La Terre vue du ciel, un spectacle alarmant

Par Dominique Pialot  |   |  745  mots
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Pour son rapport sur l'état de la planète, publié ce mardi 15 mai, le WWF a fait appel à un astronaute pour témoigner de l'évolution dramatique de la situation. Une mise en scène qui vise à tirer le signal d'alarme à cinq semaines de Rio + 20, le prochain sommet de l'ONU sur le développement durable.

Le témoignage de l'astronaute hollandais André Kuipers depuis la station spatiale internationale (ISS) résume parfaitement le constat : « De la station, je peux voir l'empreinte de l'Humanité sur la planète, y compris les feux de forêt, la pollution de l'air et l'érosion ».
Pour la huitième édition de son rapport « Planète vivante » publié tous les deux ans en collaboration avec la Société Zoologique de Londres et le Réseau Empreinte Ecologique Globale, l'ONG environnementale WWF a voulu marquer les esprits.

Le rapport détaille comment l'évolution démographique, l'urbanisation, l'explosion de la demande en énergie et des émissions de gaz à effet de serre imposent à la planète une pression de plus en plus insoutenable.

La situation s'est détériorée depuis 1992

Malgré la multiplication des sommets sur la Terre depuis celui de 1992 à Rio - dont on célèbre l'anniversaire en juin lors de « Rio + 20 » - la situation n'a fait qu'empirer depuis, notamment en matière de biodiversité animale et végétale et de ressource en eau.
La dégradation s'est accélérée au cours de la dernière décennie. Les émissions de gaz à effet de serre ont explosé. La demande en ressources naturelles a doublé depuis 1996, et il faut désormais un an et demi pour reconstituer les ressources que l'humanité consomme en un an. Au train où vont les choses, il faudrait en 2030 deux planètes pour répondre à ces besoins.

Autre sujet de préoccupation souligné par le rapport : l'accaparement de terres agricoles depuis le milieu des années 2000, pour une surface équivalente à celle de l'Europe de l'Est. Les causes en sont multiples : croissance démographique, consommation en hausse, demande de produits alimentaires, biocarburants, matières premières ou encore bois d'?uvre. Environ 13 millions d'hectares de forêts ont disparu chaque année entre 2000 et 2010.

Des inégalités croissantes

Le WWF attire aussi l'attention sur un phénomène de plus en plus criant : non seulement la pression exercée sur la planète par l'homme est de plus en plus forte, mais la répartition de ses fruits est aussi de plus en plus inéquitable. L'empreinte écologique des pays à hauts revenus est cinq fois supérieure à celle des pays à bas revenus. En tête de ce palmarès le Qatar, le Koweït, les Emirats Arabes Unis, le Danemark, les États-Unis d'Amérique, la Belgique, l'Australie, le Canada, les Pays-Bas et l'Irlande, qui ont la plus forte empreinte écologique par habitant.

Mais en termes de progression, les pays émergents sont plus inquiétants encore : depuis 1961, les BRIICS (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine) et les pays à revenu intermédiaire ont augmenté leur empreinte écologique par habitant de 65 %.

Les enjeux de Rio + 20

L'ONG a dégagé une quinzaine de priorités visant notamment à protéger et maintenir la biodiversité et les écosystèmes, à produire plus efficacement en utilisant moins d'énergie et de matières premières, à consommer moins et mieux, à reconnaître et intégrer la valeur de la biodiversité et des services écologiques dans les décisions politiques et économiques, à instaurer une gouvernance équitable des ressources, à réorienter les flux financiers dans un sens favorable à la conservation...

« Rio + 20 peut et doit être le moment pendant lequel les gouvernements s'engagent pour une société durable et socialement juste », conclut le rapport, qui voit dans cette conférence « une occasion unique pour tous ceux (gouvernements, société civile, villes et entreprises) qui veulent unir leurs forces et jouer un rôle crucial dans la préservation de notre planète ».

Mais Rio + 20 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Après quatre mois de discussion et deux semaines de négociations, les 193 Etats membres ne sont pas parvenus à un consensus sur le plan d'action « The future we want », qui doit en servir de point de départ. Les points d'achoppement concernent notamment la définition du concept d' « économie verte » et de sa pertinence pour les pays du Sud.

Les négociations doivent se poursuivre à compter du 29 mai prochain pour une session de cinq jours, et reprendre si besoin une dernière fois le 13 juin à Rio afin d'aboutir à un document de travail pour l'arrivée des chefs d'Etats. Ces derniers se réuniront trois jours à partir du 20 juin pour donner une suite au Sommet de la Terre de 1992, qui avait abouti à l'adoption de l'agenda 21 et à la déclaration de Rio sur l'Environnement et le Développement.