La suppression des vols intérieurs français est-elle légale ? Bruxelles enquête

Par latribune.fr  |   |  571  mots
(Crédits : BENOIT TESSIER)
La Commission européenne ouvre une enquête pour examiner la légalité de la suppression des lignes aériennes françaises dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30. Décidée en contrepartie des aides accordées à Air France en mai 2020, cette mesure phare de la loi Climat a fait l'objet de plusieurs plaintes de différents acteurs du transport aérien. Explications.

La fameuse suppression des lignes intérieures dès lors qu'il existe une alternative en TGV en moins de 2h30 (hors vols en correspondance) n'est pas encore entrée en vigueur qu'elle est déjà menacée de ne jamais voir le jour. Ce vendredi en effet, la Commission européenne a annoncé l'ouverture d'une enquête contre ce volet de la loi Climat votée en août dernier.

La Commission européenne "a décidé de faire une analyse approfondie du dossier, et va ouvrir un dialogue formel avec les autorités françaises", a déclaré à l'AFP un porte-parole, Stefan De Keersmaecker."C'est une étape procédurale" qui ne préjuge pas de la  décision finale d'interdire ou non la mesure, a-t-il précisé.

 Dans les faits, cette loi, qui doit entrer en vigueur en mars 2022, (mais les compagnies aériennes ont déjà arrêté leurs vols), concerne essentiellement quatre liaisons : Orly-Lyon, Orly-Nantes, Lyon-Marseille, et la plus importante Orly-Bordeaux.

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"Nous avons compris que les autorités françaises comptent mettre en œuvre cette (mesure) à partir de mars, fin mars 2022", a poursuivi Stefan De Keersmaecker, précisant que la Commission prendrait "une décision aussi rapidement que possible".

Plaintes du Scara, de l'UAF et de l'ACI Europe

Cette décision intervient alors que la mesure a fait l'objet d'une plainte à Bruxelles de la part d'une association de compagnies aériennes françaises, le Scara (syndicat des compagnies aériennes autonomes), à laquelle n'appartient pas Air France, mais aussi de l'Union des aéroports français et de l'association des aéroports européens (ACI Europe).

Tous dénoncent une discrimination et une distorsion de concurrence par rapport autres modes de transports, en particulier le ferroviaire, et contestent la décision de l'Etat français de supprimer, de manière unilatérale et sans aucune étude. Ce qu'ils est, selon eux, « contraire aux principes européens ». Une telle interdiction est normalement permise au titre de l'article 20 du règlement européen CE n° 1008-2008, « lorsqu'il existe des problèmes graves en matière d'environnement ».

L'article 20 du règlement européen sur lequel se fonde la loi prévoit "une exception au principe de libre circulation et de libre concurrence en cas d'atteinte grave à l'environnement", expliquait à La Tribune Thomas Juin, le président de l'UAF. "Or, aucune étude d'impact n'a démontré une atteinte grave à l'environnement. Et si c'était le cas, alors il faudrait aussi fermer la rocade de Bordeaux ! De plus, il n'y a eu aucune étude non plus sur l'impact des comportements de substitution : train, voiture, aviation privée ? On n'en sait rien", poursuivait-il.

0.04% des émissions des transports en France

Selon les professionnels de l'aérien, les quatre lignes concernées par la loi "Climat et résilience" ne représentent en cumulé que "0,23 % des émissions de CO2 du transport aérien intérieur français et 0,04 % des émissions des transports en France". De quoi expliquer, qu'il n'y a pas d'atteinte grave à l'environnement et affirmer que le moyen utilisé, l'interdiction, est disproportionné.

Plus largement, par ce dépôt de plainte, le secteur aérien et aéroportuaire expriment leur crainte de voir un précédent se matérialiser avec la suppression de ces quatre liaisons, ouvrant ainsi la porte à d'autres suppressions de dessertes aériennes ailleurs en Europe.