Economies d'énergie : le changement d'heure se justifie de moins en moins

Par latribune.fr  |   |  613  mots
Dans les faits, le changement d'heure ne produit qu'un effet minime sur la consommation d'énergie. (Crédits : Reuters)
A trois heures du matin dans la nuit de samedi à dimanche, il sera deux heures. Les lève-tôt profiteront d'un peu plus de lumière au petit matin mais la nuit tombera plus tôt en fin de journée. Initialement, les économies portaient sur l'éclairage, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas en raison des lampes à basse consommation.

La France va passer dimanche à l'heure d'hiver. Ce changement, réintroduit par un décret en septembre 1975 et qui se voulait provisoire, avait pour but de limiter la consommation d'énergie en plein choc pétrolier. Il s'agissait d'économiser l'électricité produite à l'époque principalement par le fioul, grâce à une heure d'ensoleillement naturel de plus le soir.  « Je rappelle que ça a été fait pour économiser de l'énergie, et tout ce qui économise de l'énergie est bon », a fait valoir le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, dimanche dernier sur LCI, estimant qu'il est important de maintenir « ce petit effort ». Mais près de cinquante ans plus tard, en pleine crise énergétique, alors que les appels à la sobriété énergétique se multiplient, ce changement d'heure est-il vraiment utile ?

Effet minime

Dans les faits, le changement d'heure ne produit qu'un effet minime sur la consommation d'énergie. En 2009, selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), le passage de l'heure d'hiver à l'heure d'été avait induit des gains en matière d'éclairage de l'ordre de 440 GWh, soit 0,07% de la consommation d'électricité totale. L'éclairage faisant appel à des moyens de production électrique en partie carbonés, ces économies représentaient un gain de l'ordre de 50.000 tonnes de CO2.

Mais depuis, cet effet a eu tendance à s'amoindrir du fait de la performance accrue des systèmes d'éclairage (ampoules basse consommation et LED). En 2018, cette baisse n'était plus que de 351 GWh. A l'horizon 2030, les économies d'énergie en matière d'éclairage sont estimées à 258 GWh par l'Ademe.

Sachant qu'en plus la majorité de la consommation d'énergie des ménages provient du chauffage et non de l'éclairage, les preuves d'économies d'énergie restent donc encore à démontrer. Pire, une récente étude britannique affirme que supprimer le changement d'heure en octobre permettrait d'économiser 400 livres sterling (460 euros) par foyer et par an, car il ferait jour plus longtemps le soir, ce qui réduirait la demande aux heures de pointe.

Supprimer le changement d'heure, un serpent de mer

Au niveau européen, où le régime du changement d'heure a été progressivement généralisé dans les années 1980 avant d'être harmonisé en 2002, la Commission européenne avait proposé en 2018 de le supprimer... en 2019. Mais le Parlement européen a voté en mars 2019 un report à 2021 et devait s'accorder avec le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement sur les modalités.

Depuis, entre Brexit et pandémie mondiale de Covid, la question est restée en suspens. L'une des difficultés est d'inciter les pays à harmoniser leur heure légale (été ou hiver) afin d'éviter d'aboutir à un patchwork de fuseaux horaires.

En France, une consultation en ligne organisée début 2019 par l'Assemblée nationale avait reçu plus de deux millions de réponses, massivement (83,74%) en faveur de la fin du changement d'heure. Plus de 60% des participants assuraient avoir eu « une expérience négative ou très négative » du changement. Quant à l'heure à laquelle rester toute l'année, c'est celle d'été (en France GMT+2) qui a eu la préférence de 59% d'entre eux.

Particularité de l'actuel système : il ne concerne pas les territoires d'Outre-mer qui ne changent jamais d'heure (à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon qui se cale sur le Canada voisin). En effet, la plupart d'entre eux se trouvent sous des latitudes où les écarts d'ensoleillement sont faibles tout au long de l'année, contrairement à l'Europe. A l'échelle mondiale, plusieurs pays, comme l'Argentine, la Tunisie, l'Égypte, la Turquie, la Russie ou l'Arménie ont déjà décidé d'abandonner les changements d'heure saisonniers.

(Avec AFP)