La SNCF va commander 100 "TGV du futur" à Alstom quand la priorité va aux trains du quotidien

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  534  mots
La France a investi seulement 1,7 milliard d'euros par an entre 2005 et 2015.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé une commande de 100 TGV du futur pour la SNCF.

En plein « SNCF bashing » et à l'aube d'un mouvement dur des cheminots contre le projet de réforme de la SNCF du gouvernement, l'annonce ce jeudi du ministre de l'Economie Bruno Le Maire d'une commande de 100 TGV du futur à Alstom interpelle à plus d'un titre. D'une part, en grillant la politesse à l'entreprise, dont le conseil d'administration doit valider la commande d'ici à juin, elle met à nouveau en lumière l'ingérence de l'Etat dans la stratégie de la SNCF et par conséquent sa part de responsabilité dans la situation de l'entreprise ferroviaire et du modèle ferroviaire français. La SNCF et les cheminots ne sont pas en effet responsables de la dette ou de la dégradation du réseau faute d'investissements. Cette façon de faire est d'autant plus malvenue que le gouvernement martèle que sa réforme vise à "créer une nouvelle SNCF". Si le gouvernement veut vraiment lui permettre d'affronter la concurrence, il devra donc mettre fin "aux injonctions contradictoires", comme l'a souligné la ministre des Transports, Elisabeth Borne, en faisant allusion à la commande imposée l'an dernier de 14 rames TGV pour aider Alstom.

Priorité, les transports du quotidien

D'autre part, cette annonce interpelle également par rapport aux objectifs maintes fois affichés du gouvernement et de la direction de favoriser les transports du quotidien et la rénovation du réseau, après des années de course à la grande vitesse. Par conséquent, la question n'est pas tant de savoir si cette commande qui va permettre de maintenir le site de Belfort d'Alstom, se justifie pour la SNCF, mais si cet investissement ne va pas amputer l'enveloppe dont a besoin la SNCF pour remettre en état le réseau de lignes classiques qui souffrent d'un sous-investissement chronique depuis 30 ans. La France a investi seulement 1,7 milliard d'euros par an entre 2005 et 2015 quand l'Allemagne était à 3,2 milliards d'euros et le Royaume-Uni 4 milliards. Certes, l'effort a été porté à 2,7 milliards d'euros en 2017, mais il faudrait 3,5 milliards d'euros par an au cours des prochaines années pour permettre à la SNCF de rattraper son retard, selon des sources internes.

"Cette commande de TGV du futur n'est absolument pas la priorité", s'emporte un syndicaliste.

En soi, explique un industriel du ferroviaire, "dans le modèle de dessertes des grandes villes et moyennes par des TGV circulant à la fois sur des lignes à grande vitesse et des lignes classiques et au regard de l'âge avancé auquel vont arriver un grand nombre de rames entre 2022-2023 et 2031, cette commande dont ne connaît pas le nombre d'engagements fermes, n'est pas scandaleuse". Surtout dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, même si celle-ci a plus de chance de concerner le réseau régional que le réseau LGV.

Pour autant, vu les priorités de la SNCF sur le transport du quotidien, la SNCF n'aurait peut-être pas, si elle avait les mains libres, valider le calendrier. Car ce dernier est dicté par Alstom et plus précisément par le site de Belfort qui n'aura plus d'activité à partir de 2021. La SNCF aurait pu très bien prolonger son parc actuel pendant quelques années encore en utilisant des rames amorties, quitte à réaménager les cabines.