Télétravailler pour la sobriété : pourquoi ça ne sert pas à grand chose

Le gouvernement veut promouvoir le télétravail comme un des leviers de son plan de sobriété énergétique. Rendre le télétravail économe nécessiterait une mobilisation totale des salariés, des entreprises et des collectivités… pour un résultat très modeste, même dans les scénarios les plus optimistes. Patrons et ministres semblent, de toute façon, peu convaincus par la pertinence du télétravail pour consommer moins d'énergie.
La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher reconnait ne pas connaitre les retombées énergétiques du télétravail… qui figure dans les commandements du gouvernement pour son plan de sobriété énergétique.
La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher reconnait ne pas connaitre les retombées énergétiques du télétravail… qui figure dans les commandements du gouvernement pour son plan de sobriété énergétique. (Crédits : Reuters)

« Inciter au télétravail ». C'est le sixième des quinze commandements du plan de sobriété dévoilé hier par le gouvernement. Une augmentation (+15%) de l'indemnité forfaitaire de télétravail est prévue. Plusieurs ministères dont celui de la Transition écologique étendront les jours de télétravail dans un souci « d'exemplarité » chère à la Première ministre.

Peu de conviction au gouvernement

La France poursuit l'objectif de réduire de 10% sa consommation d'énergie dans les deux prochaines années. Des voix s'élèvent déjà quant à l'intérêt du télétravail - entre autres leviers - pour convertir le pays à la sobriété gazière et électrique. En revanche, il est certain que le télétravail et l'arrêt des trajets domicile-travail permet de consommer moins de carburant. Problème, le carburant ne devrait pas manquer cet hiver dans l'Hexagone. « Les bilans énergétiques complets du télétravail ne sont pas du tout évidents », lâchait le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux le 7 septembre dans une première pique adressée au gouvernement.

La ministre de la Transition écologique elle-même ne semble pas si convaincue de l'utilité du travail à domicile. « Nous ne pouvons pas dire que le télétravail permet de réduire chauffage la facture de chauffage. C'est à chaque entreprise de voir si cela fait du sens de mettre du télétravail en place », concède Agnès Pannier-Runacher. Son ministère prévoit une « expérimentation » le week-end du 1er novembre pour mesurer les effets du travail à distance de ses fonctionnaires sur les économies de chauffage et d'électricité, deux points d'interrogation.

Un potentiel de sobriété

« Dans le secteur tertiaire, le gisement le plus important de sobriété repose sur un développement poussé du télétravail », souligne le gestionnaire du réseau électrique RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 ». A condition de généraliser très massivement le télétravail « de l'ordre de 50% du temps à distance pour les emplois qui le permettent, contre 20% dans une vision qui intègre a minima les enseignements de la crise sanitaire ». Soit un effort herculéen, alors qu'une lassitude du télétravail se fait déjà jour chez les travailleurs et leurs patrons après 30 mois de pandémie. RTE n'envisage ce scénario des « 50% du temps en télétravail » qu'à l'horizon 2050.

... à certaines conditions

Surtout, rendre le télétravail sobre suppose une organisation minutieuse des entreprises, des pouvoirs publics et des salariés. « Le télétravail permet de faire des économies d'énergie si toutes les conditions sont réunies dans sa mise en place. Optimiser le télétravail suppose de s'organiser sur trois niveaux : au bureau, dans les transports et à la maison », précise Gilles Aimoz, directeur adjoint des territoires durables à l'Ademe, l'agence publique de la transition écologique.

« Au bureau, il faut être capable de planifier à l'avance que tout le monde télétravaille en même temps, de manière à pouvoir éteindre l'électricité et le chauffage sur des étages voire des bâtiments entiers », rappelle Gilles Aimoz. L'expert s'attend à ce que les entreprises adoptent ce genre d'organisation en raison des moindres coûts de l'énergie.

