Le SNPL dézingue la direction d'Air France : ça promet pour la reprise des négociations  !

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  946  mots
Entre la direction et les syndicats, les positions sont toujours aux antipodes, et les tensions, toujours aussi fortes.
Le 10 mars, soit cinq mois après la fin des négociations sur des mesures de productivité, les négociations entre les syndicats de pilotes et la direction vont reprendre. Les tensions ne sont pas apaisées. Dans un communiqué au vitriol, le SNPL a critiqué la direction et affirmé qu'il ne signerait pas son plan.

Cinq mois après l'échec des négociations sur des accords de productivité entre la direction d'Air France et les syndicats de pilotes (SNPL et SPAF), les négociations vont reprendre le 10 mars. Elles devraient comprendre d'ici à fin mars 5 séances (voire 7 si besoin) selon un courrier de la direction envoyé mi-février aux syndicats.

A priori, les parties ont donc visiblement réuni les conditions pour se remettre autour de la table des négociations. Ce qui laisserait augurer une issue prometteuse de ces négociations avec la signature d'un accord qui mettrait fin à ce conflit, lequel empoisonne la vie de la compagnie depuis plus de 18 mois.

Il n'en est rien. Entre la direction et les syndicats, les positions sont toujours aux antipodes, et les tensions, toujours aussi fortes.

Un ton très agressif

En témoigne un communiqué de presse au vitriol du SNPL Air France diffusé ce lundi. Son ton très agressif alourdit déjà l'ambiance des négociations et n'augure rien de bon sur leur issue. Certes, s'il est habituel d'aborder les négociations en montrant ses muscles, il l'est moins de le faire de cette manière avec des éléments dont certains sont contestables comme la critique de la couverture carburant avant la baisse des cours (la dégringolade était difficile à anticiper) qui n'a pas permis -comme toutes les compagnies- de profiter pleinement du prix marché.

Une pluie de critiques

Alors qu'Air France-KLM et Air France sont revenus largement dans le vert en 2015, le syndicat "conteste l'analyse restrictive et erronée" des résultats du groupe faite par Alexandre de Juniac, le Pdg d'Air France-KLM ; fait état de "choix stratégiques qui posent question" ; "s'inquiète de voir l'entreprise s'échiner à ramer à contre-courant" en "demandant des efforts aux salariés quand le groupe gagne de l'argent", mais aussi en "réduisant la voilure dans un marché en croissance de plus de 5%" et en "faisant la guerre aux pilotes quand toutes les compagnies majors peinent à recruter des pilotes expérimentés". Le SNPL déplore également "une stratégie de comptable" quand le désendettement l'emporte sur l'investissement et conseille à la direction de "sortir le nez de ses lignes de comptes" et de "regarder comment travaillent et investissent les concurrents".

L'allusion aux concurrents est plutôt curieuse dans la mesure où tous (British Airways, Iberia, Lufthansa, les compagnies américaines...) ont pris des mesures extrêmement fortes de baisses de coûts leur permettant aujourd'hui de croître.

Désendettement

Quant au désendettement, difficile de dire qu'il n'était pas nécessaire au cours des années précédentes, sauf à nier que le groupe était en difficulté. A ce propos, si la direction se réjouit d'avoir ramené sa dette de 6,5 milliards d'euros en 2012 à 4,3 milliards d'euros fin 2015 comme l'avait fixé le plan Transform (l'objectif était 4,5 milliards exactement), elle ne doit pas oublier que cette performance a été obtenue avec un an de retard par rapport au calendrier fixé et qu'elle n'a pas été réalisée par la seule génération de cash flow, comme elle l'espérait à l'époque, mais aussi par un certain nombre de cessions (dans Amadeus, slots à Londres) et par le succès d'une émission hybride (qui a permis de compenser l'impact de la grève des pilotes en 2014, selon la direction).

Rejet du plan de la direction

Au-delà de ces amabilités, le syndicat rejette le plan "de croissance soi-disant ambitieux" de la direction présenté le 15 janvier qui vise à augmenter les capacités en sièges kilomètres offerts de 2 à 3% par entre 2017 et 2020 en cas d'accord.

«L'avenir n'est pas et ne sera jamais ce plan », promet le SNPL, qui «ne fait que revenir en 2020 à la situation de 2014 ».

 Sur ce point, le syndicat a raison. La croissance annoncée par la direction se fonde sur l'année 2016, laquelle affiche une baisse de capacités de 2% à 3%.

En clair, le SNPL ne signera pas cet accord. Les bons résultats du groupe, qui vont encore s'améliorer en 2016, ne le justifient pas à leurs yeux.

Dialogue de sourds

Tous les ingrédients sont donc réunis pour un nouveau dialogue de sourds. Le SNPL exige un plan de croissance très agressif pour regagner des parts de marché (mais ne dit mot, ni sur le niveau de croissance souhaitée ni sur la quantité d'efforts qu'il serait prêt à accepter si ces demandes étaient suivies). En face, la direction, qui a toujours déclaré que «la croissance se méritait», conditionne une croissance (insuffisante pour les pilotes) à des efforts de productivité. C'est le serpent qui se mord la queue. Surtout si l'on tient compte d'une autre revendication des pilotes, qui ne figure pas cette fois dans le texte, concernant un coup de pouce de l'Etat. Les pilotes attendent un geste de l'Etat, mais le gouvernement attend aussi des efforts de la part des pilotes.

Préavis de grève

L'échéance prévue de la fin de ces nouvelles négociations coïncide avec l'expiration de l'accord de périmètre du groupe. Il est crucial pour les pilotes parce qu'il définit les équilibres d'activité avec les compagnies partenaires, notamment dans le cadre de coentreprise. Pour plusieurs syndicalistes, le SNPL cherche à durcir le ton pour renégocier et cherche à embarquer les autres syndicats des autres catégories de personnels. Lors du dernier conseil du SNPL, le bureau a fait voter une motion lui donnant la possibilité de déposer un préavis de grève.

Contactés, ni le président du SNPL ni son porte-parole n'ont été en mesure de nous répondre. La direction n'a pas souhaité faire de commentaire.