Turkish Airlines, un danger plus fort qu’Emirates pour Air France ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  807  mots
Devant la presse française, le directeur général de Turkish Airlines a dévoilé ses objectifs de croissance à 2023. Selon lui, la compagnie aura doublé de taille à cet horizon en transportera 120 millions de passagers.

Pendant qu'aux Etats-Unis et en Europe les compagnies aériennes et les politiques se focalisent sur la "menace" des compagnies du Golfe, Turkish Airlines, un danger au moins aussi important pour les opérateurs comme Air France-KLM ou Lufthansa, continue sa folle croissance, dans la plus grande discrétion.

 Hausse des capacités de 16% en 2015

La compagnie turque, qui donnait jusqu'ici des objectifs de croissance jusqu'en 2021 pousse désormais l'exercice jusqu'en 2023. Et l'ambition est toujours aussi forte puisque Turkish Airlines veut doubler de taille d'ici 2023 par rapport à 2015. C'était déjà son objectif en 2013 pour 2021, mais la base de comparaison est beaucoup plus forte aujourd'hui car, après une hausse de capacités de 16% en 2014, Turkish Airlines entend croître dans les mêmes proportions en 2015 et transporter 63,2 millions de passagers cette année (+16%).

«En 2023, nous tablons sur un trafic 120 millions de passagers », a indiqué ce lundi à Istanbul, Temel Kotil, le directeur général de la compagnie turque depuis 10 ans, à quelques journalistes français.

Le chiffre d'affaires devrait lui aussi doubler, à 24 milliards de dollars en 2023. A ce moment la flotte devrait dépasser les 450 appareils contre 293 d'ici à fin 2015, une année durant laquelle la flotte aura grossi d'une trentaine d'avions par rapport à 2014.

Enorme carnet de commandes

Une croissance que la compagnie a, en grande partie préparée. 235 appareils, essentiellement des appareils court et moyen-courriers, Airbus de la famille A320 ou B737. Alors que son réseau est déjà le plus important en nombre de destinations internationales (226, Turkish Airlines veut mettre à profit la hausse de ses capacités pour augmenter la fréquence de ses vols sur les lignes existantes, en Afrique notamment, où elle dessert déjà 46 villes.

Selon de nombreux professionnels du secteur, Turkish Airlines est encore dangereuse que les compagnies du Golfe. Ceci pour plusieurs raisons. La situation géographique de son hub d'Istanbul est considérée comme encore plus avantageuse que celle d'Abu Dhabi, Dubai ou Doha entre l'Europe et le Golfe mais aussi l'Inde, l'Asie, et l'Afrique de l'est et l'océan indien. Temel Kotil ne dit pas le contraire : «Istanbul est mieux située», fait-il valoir.

Situation géographique idéale

A seulement trois heures de vols de la France, elle peut en effet alimenter son hub à moindre frais, non pas avec des avions long-courriers, comme le font les compagnies du Golfe, mais avec des appareils de la famille A320 ou B737, moins chers.

«Ces appareils couvrent 75% de nos destinations internationales», explique Temel Kotil.

Surtout, disposant d'accords de ciel ouvert avec un grand nombre de pays européens, la compagnie turque dispose au départ d'Istanbul d'un réseau en Europe autrement plus conséquent que celui des transporteurs du Golfe au départ de leur hub respectif. Un atout de taille pour capter la clientèle asiatique voulant se rendre en Europe explique Temel Kotil. Des accords qui traduisent l'importance des flux de trafic entre l'Europe et la Turquie, du fait de la taille du marché turc, du dynamisme de son économie (au moins jusqu'ici) et de son potentiel touristique.

"Les subventions sont un poison"

Contrairement à certaines compagnies du Golfe, Turkish Airlines ne fait pas l'objet de suspicions sur l'opacité de ses comptes. La compagnie turque est une entreprise privée depuis 2006, cotée en Bourse. Pas de souci a priori de mesures « protectionnistes » à son encontre comme certains tentent de le faire avec les transporteurs du Golfe accusés de concurrence déloyale par certaines compagnies européennes et américaines en raison des soutiens directs ou indirects (faiblesse des redevances aéroportuaires notamment). « Les subventions sont un poison », a-t-il expliqué.

Lundi, Turkish Airlines a publié un résultat opérationnel de 18 millions de dollars au premier trimestre et un bénéfice net de 153 millions de dollars. La compagnie est chaque année bénéficiaire depuis 2002.

Ouverture du nouvel aéroport en octobre 2017

Pour accompagner sa croissance, Temel Kotil compte sur le troisième aéroport d'Istanbul, appelé à être l'un des plus importants de la planète avec une capacité de 150 millions de passagers annuels. Selon, le directeur général de Turkish Airlines, la première tranche de cet aéroport colossal devrait ouvrir en octobre 2017 avec une capacité d'accueil de 70 millions de passagers.  Un calendrier qui fait sourire certains experts aéroportuaires.

"Nous avons besoin d'un grand aéroport. Avec lui, Istanbul va devenir la ville de la planète la mieux reliée au reste du monde", poursuit-il, "les grands hubs se développent mais à part Istanbul, aucun n'existe en Europe", a-t-il déclaré.

Côté flotte, Temel Kotil n'a pas semblé favorable à l'achat d'A380, alors que les discussions avec Airbus durent depuis des années. "C'est un bel avion mais aucune décision n'a été prise. Sur nos lignes, les bimoteurs sont très bien adaptés", a expliqué Temel Kotil.