Coup de théâtre. Deux mois après la promulgation de la loi Climat et résilience confirmant l'arrêt des lignes aériennes intérieures dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30 (hors trafic vers les hubs), la décision est attaquée par les aéroports. Selon les informations de La Tribune, l'Union des aéroports français (UAF) et la branche européenne du Conseil international des aéroports (ACI Europe) ont adressé à la Commission européenne, le 17 septembre dernier, une plainte conjointe contre la suppression unilatérale des quatre liaisons concernées par la loi : Orly-Lyon, Orly-Nantes, Lyon-Marseille, et Orly-Bordeaux, la plus importante d'entre-elles.
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Les deux associations représentant les aéroports français et européens contestent la décision de l'Etat français de supprimer, de manière unilatérale et sans aucune étude d'impact, une desserte aérienne.
"Aucune étude d'impact"
"C'est une plainte pour non-respect du droit communautaire déposée auprès de la Commission européenne. L'article 20 du règlement européen sur lequel se fonde la loi prévoit une exception au principe de libre circulation et de libre concurrence en cas d'atteinte grave à l'environnement", explique à La Tribune Thomas Juin, le président de l'UAF.
"Or, aucune étude d'impact n'a démontré une atteinte grave à l'environnement. Et si c'était le cas, alors il faudrait aussi fermer la rocade de Bordeaux ! De plus, il n'y a eu aucune étude non plus sur l'impact des comportements de substitution : train, voiture, aviation privée ? On n'en sait rien", poursuit-il.
Le président de l'UAF assure que les quatre lignes concernées par la loi "Climat et résilience" ne représentent en cumulé que "0,23 % des émissions de CO2 du transport aérien intérieur français et 0,04 % des émissions des transports en France". Et Thomas Juin d'enfoncer le clou : "Il n'y a pas d'atteinte grave à l'environnement et le moyen utilisé, l'interdiction, est disproportionné. Nous demandons donc à la Commission européenne de se prononcer sur le sujet et, si elle le juge nécessaire, de faire évoluer le droit communautaire."
Plus largement, par ce dépôt de plainte, l'UAF et ACI Europe expriment leur crainte de voir un précédent se matérialiser avec la suppression de ces quatre liaisons, ouvrant ainsi la porte à d'autres suppressions de dessertes aériennes ailleurs en Europe.
Réaction de Bordeaux Métropole
Concernant la ligne Orly-Bordeaux, en mars 2021, le conseil de Bordeaux Métropole avait adopté une motion demandant au gouvernement de rétablir deux liaisons aériennes matin et soir.
"Je considère toujours que l'arrêt de cette navette est une bêtise, notamment parce qu'elle revient à remplacer des vols opérés par Air France par des vols d'aviation d'affaires privés. Tout ce qui va dans le sens d'un rétablissement de cette liaison est une bonne chose", réagit Alain Anziani, ce 18 octobre, interrogé par La Tribune à l'occasion du 1er Sommet aéronautique et spatial de Bordeaux Métropole.
Un événement qui a également incité les représentantes bordelaises au CSE cout-courrier d'Air France à adresser un courrier aux élus locaux girondins et néo-aquitains ce lundi 18 octobre. La suppression de cette navette, qui convoyait 560.000 passagers annuels avant la crise du Covid, a en effet entraîné de grandes difficultés pour la base bordelaise d'Air France avec la suppression de 130 postes. La soixantaine de salariés toujours basés à Bordeaux ont ainsi recours à des prestations en intérim pour gérer le trafic restant. Tandis que les grands comptes de l'aéronautique affrètent leurs propres vols privés pour déplacer leurs équipes entre Bordeaux et la région parisienne.
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"Alors même qu'aucun bienfait environnemental ne peut être établi suite à l'arrêt de ces lignes puisque tous les créneaux rendus à Orly ont été réattribués à une compagnie étrangère visant à opérer des vols plus longs donc plus polluants et tournés vers une clientèle loisirs à bas coûts ; les effets néfastes en contrepartie sont multiples sur les voyages d'affaire, sur les emplois, directs et indirects, sur l'attractivité et la desserte territoriale, sur l'économie régionale, sur l'augmentation disproportionnée de locations d'avions privés [...]", alertent ainsi les quatre représentantes au CSE, avant de poursuivre : "Le retour de quelques fréquences quotidiennes entre Bordeaux et Orly réalisées en Airbus A220 et traitées par des salariés Air France a plus que jamais du sens !".
De son côté, l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, qui vient d'inaugurer sa nouvelle jetée internationale, part du principe que son activité se fera bel et bien sans la navette Air France dans les prochaines années conformément au texte de loi. Ce dernier, et le règlement européen sur lequel il se fonde (article 15) prévoit une évaluation de cette mesure d'interdiction au bout de trois ans, soit en 2024.
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