Ryanair profite du boulevard laissé par Air France pour débouler en régions

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  683  mots
Disposer d'une base d'exploitation apporte évidemment beaucoup plus d'efficacité pour une low-cost qui veut monter en puissance sur un aéroport. (Crédits : Wolfgang Rattay)
La compagnie low-cost irlandaise a annoncé l'ouverture de deux bases d'exploitation en France, à Marseille et à Bordeaux.

C'est un coup très dur pour le groupe Air France. Déjà attaqué en région par les compagnies low-cost Easyjet et Volotea, Air France observe, impuissant, le développement à marche forcée de l'ogre Ryanair sur le marché français. Alors qu'elle ne comptait aucune base d'exploitation dans l'Hexagone jusqu'ici, la compagnie irlandaise a annoncé coup sur coup ce jeudi 27 septembre l'ouverture, au printemps 2019, d'une base d'exploitation à Marseille et à Bordeaux avec deux Boeing 737-800  basés dans chacun de ces deux aéroports qu'elle dessert déjà.

Un fort levier de développement

La création d'une base implique que les personnels navigants et les avions "dorment" localement. Sur le plan commercial et opérationnel, elle constitue un fort levier de développement. Elle permet d'assurer le premier vol du matin au départ d'un aéroport et de pouvoir faire ainsi un aller-retour journée, très demandé par la clientèle affaires, un segment de marché que cible justement aujourd'hui Ryanair. Disposer d'une base d'exploitation apporte évidemment beaucoup plus d'efficacité pour une low-cost qui veut monter en puissance sur un aéroport.

Deuxième tentative à Marseille

A Marseille, il s'agit de la deuxième tentative. La compagnie avait en effet créé une base en 2007 mais avait dû la fermer en 2010, après avoir été accusée, puis condamnée en 2014 (cette condamnation a été annulée mi-septembre), pour travail dissimulé. Basés à Marseille, les personnels navigants de Ryanair avaient des contrats de droit irlandais et ne payaient aucune charge en France, contrairement aux dispositions d'un décret de 2006 obligeant toute compagnie basée à employer du personnel sous contrat français. Ryanair estimait que, dans la mesure où ses avions étaient immatriculés en Irlande, ses personnels devaient travailler sous contrat irlandais. La Cour de cassation vient d'annuler la condamnation de Ryanair et un autre procès va avoir lieu. Peu importe, Ryanair revient à la charge en promettant des contrats français pour ses navigants.

Seize nouvelles lignes seront créées à Marseille et 11 à Bordeaux. Dans les deux cas, la compagnie estime que l'activité liée aux deux avions basés représentera la création de  60 nouveaux emplois directs, pilotes et personnels de cabine.

Ce n'est qu'un début pour la compagnie irlandaise. Deux autres bases en France devraient être annoncées cet hiver. D'ici à deux ans, Ryanair entend baser dans l'Hexagone une trentaine d'avions afin de doubler son trafic en France d'ici à 4 ans, à 20 millions de passagers.

Quel avenir pour HOP et Transavia?

Le coup est rude pour Air France. En comptant la flotte d'Easyjet (34 avions basés aujourd'hui), celle de Volotea ou de Vueling, Air France aura en face d'elle une offre low-cost basée supérieure à celle de sa filiale régionale HOP (66 avions). Les low-cost semblent avoir un boulevard devant elles. HOP est en grande difficulté et Transavia France, la low-cost d'Air France est, à l'exception de Lyon et de Nantes, absente des aéroports régionaux.

La crise de gouvernance qu'a rencontrée Air France-KLM a retardé la prise de décision sur la restructuration et le repositionnement de HOP et le développement de Transavia au-delà du seuil de 40 avions fixé dans un accord avec le syndicat national des pilotes d'Air France, lequel seuil sera atteint d'ici à deux ans. Sachant que le nouveau directeur général du groupe, Ben Smith, devra au préalable régler le conflit salarial à Air France, avant de lancer son plan stratégique et que certains dossiers clés nécessiteront des négociations avec les pilotes dont l'expérience a montré qu'elles pouvaient être très longues, la partie n'est-elle déjà pas perdue pour Air France en régions ? Car, quand bien même les décisions seraient rapidement prises pour faire sauter le verrou des 40 avions et repositionner HOP, derrière, il faudrait encore trouver des avions rapidement et avoir les moyens de les financer.

Le conseil d'Air France-KLM va entériner aujourd'hui une nouvelle gouvernance censée relancer le groupe. Or, ce 27 septembre 2018 pourrait devenir le point de non retour pour Air France en région.