Nevomo, la startup polonaise qui va faire rouler des trains à lévitation ultra-rapide sur des lignes TGV en France

Par latribune.fr  |   |  967  mots
D'abord spécialisée dans l'hyperloop, ce concept de train sous vide ultra-rapide, Névomo a rapidement « constaté que cela prendrait beaucoup de temps de construire un réseau de nouvelles infrastructures de ce type, et que ce serait aussi très coûteux ». (Crédits : MARCELO DEL POZO)
« Moderniser » nos voies de chemin de fer et les « adapter » aux technologies ferroviaires du futur, c'est le pari que s'est lancé la société polonaise Nevomo dès 2017. Après avoir mis en pause ces projets dans l'hyperloop, un concept de train sous vide ultra-rapide popularisé par Elon Musk, la jeune pousse se penche aujourd'hui les trains à sustentation magnétique. Ceux-ci pourraient emprunter des lignes TGV en France.

Relier Paris à Bruxelles en 30 minutes de train, c'est l'objectif affiché de Nevomo. D'abord spécialisée dans l'hyperloop, ce concept de train sous vide ultra-rapide popularisé par Elon Musk, l'équipe de cette société polonaise, a rapidement « constaté que cela prendrait beaucoup de temps de construire un réseau de nouvelles infrastructures de ce type, et que ce serait aussi très coûteux », avance Przemek Ben Paczek, fondateur de l'entreprise, dans un entretien à l'AFP.

L'idée leur vient alors de modifier les voies conventionnelles afin d'y faire circuler des trains à sustentation magnétique, ou « MagLev » (« Magnetic Levitation »), pour le transport de passagers et de fret. La sustentation magnétique consiste à placer des aimants sur les voies et sous le train afin de créer un puissant champ magnétique : c'est ce qui permet au véhicule de léviter.

Pour adapter ce système aux infrastructures existantes, l'entreprise propose d'installer une sorte de grande bande continue au milieu des rails existants, appelée « moteur linéaire », ainsi qu'un chariot situé sous le train agrémenté d'aimants permettant la lévitation.

Des vitesses avoisinant les 550 km/h sur des lignes de TGV

En l'absence de frottements, ces trains pourraient atteindre des vitesses théoriques avoisinant les « 550 km/h » sur « des lignes de TGV ». Des trains à sustentation magnétique sont déjà exploités dans certains pays, comme en Chine ou au Japon, mais ils nécessitent des infrastructures dédiées.

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« L'idée était de trouver une solution technique pour mélanger le système ferroviaire existant avec le concept de MagLev », raconte le PDG. « J'ai proposé cette idée, et les cofondateurs techniques ont proposé des solutions. Nous avons fourni le brevet et nous avons commencé l'aventure du MagRail. »

En septembre 2023, Nevomo a annoncé avoir réalisé avec succès un premier test de son train MagLev sur une voie classique. Selon l'entreprise, le véhicule MagRail a lévité à une hauteur de 20 millimètres, atteignant une vitesse maximale de 135 km/h sur une piste d'essai de 700 mètres. Le PDG de Nevomo espère que ses trains à sustentation magnétique à grande vitesse seront prêts « pour 2030 ».

La SNCF s'intéresse aux solutions de Nevomo

La société travaille également sur une technologie « simplifiée » : le MagRail Booster qui « permet une modernisation rapide des wagons existants », indique le site de l'entreprise.

Il ne s'agit plus de lévitation. Mais là encore, une bande continue est installée entre les rails (le moteur linéaire). Une pièce est installée sous des wagons existants, qui peuvent ainsi puiser de l'électricité sur la bande, pour obtenir une aide à l'accélération, dans une côte ou au redémarrage après un arrêt.

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Grâce au MagRail Booster, les wagons pourraient aussi circuler de manière indépendante sur les voies, sans locomotive. « Avec Booster l'objectif n'est pas la vitesse : c'est la capacité, la flexibilité et la fréquence de circulation », explique Przemek Ben Paczek. Coût de l'opération: « Pour installer un moteur linéaire sur une ligne à sens unique, c'est environ 3 millions d'euros par kilomètre. »

Nevomo a d'ailleurs signé un partenariat avec la SNCF en mars 2023 pour évaluer la technologie. « On est en train de réaliser trois études de cas sur certaines lignes où l'on pourrait implémenter cette technologie pour le fret et pour les passagers », indique le PDG.

« On devrait avoir les résultats dans la première partie de 2024 ». Przemek Ben Paczek espère « signer de premiers contrats pour cette technologie cette année ». « Je pense qu'on va commencer en Europe, c'est le plus avancé, mais on est aussi assez actif au Moyen-Orient. »

L'hyperloop, un rêve qui peine à se concrétiser

L'entreprise n'abandonne pas l'idée de développer un jour un train hyperloop, même si le PDG reconnaît que « cela va prendre encore du temps ».  Après douze ans de recherche, toujours pas de ligne opérationnelle en vue. « L'hyperloop est passé par un cycle technologique très familier où il y a eu énormément d'excitation » autour de ce mode de transport, analyse Rick Geddes, expert des politiques d'infrastructures à la Cornell University. « Mais il s'est avéré que c'était plus difficile à déployer que ce que l'on pensait. »

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Dernier rebondissement en date : la société Hyperloop One a récemment mis la clef sous la porte. Financée un temps par Richard Branson, fondateur du groupe Virgin, elle avait, entre autres, fait des essais dans le désert du Nevada à 387 km/h. En novembre 2020, elle avait transporté des passagers pour la première fois, atteignant seulement 172 km/h.

Plus discrète, la canadienne TransPod planche également depuis plusieurs années sur une ligne de transport de passagers et de fret léger de 300 km entre Calgary et Edmonton, dans l'Ouest du Canada. Mais malgré les levées de fonds, les accords de principe, les études de faisabilité ou le développement de prototypes, la situation semble stagner pour les différentes entreprises qui portent le projet, et les experts demeurent sceptiques.

« C'est un peu un réveil difficile qui est en train de s'opérer », commente Julien Joly, spécialiste transports, au cabinet de conseil Wavestone. « Ces dernières années, on croyait à cette technologie-là. Aujourd'hui, c'est un petit peu la gueule de bois ! ». Les entreprises doivent, selon lui, faire face à de nombreux « freins technologiques » mais également à des questions de sécurité. « Pour moi, le futur de l'hyperloop, ça s'appelle le TGV ».

(Avec AFP)