Lufthansa vs IAG : match de titans pour rafler Norwegian

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  854  mots
Norwegian est dans le viseur non seulement de IAG, mais aussi de la Lufthansa.
Le président du directoire de Lufthansa a déclaré être en contact avec la compagnie aérienne norvégienne, également convoitée par IAG, la maison-mère de British Airways.

Bataille boursière en vue pour acquérir Norwegian ? Peut-être. Car la compagnie norvégienne, troisième compagnie low-cost européenne derrière Ryanair et Easyjet, mais première sur le long-courrier, est dans le viseur non seulement de IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vuelng) qui a vu une première offre refusée en mai, mais aussi de Lufthansa.

« En Europe en ce moment, tout le monde parle avec tout le monde. On est en pleine vague de consolidation. Ce qui signifie que nous sommes aussi en contact avec Norwegian », a déclaré le Pdg de Lufthansa, Carsten Spohr, au journal allemand Süddeutsche Zeitung.

Des propos qui ont fait bondir le cours de Bourse de Norwegian à Oslo de plus de 11% ce lundi 18 juin au matin. À la question de savoir si la compagnie norvégienne s'imbriquerait bien avec le groupe allemand, Carsten Spohr a répondu :

« Les acquisitions sont toujours une question de valeur stratégique, de prix et de concurrence, il n'y a pas de réponse facile. »

En combinant les 2 milliards de dettes et la capitalisation boursière de Norwegian, le prix à payer s'élève à plus de 3 milliards d'euros.

IAG actionnaire de Norwegian

Si la compagnie scandinave dit avoir reçu d'autres marques d'intérêt après l'annonce de IAG de sa prise de participation de 4,6% dans Norwegian, le match entre IAG et Lufthansa risque de faire monter les enchères. Et quelle qu'elle soit son issue, fera bouger les lignes du ciel européen. Lufthansa et IAG sont les deux groupes les plus puissants en Europe. Leur rentabilité, plus de deux fois supérieure à celle d'Air France-KLM, est impressionnante. Le bilan de Lufthansa est néanmoins plus solide que celui de IAG.

Sur le plan stratégique, l'acquisition de Norwegian permettrait à tout repreneur de renforcer sa présence sur l'Atlantique nord, mais aussi vers l'Amérique latine, et notamment en Argentine où la compagnie a obtenu de nombreux droits de trafic. Par ailleurs, elle permettrait aussi de disposer d'une compagnie disposant d'une filiale britannique qui peut s'avérer bien utile en cas de Brexit dur pour relier le Royaume-Uni au reste du monde.

IAG et Lufthansa : deux stratégies différentes sur le low-cost long-courrier

Pour autant, si IAG et Lufthansa ont déjà une activité low-cost moyen et long-courrier (Vueling et Level pour IAG, Eurowings pour Lufthansa), l'impact du rachat de Norwegian pourrait être différent selon le profil du repreneur.

« Si IAG rachète Norwegian, on peut très bien imaginer qu'il décide très rapidement d'augmenter encore fortement la flotte pour se développer non seulement en Amérique du Nord, mais aussi en Amérique du Sud et en Asie, tout en renforçant fortement Vueling sur le secteur low-cost moyen-courrier. Si c'est Lufthansa qui reprend Norwegian, le groupe allemand pourrait, au contraire, être tenté de consolider Norwegian et Eurowings pour verrouiller certains marchés spécifiques, comme le marché touristique d'Europe du Nord et de l'Est », expliquait récemment à La Tribune Marc Rochet, le président de French Bee, la filiale low-cost long-courrier du groupe Dubreuil, également propriétaire d'Air Caraïbes, en déplorant que « ces deux scénarios sont encore porteurs d'un probable et triste déclin du pavillon français sur son propre marché ».

Norwegian est dans une mauvaise passe

Les deux colosses tentent de profiter de la mauvaise passe que traverse Norwegian.  Endetté à hauteur de 2 milliards d'euros, le transporteur norvégien a perdu près de 300 millions de couronnes (près de 31 millions d'euros) l'an dernier après un bénéfice net de 1,14 milliard en 2016. En raison de sa croissance considérable, la compagnie est confrontée à des coûts de développement très élevés, alors que sa facture carburant a grimpé. La direction a averti que sa perte se creuserait au premier trimestre en raison du prix du carburant et de l'euro. Elle a récemment annoncé une augmentation de capital afin de lever 1,3 milliard de couronnes d'argent frais. Cette année, Norwegian doit recevoir 24 B737-800 ou MAX et 11 B787. Ses capacités vont augmenter de 40%.

La compagnie norvégienne peut-elle continuer en solo ou devra-t-elle se placer sous l'aile d'un transporteur plus puissant ? Tout dépend en fait de l'évolution du prix du baril. Bénéficiant de très peu de couvertures carburant - un système d'assurances qui vise à obtenir, pour des périodes futures, un prix du kérosène moins élevé que le prix du marché -, Norwegian est très vulnérable à une flambée du prix du baril.

« Norwegian n'a couvert que 27% de ses besoins en carburant pour l'année, contre 60% à 80% pour les autres compagnies européennes. Si le prix du baril augmente, ce sera compliqué pour Norwegian. S'il baisse, elle peut gagner son pari », expliquait récemment à La Tribune Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF.

Engluée dans une crise sociale et de gouvernance, et ne disposant pas des mêmes moyens que ses concurrents, Air France-KLM reste pour l'heure spectateur de cette nouvelle étape de la consolidation du ciel européen.