L'appel à la grève d'une dizaine de syndicats d'Air France pour obtenir une hausse de salaires de 6% tombe mal pour l'ensemble des acteurs de ce secteur. Il intervient en effet au moment où le gouvernement, après avoir été sensible aux cris d'orfraie poussés par les syndicats de la compagnie sur l'absence de stratégie dans le transport aérien et le poids de l'environnement français pour expliquer les difficultés d'Air France, a accepté d'ouvrir les premières Assises du transport aérien à partir du 20 mars.
Ces Assises, qui visent à prendre des mesures pour améliorer la compétitivité des compagnies tricolores pour qu'elles puissent rivaliser dans un secteur hyper concurrentiel, suscitent un espoir important auprès des syndicats d'Air France et de la plupart des salariés, mais aussi de la direction qui estime qu'une action de l'Etat pourrait permettre de faire accepter aux salariés des efforts supplémentaires.
Certains syndicats attendent des mesures pour 500 à 600 millions d'euros
Certains syndicats, comme le puissant syndicat des pilotes SNPL, rêvent même de mesures qui réduiraient les coûts d'Air France de 500 à 600 millions d'euros - le montant des surcoûts de l'environnement français, disent-ils.
Toujours est-il que, sans entrer dans le fond du sujet, la grogne syndicale tombe mal. Lancer un mouvement dur pour réclamer une hausse de salaires de 6% au moment où l'on vient aux Assises demander un chèque de 500 millions à l'Etat peut en effet donner du grain à moudre à ceux qui affirment que l'environnement français n'explique pas tout dans la faible compétitivité d'Air France, et que les syndicats d'Air France ont également leur part de responsabilité en refusant la réforme et en multipliant les grèves ou les menaces de grève.
D'autres ajoutent même que cette position pourrait même être cyniquement utilisée par l'Etat pour rester modeste dans ses mesures au motif que l'Etat «ne va pas financer les hausses des salaires des pilotes », fait valoir un pilote.
"Pour les salaires, c'est maintenant"
Pour autant, si beaucoup de pilotes grévistes reconnaissent que le calendrier tombe mal, ils estiment néanmoins qu'ils ne sont pas responsables de la façon dont ont été menées les négociations obligatoires annuelles (NAO) en février.
En outre, vu la longueur de ces Assises (jusqu'à fin septembre), « nous n'allions pas mettre nos revendications entre parenthèses pendant une période aussi longue. Car pour les salaires, c'est maintenant », fait valoir un autre pilote.
Pour rappel, après 6 ans de gel de salaires, les syndicats grévistes s'opposent à l'accord minoritaire signé à l'issue des négociations annuelles obligatoires (NAO) par la CFE-CGC et la CFDT (31,3% des voix du personnel) qui prévoit 1% d'augmentation générale en deux temps pour 2018, assortie d'une enveloppe d'augmentations individuelles de 1,4% pour les personnels au sol (les augmentations individuelles des navigants sont réglés par des accords spécifiques).
588 millions de bénéfice d'exploitation
Pour eux, l'amélioration d'Air France qui a dégagé 588 millions d'euros de bénéfice d'exploitation, justifie cette hausse qui rattraperait l'inflation perdue depuis 6 ans - qui n'a été que de 2,5% rappelle la direction. Cette dernière refuse en disant que ces 6% de hausse salariale représentent 240 millions d'euros, et même 300 millions, en tenant compte de l'intéressement. Et qu'elle ne peut alourdir ses coûts face à des concurrents comme Lufthansa ou IAG qui gagnent beaucoup plus. Le débat porte sur la rémunération depuis le gel des salaires. Si les grilles salariales sont en effet gelées, la rémunération et donc le pouvoir d'achat d'une très grande majorité de salariés d'Air France a augmenté via le GVT notamment. Un argument que rejettent les syndicats. «Si les grilles ne progressent pas, le métier se dévalorise », explique l'un d'eux.
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