Thomas Thévenoud : l'étrange acharnement

Par Romaric Godin  |   |  917  mots
Thomas Thévenoud, objet d'un acharnement médiatique.
Le député de Saône-et-Loire est l'objet de la vindicte populaire, alimentée par un PS et un gouvernement qui espère ainsi se draper dans une vertu factice et aisée.

Thomas Thévenoud est, depuis sa démission forcée du gouvernement, l'homme le plus haï de France. Cette haine, proférée par ses amis de la veille, atteint désormais un paroxysme inédit en frappant son épouse, qui n'est pas élue et qui a été contrainte lundi de quitter son emploi. Faudra-t-il à présent chasser ses enfants de l'école pour assouvir les passions populaires alimentées par les élus socialistes ? Chaque jour, des ministres et des parlementaires viennent - comme le premier ministre- évoquer leur « dégoût » à coup d'imprécisions juridiques. En ces temps troublés, la nation est devenue étrangement unifiée autour de cette détestation. Mais jusqu'où ira-t-elle ? On a envie de leur crier ce mot du Girondin Vergniaud s'adressant au Montagnard Couthon à la Convention : « donnez un verre de sang à Couthon, il a soif !

Puni justement et deux fois

L'image que reflète cette furie ne correspond pas à l'ami que je connais depuis 20 ans. Aussi est-il utile d'en revenir aux faits. Thomas Thévenoud a commis des fautes graves. Il est du devoir de tout citoyen de déclarer ses impôts. La loi punit les contrevenants. Thomas Thévenoud a donc été puni par la loi. Il a payé ce qu'il devait au fisc en s'acquittant des pénalités prévues. Jamais, jusqu'à preuve du contraire, il n'a cherché un appui politique pour échapper à la loi ou à l'impôt. Jamais, jusqu'à preuve du contraire, il n'a cherché à dissimuler une partie de son patrimoine. Thomas Thévenoud ne s'est pas enrichi dans cette affaire, il a perdu de l'argent. Et c'est justice. Il a également payé le prix politique de son inconséquence impardonnable : sa carrière fulgurante est brisée, il a quitté le gouvernement.

Fer rouge du bagnard

Mais voici que ce prix n'est pas suffisant. Voici que des Fouquier-Tinville entendent désormais aller plus loin et faire de cette faute, pour laquelle il a payé, une infamie qui marquerait Thomas Thévenoud à vie, comme jadis on marquait les bagnards au fer rouge pour que, même après leur sortie de Toulon, ils ne puissent jamais devenir des êtres sociaux. Cet acharnement surprend, surtout venant d'une gauche qui se prétend par ailleurs partisane de la réinsertion des condamnés. Un gangster aurait donc une « deuxième chance », mais pas celui qui remplit en retard sa déclaration d'impôts.

Deux poids, deux mesures

Le PS n'est guère plus conséquent dans sa demande de démission de l'Assemblée nationale. La constitution interdit le mandat impératif. Le Parti Socialiste s'est toujours opposé à la remise en cause de ce principe. Lorsque, en 1986 et en 1993, il a perdu les élections, le président socialiste est resté en poste pour la durée de son mandat. Thomas Thévenoud a peut-être, par ses actes, perdu la confiance de ses électeurs. Il leur reviendra de le lui faire savoir à l'expiration légale de ce mandat. Tel est le droit républicain auquel, à l'occasion, les Socialistes se disent tant attachés. Du reste, l'Elysée est mal placée pour donner des leçons. François Hollande également semble avoir perdu la confiance du peuple si l'on en croit les sondages. Lui aussi a trompé ses électeurs, par exemple en imposant la ratification du pacte budgétaire qu'il s'était engagé à « renégocier. » Mais il refuse de démissionner. Et, légalement, il a raison. Pourquoi alors exiger d'un élu ce qu'on refuse d'un autre ?

Être vertueux à bon marché

En réalité, derrière cette affaire s'expose la réalité crue d'une société et d'une politique française en pleine décomposition. Sur le plan social, cet acharnement ne peut qu'inspirer de la méfiance. car, sans doute, les sociétés qui professent le plus la morale sont-elles aussi les plus amorales. Dans une société où la seule valeur est l'intérêt individuel, sonnant et trébuchant, où échapper à l'impôt est un sport national dans les entreprises, chez les artisans et chez les politiques, Thomas Thévenoud est un bouc émissaire commode et l'accabler permet, à bon compte, de se penser vertueux.

Bouc émissaire d'une gauche en pleine décomposition

Politiquement, il est la victime non pas innocente mais excessive d'une gauche à l'agonie qui ne sait plus comment justifier ses trahisons et ses échecs. S'acharner sur un élu à terre, désormais sans appui, devenu tête de turc des médias permet ainsi de faire croire à qui veut l'entendre que le PS lave plus blanc que blanc. Cette morale d'opérette, ce robespierrisme de carnaval permet de donner un contenu fictif à un parti déchiré et vide de sens. Il permet également de dissimuler les tâches qui maculent le gouvernement, comme ce ministre qui a été soupçonné d'avoir sous-évalué son patrimoine ou celui-là qui, grâce à des procédés ingénieux, aurait évité de payer l'ISF auquel sa conscience de gauche, sinon la loi, aurait dû le soumettre.

Il permet aussi d'éviter de poser cette question absente des médias depuis une semaine : comment peut-on imaginer qu'un gouvernement ait pu nommer Thomas Thévenoud au gouvernement en ignorant ses problèmes fiscaux ? Quiconque connaît l'administration fiscale française sait que cette ignorance est impossible. Mais la doctrine du PS semble désormais être celle-ci : faible avec les forts et fort avec les faibles. Les Français ont pu s'en apercevoir depuis plus de deux ans.