Taxis, VTC : et si on se trompait de problème (et donc de solution) ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  788  mots
Le temps de travail a tendance à passer à la trappe, derrière les taux de commission des plateformes et le salaire horaire des chauffeurs.
La régulation du temps de travail des chauffeurs permettrait de régler une bonne fois pour toutes le conflit larvé entre chauffeurs et plateformes, selon Guillaume Connan, PDG de Chabé.

Dans son rapport remis récemment au gouvernement, le médiateur Jacques Rapoport a établi une dizaine de recommandations afin de pallier la dégradation des conditions de travail de certains chauffeurs, à l'origine du conflit larvé entre certains VTC (voitures de transport avec chauffeur) et Uber. Dans cette optique, le leader du marché, l'américain Uber a annoncé la mise en place d'un plan d'aide financière pour les chauffeurs les plus en difficulté.

Cependant, cette solution ne satisfait pas les syndicats. Loin de là. Et pour cause, ceux-ci souhaitaient l'instauration d'un prix minimum, comme pour les taxis. Une telle issue pourrait toutefois être envisagée, aux yeux du médiateur, si la pierre d'achoppement entre plateformes et chauffeurs demeurait. Jacques Rapoport a d'ailleurs insisté sur un nécessaire dialogue entre les entreprises et leurs partenaires, alors que de premiers groupes de travail avaient déjà été lancés par Marcel et Uber.

Lire : les 5 avantages des taxis que réclament les VTC

Oui mais voilà. Ne passerait-on pas à côté du véritable problème ? La question paraît en effet légitime à l'heure où le troisième médiateur vient de tenter de résoudre une bonne fois pour toutes le conflit dont deux précédents médiateurs, deux lois (Thévenoud et Grandguillaume) et de nombreux rapports (Attali, Armand-Rueff...) n'ont pas réussi à venir à bout ?

Non régulation du temps de travail des indépendants

C'est en tout cas ce que pense Guillaume Connan, le patron du VTC haut de gamme Chabé, qui vient récemment de mettre la main sur CinqS. Selon lui, le véritable problème vient de la non régulation du temps de travail des VTC. Jacques Rapoport y consacre d'ailleurs quelques lignes dans son rapport :

"Régler et contrôler les temps d'activité. Confrontés à un déséquilibre financier qu'ils jugent insurmontable, certains chauffeurs peuvent être tentés de chercher à s'en sortir au travers d'une augmentation déraisonnable de leur durée d'activité. Des cas de durées de 15 et même 18 heures par jour m'ont été signalés, y compris sept jours par semaine. Je n'ai pu le vérifier mais malheureusement je crains que des situations de ce type soient présentes y compris en nombre.

En dehors même de toute considération morale - pourtant indispensable - cette situation fait peser des risques de sécurité pour le chauffeur lui-même, ses passagers et les tiers utilisant la voie publique.

La définition réglementaire, au nom de la sécurité, de durées maximales du travail et la mise en place concomitante de moyens de contrôle paraissent indispensables."

Mêmes règles pour tous

"C'est la première fois que cela figure dans un rapport", note le patron de Chabé, saluant une ébauche d'avancée. Mais cette remarque semble perdue en fin de document, alors que ce sujet s'avère, rien qu'au niveau de la sécurité, central, aux yeux de Guillaume Connan. Selon lui cette disparité serait même à l'origine de tout le conflit. Car contrairement aux VTC salariés et aux taxis, contraints par leur horodateur, qui doivent respecter la durée légale du temps de travail (11 heures par jour, 6 jours par semaine pour les taxis), les indépendants, eux, peuvent allègrement allonger leurs journées de travail, qui plus est en jonglant d'une plateforme à l'autre.

Or si on limite à 12 heures le temps de connexion multiplateformes d'un chauffeur, cela va nécessiter des contraintes en matière de recrutement pour les entreprises, qui devront engager plus de chauffeurs, ce qui représentera des coûts plus élevés, explique Guillaume Connan. "Cela va nécessairement augmenter les prix, et les VTC deviendront moins compétitifs que les taxis. La demande diminuera donc. Mais les chauffeurs auront un salaire horaire plus élevé", poursuit-il en faisant remarquer qu'il s'agit là de la principale revendication des syndicats. Et cela permettrait ainsi de se prémunir de toute concurrence déloyale, estime-t-il.

De plus, un tel contrôle serait, selon lui, techniquement envisageable, sur le principe de l'Open data des taxis lancé par le gouvernement avec la plateforme le.taxi. Il suffirait ainsi que chacune des applications transmette les temps de connexion de ses partenaires à un tiers, qui pourrait d'ailleurs vérifier leur numéro d'immatriculation au régime des VTC voire leur carte grise... Bref. Le but étant qu'un chauffeur se fasse déconnecter s'il dépasse le temps journalier autorisé. Ainsi, tous les acteurs du transport de personnes à la demande seraient logés à la même enseigne. Et Guillaume Connan de conclure :

"Si tout le monde avait les mêmes règles du jeu, cela serait beaucoup plus simple."