Merkel : Mutter Europas ?

Par Florence Autret  |   |  451  mots
Si Angela Merkel continue de rassurer beaucoup d'Européens, elle en inquiète aussi de plus en plus. Outre-Rhin, une partie de la presse lui reproche d'être devenue carrément anxiogène, d'avoir semé la graine de la peur dans la population en laissant grossir le flot des réfugiés.
Lors de son ultime voyage présidentiel en Europe, Barack Obama s'est livré à une nouvelle déclaration d'amour à la chancelière. « Je suis heureux qu'elle soit là », a-t-il lancé. Alors que le flambeau du « monde libre » venait d'être placé par les Américains dans les mains de l'inquiétant Donald Trump, tout le monde a compris que le président sortant venait d'introniser Angela Merkel nouvelle gardienne des valeurs occidentales, de liberté, de tolérance, de modération et d'un certain ordre établi après la Seconde Guerre mondiale.

Bel hommage et sacré défi ! Concrètement, en quoi consiste le « job » ? Dans le désordre : poursuivre le projet d'intégration européenne, résister aux poussées hégémoniques de la Russie dans l'est de l'Europe et au Moyen-Orient, défendre la liberté du commerce, en Europe et dans le monde, résister à la tentation de réduire les libertés publiques face au sentiment d'insécurité et... rester un solide allié des États-Unis. De tous les leaders européens qu'Obama a connus pendant ses deux mandats, elle est certainement celui qui a le mieux tenu ce rôle dans la durée.

Continuer s'annonce toutefois difficile

D'abord les forces adverses, rangées pêle-mêle sous l'étiquette de « populisme », prennent du poil de la bête. La machine à dire non, à tout changer, à célébrer la nation comme une fin en soi, est enclenchée. Le vote britannique montre que l'on peut rayer d'un trait - en utilisant à plein les règles de la communication politique, avec des slogans mensongers et la légitimité d'un référendum -, quarante ans de travail politique. La chancelière elle-même a déjà dû consentir une défaite la semaine dernière en renonçant au traité transatlantique Tafta, emblème s'il en est un de l'Alliance atlantique.

Si elle continue de rassurer beaucoup d'Européens, elle en inquiète aussi de plus en plus. Outre-Rhin, une partie de la presse lui reproche d'être devenue carrément anxiogène, d'avoir semé la graine de la peur dans la population en laissant grossir le flot des réfugiés. Les pays d'Europe centrale n'ont pas apprécié le coup de l'ouverture brutale des frontières. La fin de son mandat rappelle que la femme des compromis et du juste milieu peut faire preuve d'impulsivité quand son pouvoir est en jeu.

Adoubement de Merkel par Obama

Enfin, la mainmise de l'Allemagne sur les postes de décision européens, surtout quand ils comportent une dimension financière, commence à faire désordre. Dans la liste des nominations récentes, la promotion du très contestable Günther Oettinger au poste de vice-président de la Commission européenne chargé du budget n'est pas passée inaperçue. Les décomptes nationaux ne sont pas tellement dans les moeurs bruxelloises, mais plus une seule institution où on ne reconnaisse off : « c'est trop ». C'est qu'il n'y a pas de bon compromis sans équité dans la représentation.

Si Bruxelles passe pour l'arrière-cour de la scène politique berlinoise, l'antigermanisme s'ajoutera aux plaies dont souffre déjà l'Europe. Alors la mission qu'Obama a confiée à son amie sera sérieusement compromise.