Le conflit s'envenime à Air France, les syndicats déposent 4 jours de grève supplémentaires

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  961  mots
L'intersyndicale a décidé quatre journées de grève supplémentaires pour les salaires, les 17 et 18 avril puis les 23 et 24 avril (Crédits : Charles Platiau)
La réunion entre la direction et l'intersyndicale sur la question salariale n'a débouché sur rien. Chacun campe sur ses positions. L'intersyndicale a déposé 4 jours de grève supplémentaires en avril, en plus des 3 déjà prévus.

Malgré quatre jours de grève et un appel à la grève pour trois autres jours, les 7, 10 et 11 avril, la direction d'Air France reste ferme face aux syndicats. Mercredi 4 avril, à l'occasion d'une réunion avec l'intersyndicale sur l'épineuse question des hausses des grilles de salaires, direction et syndicats ont campé sur leurs positions. Une hausse générale de salaires de 6% pour les syndicats contre une hausse de 1% pour la direction, assortie de la proposition d'augmenter les rémunérations de tous ceux dont le pouvoir d'achat aurait diminué depuis 2011 (environ 10% des salariés). Une tentative balayée par l'intersyndicale qui y voit une volonté de la direction de briser l'intersyndicale.

"La direction a reçu l'intersyndicale ce matin pour une nouvelle réunion, afin de discuter et de négocier notamment la proposition formulée le 13 mars 2018 : la mise en place d'un mécanisme complémentaire d'ajustement salarial pour les personnels dont le salaire individuel aurait augmenté moins vite que l'inflation entre 2011 et 2017, en réponse à la revendication de rattrapage de l'inflation. L'intersyndicale a décidé de quitter la salle après 40 minutes. Seule la voie de la négociation permettra de mettre fin à ces grèves insoutenables pour la large majorité des salariés et pour nos clients. Depuis 2011, l'ensemble de l'entreprise s'est mobilisé pour réduire les coûts et ainsi retrouver des marges de manœuvres, réduire les pertes et éviter l'attrition. La revendication de +6% d'augmentation des salaires formulée par l'intersyndicale reviendrait à annuler ces efforts et à revenir en arrière en matière de coûts et de rentabilité.

Et d'ajouter :

"La trajectoire de croissance prévue pour Air France dans le cadre de Trust Together repose sur l'équilibre entre la juste reconnaissance des efforts fournis par les salariés depuis 2011 et la capacité de financer cette croissance. C'est le sens de l'accord d'intéressement négocié en 2017 et des mesures salariales mises en œuvre pour 2018. La Direction réaffirme sa volonté de négocier dans un cadre équilibré pour maintenir la trajectoire d'Air France", a expliqué la compagnie."

Durcissement du conflit en vue

La tension va monter d'un cran avec un durcissement du conflit en perspective. L'intersyndicale a décidé quatre journées de grève supplémentaires pour les salaires, les 17 et 18 avril puis les 23 et 24 avril.

Dénonçant un "simulacre de négociation", dans un communiqué transmis à l'AFP, l'intersyndicale affirme qu'elle "reste déterminée à poursuivre le combat jusqu'à obtention d'une augmentation de 6% des grilles de salaires" pour tous.

Les 18, 23 et 24 avril coïncident avec des dates de grève programmées à la SNCF. Une grève de son concurrent dont Air France aurait pu tirer un grand profit.

Dans son texte, l'intersyndicale explique avoir été reçue mercredi par la direction, mais "pas pour entamer des négociations".

"En venant une fois de plus les poches vides, en ne faisant aucune proposition réaliste, la direction persiste dans la confrontation et assume de faire durer la grève", sachant que "cet entêtement a déjà fait perdre 100 millions d'euros à Air France", affirme-t-elle.

La direction de la compagnie aérienne, qui n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat, avait estimé à environ "26 millions d'euros" le coût de la première journée de grève, en février, lors de laquelle un quart des vols avaient dû être annulés, selon ses estimations.

Rappel des faits

Pour rappel, la direction a signé en février avec la CFDT et la CFE-CGC un accord de hausse générale des salaires de 1% (en deux temps, deux fois 0,5%), assortie d'une enveloppe d'augmentations individuelles pour le personnel au sol équivalent à 1,5% de hausse (les augmentations individuelles des navigants sont régies par des accords spécifiques). Trop peu pour les autres syndicats qui goûtent mal de se voir proposer une hausse inférieure à celle de l'inflation, quand la compagnie a affiché en 2017 sa meilleure situation financière avec un résultat d'exploitation de 588 millions d'euros. Réunies en intersyndicale, une dizaine d'autres organisations syndicales représentant plus de 50% des voix aux élections se sont opposées à cet accord et demandent une hausse générale de 6%, équivalant à 240 millions d'euros (hors intéressement déjà acquis de 60 millions d'euros), pour rattraper l'inflation perdue depuis le gel des grilles salariales en 2011.

La direction refuse, en rappelant qu'elle ne peut redistribuer plus de la moitié de son bénéfice d'exploitation, alors que l'environnement est plus difficile cette année et que ses résultats restent largement inférieurs à ceux de ses concurrents. La direction rappelle aussi que le poids de l'intéressement est conséquent et que la masse salariale a augmenté depuis 2012 du fait du GVT (glissement vieillesse technicité), des promotions... avec près de 90% des salariés qui ont vu leur pouvoir d'achat progresser au cours de cette période. Elle propose donc d'augmenter ceux dont le pouvoir d'achat aurait diminué depuis 2011.

Réunion avec les pilotes

Une réunion est prévue jeudi 5 avril entre la direction et les pilotes pour aborder les questions spécifiques à cette partie du personnel qui demande, en plus des 6%, une hausse de 4,7% de rémunération. La direction souhaiterait aboutir à un « accord gagnant-gagnant » prévoyant une hausse de rémunération pluriannuelle pour les pilotes contre des mesures permettant à l'entreprise de faire des économies, que ce soit des mesures sur l'entrée de l'A350 dans la flotte, sur le protocole instructeur du B787 ou encore l'extension du périmètre de Transavia, dont la flotte maximale est aujourd'hui fixée à 40 avions par un accord signé par la direction et celle du SNPL. Les pilotes voulant régler au préalable la question de l'inflation, cette réunion ne va déboucher sur rien.