été interdite en France.

Aussi le Préfet de Police des Bouches-du-Rhône, Laurent Nunez, a-t-il précisé que cette interdiction d'exercice concernait seulement "les conducteurs qui exercent dans des conditions non réglementaires: défaut d'enregistrement, défaut d'autorisation, maraudes". Ajoutant que l'arrêté du préfet de police "ne vise pas à interdire de manière générale de l'activité des transports en commun à titre onéreux organisée par l'entreprise Uber X" (sic).

Et d'expliciter:

"A Marseille et dans les sites visés par l'arrêté, les contrôles des services de police et des services de la direction départementale de la protection des populations ont mis en évidence ces types d'infractions qui ont d'ailleurs été à l'origine de nombreux troubles à l'ordre public opposant les chauffeurs de taxis et aux chauffeurs partenaires d'Uber".

"C'est en ce sens que ces pratiques illégales ont été interdites à la fois pour rappeler les règles applicables, prévenir les troubles à l'ordre public et asseoir les nombreux contrôles des services de l'Etat sur les secteurs concernés".

La préfecture assure que d'autres précisions suivront très prochainement.

Un coup de pression

En attendant, ce rétropédalage montre sans doute que malgré la pression exercée par les taxis sur l'Etat pour empêcher l'application Uber de fonctionner, les autorités publiques ne peuvent interdire l'activité des chauffeurs professionnels qui respectent la loi Thévenoud, qu'il s'agisse de VTC (véhicules de transport avec chauffeur) partenaires d'Uber ou de toute autre application pour smartphone (Le Cab, Allocab, etc.). Il s'agissait donc en fait plus de mettre un coup de pression à l'entreprise américaine, dans le climat de tension actuel - Uber vient de baisser ses tarifs de 20%, ce qui risque de tirer les prix vers le bas pour l'ensemble des acteurs du secteur, aussi bien taxis que VTC.

Lire aussi : Uber persona non grata à Marseille

Uber prend acte

Un porte-parole d'Uber a réagi en expliquant que la société avait pris acte des rectifications apportées par la préfecture, précisant qu'elle respectait la réglementation en vigueur:

"Uber prend acte des clarifications apportées par le Préfet de Police des Bouches-du-Rhône confirmant la légalité de l'application Uber et de son option UberX. Uber attend désormais les précisions qui seront apportées prochainement à l'arrêté.

Uber respecte la réglementation en vigueur, et ne remet pas en cause le fait que la maraude - c'est-à-dire pouvoir héler un véhicule spécifique disponible à la volée dans la rue - soit strictement réservée aux taxis qui disposent d'un monopole sur cette activité."

Tout en ajoutant que les actes de violence à l'égard de ses chauffeurs partenaires devaient être condamnés:

"Les chauffeurs professionnels sont régulièrement victimes de violences et d'intimidations de la part d'une infime minorité de chauffeurs de taxis. Ces agissements, qui constituent des troubles graves à l'ordre public, doivent être fermement condamnés."

En Belgique, deux chauffeurs de taxi ont été condamnés à une peine de prison de six mois fermes...