Dans le même temps, les salariés en télétravail doivent veiller à ne pas gâcher ces efforts des entreprises en surconsommant lors des journées à domicile « en premier lieu le chauffage, l'eau chaude mais aussi l'électricité avec de trop nombreux écrans allumés », pointe Gillez Aimoz. Le 14 septembre, le patron de RTE Xavier Piechaczyk rappelait que le télétravail du premier confinement avait entraîné « quelques pourcents en plus de la consommation à domicile » d'électricité.

Dernier levier : les transports, au-delà du seul carburant économisé par ceux qui prennent la voiture pour aller au bureau. Si les usagers des transports en commun se convertissent en masse au télétravail et sont moins nombreux aux heures de pointe, les collectivités devront ajuster les capacités de transports. Une simple baisse de fréquentation présenterait déjà des vertus. En effet, un bus ou un métro moins rempli consomme moins.

2,5% d'économie d'énergie... dans le meilleur des scénarios

Si toutes ces planètes s'alignaient pour optimiser les retombées énergétiques du télétravail, rien ne dit néanmoins que ces économies seraient importantes. « Est-ce que le télétravail est un gros levier pour baisser la consommation d'énergie ? Les situations peuvent être tellement différentes que je ne m'aventurerais pas à donner des chiffres », admet Gillez Aimoz de l'ADEME qui appelle toutefois à adopter « le télétravail sans regret » pour la planète.

RTE s'aventure sur ce terrain du chiffrage. Dans son scénario d'un télétravail généralisé à 50% du temps des métiers tertiaires, l'économie d'énergie serait alors de 11,9 TWh (9,1 TWh économisé au bureau et 2,8 dans les transports). Soit 2,5% de la consommation électrique de la France sur une année. Une économie relativement modeste. Et hautement hypothétique tant la cible de 50% du temps en télétravail paraît hors d'atteinte cet hiver ou l'hiver prochain.

Encore faudrait-il que les patrons acceptent une conversion généralisée au télétravail, dont ils ne sont pas les plus grands apôtres. Larry Fink, PDG du fonds géant Blackrock présent en France, veut clore la parenthèse du télétravail. « Le travail à distance n'était pas censé être quelque chose de permanent. Si c'était le cas, ce serait un désastre. Je pense que tous les PDG auxquels vous parlez vous le diront, mais ils ne le diront pas publiquement », fustigeait-il la semaine dernière dans Les Echos.

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Commentaires 6
à écrit le 08/10/2022 à 16:00
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Le vieux monde déteste le télétravail qui le prive d'un contrôle malsain sur sa troupe. Tout est fait pour lutter contre cette vraie avancée sociétale. C'en est amusant de voir le conservatisme tenter à chaque occasion de revenir dessus.

à écrit le 08/10/2022 à 11:42
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Le mieux pour la planète et les socialistes comme cette Ministre: ne plus bosser du tout. Vivre d'amour et d'eau de plus en plus fraîche, en col roulé, en doudoune, en Charentaises, au coin du feu de cheminée, avec un bon Roman ou Polar en mains, com...

le 09/10/2022 à 8:07
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a propos de confinement et autre machination du pouvoir de la macronie son ex 1er ministre et maire du havre lui qui a saborde la reforme des retraite revient pour declare quelle est indispensable. mais comme pour les masques ou plutot que de les a...

à écrit le 08/10/2022 à 9:40
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Et si ils confinaient tout ça ? ça a déjà été fait, et c'est les mêmes.

à écrit le 07/10/2022 à 21:15
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Ce qui coûte cher en énergie, c'est le trajet domicile-travail, lui même allongé par un aménagement du territoire en dépit du bon sens. Ca fait combien de décennies, que les coûts de ces trajets sont subventionnés par l'entreprise ? Afin d'encourager...

à écrit le 07/10/2022 à 20:36
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Primo, 2.5% de consommation nationale, ce n'est pas "modeste", c'est énorme. Secundo, le télétravail est dans sa préhistoire, le software/hardware de vidéoconf est mauvais, les liaisons sont nulles et les gens doivent absolument apprendre à se filmer...

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