Une mort d’Air France ? "Ce risque n’existe pas, le déclin oui" (Janaillac)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  743  mots
La situation d'Air France est connue depuis longtemps mais comme l'a souligné récemment le rapport Bailly sur la compagnie, le constat n'est pas partagé entre la direction et certains syndicats.
Fonds propres négatifs, 35% des lignes long-courriers dans le rouge...., auditionné ce mercredi à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Janaillac, le PDG d'Air France-KLM, a rappelé les raisons pour lesquelles des efforts sont nécessaires pour croître.

A ceux qui seraient tentés au sein d'Air France de mettre en avant « le milliard d'euros » de bénéfices d'exploitation que va réaliser Air France-KLM en 2016 pour ne pas faire d'efforts supplémentaires au cours des négociations sociales qui viennent de reprendre, Jean-Marc Janaillac, le PDG d'Air France-KLM et président d'Air France a rappelé ce mercredi à l'Assemblée nationale, la situation de la compagnie française et ses enjeux.

Capitaux propres négatifs

Jean-Marc Janaillac a d'abord replacé les résultats par rapport à ses concurrents.

«Notre rentabilité est la plus faible. Notre bénéfice opérationnel est la moitié de celui de Lufthansa, le tiers de celui de IAG, le quart de celui de Delta et d'Easyjet », a-t-il indiqué.

Si elle a baissé ces dernières années, la dette (4,2 milliards d'euros à fin septembre) n'est "pas revenue à un niveau comparable" à celles des concurrents, et les "capitaux propres d'Air France sont négatifs".

«Cela nous fragilise en cas de retournement de conjoncture », a expliqué Jean-Marc Janaillac aux sénateurs.

Baisse de la facture carburant

N'en déplaise aux syndicats et à Frédéric Gagey, l'ancien PDG d'Air France aujourd'hui directeur financier d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac n'hésite pas à affirmer que le retour aux bénéfices d'Air France en 2015 et 2016, après 7 ans de pertes consécutives, provient, certes en partie de l'effet des efforts réalisés dans les plans Transform et Perform, mais "surtout du fait de la baisse du prix du carburant". En 2016, la facture carburant d'Air France-KLM aura diminué de 1,5 milliard d'euros par rapport à 2015.

La situation diffère selon les marchés. Air France est à l'équilibre sur son réseau intérieur et bénéficiaire sur le long-courrier. Mais 35% de ses lignes long-courriers sont dans le rouge (contre 15% chez KLM) et 10% dans le rouge vif puisqu'elles génèrent à elles seules 200 millions d'euros de pertes. Sur le réseau moyen-courrier, "le déficit s'accroît" sur le réseau d'alimentation du hub de Roissy-Charles de Gaulle dont seules 20% des lignes sont bénéficiaires.

Roissy, l'aéroport le plus cher après Londres

La concurrence des compagnies à bas coûts et de celles du Golfe, ainsi que la combinaison en France d'un coût du travail et d'une taxation spécifique sur l'aviation supérieurs à un ceux d'un grand nombre de concurrents ne créent pas un environnement favorable.

"Nous sommes comme une entreprise qui exporte 50% de son chiffre d'affaires avec une seule usine, Paris, avec 97% des salariés qui ont un contrat français", a-t-il lancé, en égratignant ADP et les redevances à Roissy,  "les plus chères après celles de Londres". Et d'ajouter : «Si l'on appliquait à Air France le niveau de redevances de KLM, cela générerait plusieurs centaines de millions d'euros d'économies à Air France ».

Si le risque d'une mort d'Air France "n'existe pas" selon lui, celui du "déclin" est bien réel. Pour l'éviter, Jean-Marc Janaillac mise sur son plan présenté début novembre qui passe par "un effort de l'ensemble de l'entreprise sur l'ensemble des coûts", "un effort modéré de productivité pour les navigants" et un effort plus important porté sur la fameuse compagnie « B », qui doit être lancée dans un an. La direction vise une baisse de coûts de 20% par rapport à Air France.

"Nos coûts sont supérieurs à ceux de nos concurrents mais nous n'avons pas besoin de couvrir la totalité de la différence car nos recettes unitaires sont plus élevées. Heureusement, ce ne serait pas faisable".

Le constat n'est pas partagé

La situation d'Air France est connue depuis longtemps mais comme l'a souligné récemment le rapport Bailly sur la compagnie, le constat n'est pas partagé entre la direction et certains syndicats.

"Face à ces faits (l'écart de compétitivité et la fragilité financière, NDLR) qui me paraissent avérés et difficilement contestables, les organisations syndicales ont des attitudes très différentes, allant de la compréhension et du partage de ces réalités (c'est en particulier le cas des administrateurs salariés), jusqu'à la remise en cause des chiffres, en passant par diverses stratégies que l'on pourrait qualifier de stratégie « d'évitement », visant à contourner la difficulté de ce constat" expliquait Jean-Paul Bailly dans son rapport.

Les négociations sociales qui vont se dérouler au cours des trois prochains moins démontreront si la donne a changé...