Electricité : la France s'apprête à vivre trois hivers sous « vigilance »

Par Julien Mivielle, AFP  |   |  697  mots
(Crédits : Pixabay / CC)
« Le système électrique ne disposera que de marges très faibles sur la période 2021-24 et l'hiver prochain présente un risque plus élevé qu'un hiver normal », met en garde RTE.

Crise sanitaire, retards de l'EPR mais aussi dans le développement des énergies renouvelables : la France se prépare à trois hivers tendus pour son approvisionnement en électricité, met en garde RTE.

"Le système électrique ne disposera que de marges très faibles sur la période 2021-24 et l'hiver prochain présente un risque plus élevé qu'un hiver normal", a expliqué Xavier Piechaczyk, président du gestionnaire du réseau haute tension, lors d'une conférence de presse.

RTE publiait mercredi son "bilan prévisionnel", un épais document qui étudie les perspectives du système français à l'horizon 2030.

Il en ressort trois grosses périodes, avec une amélioration progressive d'une situation d'abord tendue.

"Les marges sont successivement insuffisantes entre 2021 et 24, tout juste acceptables entre 2024 et 26 puis plus confortables entre 2026 et 30", a résumé M. Piechaczyk.

Pour les trois prochains hivers "la sécurité d'approvisionnement reste sous vigilance", estime RTE dans son document.

La dépendance en énergie nucléaire

C'est la conséquence de la plus faible disponibilité du parc nucléaire à la suite de la crise du Covid-19 et du premier confinement, qui ont bousculé le planning de maintenance des réacteurs d'EDF.

C'est aussi une période pour laquelle EDF avait prévu de grands travaux pour entretenir son parc nucléaire, dont la France dépend toujours à plus de 70%.

S'ajoutent les retards du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche) - qui ne démarrera pas avant la fin 2022 au mieux - mais aussi dans le développement des énergies renouvelables, surtout le solaire et l'éolien en mer.

RTE avait déjà exprimé sa "vigilance" pour l'hiver 2020-2021, qui s'est finalement passé sans encombre grâce à une météo clémente et à une baisse de la consommation électrique avec la crise.

Pour l'avenir, la situation doit s'améliorer en 2024-2026 avec la mise en route attendue de l'EPR et de six parcs éoliens en mer, notamment. L'amélioration est plus nette encore en 2026-2030.

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"Retrouver des marges"

Pour les trois prochains hivers, RTE suggère des pistes pour "retrouver des marges": en particulier accélérer le développement des renouvelables et "le maintien en disponibilité ou la conversion à la biomasse de la centrale de Cordemais" (Loire-Atlantique), aujourd'hui au charbon, pendant quelques années.

Cet impératif est aussi lié à la situation particulière de la Bretagne, traditionnellement plus fragile.

Alors que la France doit officiellement sortir du charbon d'ici à 2022, le gouvernement a déjà expliqué que cette centrale d'EDF pourrait continuer en réalité de fonctionner éventuellement quelques centaines d'heures par an. EDF y porte aussi un projet de conversion à la biomasse qui doit encore recevoir le feu vert des autorités.

"On souhaite que si Cordemais devait perdurer de manière marginale, ce soit avec de la biomasse", indique l'entourage de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

"L'objectif est bien d'en finir avec le charbon en France", ajoute-t-on.

Dans sa volonté de moins dépendre du nucléaire, la France envisageait aussi de fermer deux réacteurs entre 2025 et 2026. Mais les conditions pour ce faire "pourront très difficilement être remplies", prévient Xavier Piechaczyk.

Pour 2030, RTE prévoit par ailleurs une hausse modérée de la consommation d'électricité, de l'ordre de 5% par rapport à 2019. Elle sera notamment tirée par le développement des véhicules électriques mais aussi la production d'hydrogène.

La fameuse "pointe" de consommation de 19 heures en hiver devrait cependant diminuer grâce aux mesures d'efficacité et à de nouveaux usages qui ne seront pas concentrés sur cet horaire. Les voitures électriques devraient par exemple se charger au creux de la nuit, à l'exemple des chauffe-eaux actuellement.

Concernant les émissions de CO2, RTE calcule qu'elles devraient diminuer de 30 à 40 millions de tonnes par an.

C'est en partie le fait de l'évolution du système électrique lui-même mais surtout grâce aux transferts d'usage vers l'électricité (mobilité, production d'hydrogène, procédés industriels, chauffage ou cuisson...) qui limiteront le recours aux énergies fossiles.

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