Le fiasco de Mario Monti ou l'échec de l'idéologie technocratique

Par Romaric Godin  |   |  824  mots
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Le président du conseil italien n'est pas parvenu à déclencher la colère des parlementaires allemands et sa politique économique entraîne le pays dans une profonde récession. Son échec montre la nécessité d'une rupture dans la construction européenne.

Mario Monti a longtemps bénéficié, dans l'opinion européenne, de son statut de successeur de Silvio Berlusconi. Autant le Cavaliere était honni, autant l'ancien commissaire européen était, à ses débuts, porteur d'espoir. On promettait au nouveau président du conseil l'avenir le plus glorieux. On ne doutait guère, grâce à ses compétences d'ancien commissaire européen, de sa capacité à redresser la troisième économie de la zone euro et l'on prédisait déjà qu'il saurait s'imposer dans les négociations européennes afin de briser le monopole du « couple franco-allemand » dans la gestion de la crise. Le sommet de la fin juin pouvait avoir confirmé cette stature lorsque le locataire du palazzo Chigi avait « imposé » à l'Allemagne le principe du rachat des obligations d'Etat italiennes sur le marché secondaire par le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière.

Réticences nordiques

Il s'agissait pourtant d'une victoire de façade. En Allemagne, les membres de la majorité parlementaire d'Angela Merkel ont rapidement protesté contre cette décision de principe et à Helsinki et à la Haye, on a d'emblée mis son veto à de tels rachats. Et si la BCE décide finalement de passer à l'action à la rentrée, non sans hésitations et polémiques, ce sera justement parce que Mario Monti aura échoué à convaincre les pays du nord de soutenir le marché obligataire italien.

Mise en garde

Alors, depuis, Mario Monti peste contre « l'égoïsme » nordique. Sur tous les tons. Après avoir tenté la colère à Aix en Provence, il s'est essayé à l'intimidation lundi en mettant en garde contre la montée du sentiment anti-allemand. Son idée était évidemment de convaincre Berlin d'assouplir ses positions pour éviter l'aggravation de la vague de germanophobie. Son mouvement a cependant lamentablement échoué.

Plaidoyer pour l'intergouvernementalité

Car il a accompagné cette mise en garde d'un conseil : réduire le rôle des parlements nationaux. Son plaidoyer pour l'intergouvernementalité, « seule capable de dégager des marges de négociation » était un plaidoyer pour sa propre action lors du sommet de juin. Ce que voulait dire Mario Monti, c'était : « laissez-nous gérer vos affaires seuls selon nos propres stratégies ». Mais c'était aussi la preuve de sa mécompréhension totale de la situation : car c'est justement cette gestion de la crise par les gouvernements nationaux seuls depuis 2010 qui a conduit à l'aggravation de la situation, à une stratégie à la petite semaine, à un rejet général des politiques menées par les populations, au Nord comme au Sud de l'Europe. Jusqu'alors, les parlements ne les ont guère entravés et l'on est passé d'une crise limitée çà la Grèce à une récession mondiale. Alors même que les faits montrent que la gestion par les gouvernements a échoué, Mario Monti réclame que l'on aille encore plus loin dans ce sens. On ne change pas une formule perdante.

Ecouter les parlements

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a renforcé en juin les pouvoirs du Bundestag. Ce fait n'est pas négociable. Raison supplémentaire de ne pas se mettre à dos les parlementaires allemands comme vient de le faire avec bien peu de pertinence le président du conseil italien. Au contraire, Mario Monti devrait-il s'en inspirer et demander à ses propres députés de participer à l'élaboration de sa politique. Jusqu'ici, il leur a plutôt joué le mode de la terreur : voter l'austérité ou ce sera le chaos. Mais la cruelle réalité, c'est que l'Italie risque d'avoir les deux. Les chiffres de la récession publiées ce mardi prouvent que l'austérité de Mario Monti étrangle l'économie péninsulaire. Et cette politique a échoué à rétablir la confiance des marchés : c'est justement pour cela que le président du conseil doit réclamer une intervention du FESF ou de la BCE. Le gouvernement « technique » n'aura guère réussi à l'Italie.

Fiasco d'une idéologie périmée

Le fiasco de Mario Monti, comme celui en Grèce de Lukas Papadémos, est l'échec d'une certaine idéologie européenne : celle qui veut que « les techniciens » règlent mieux les problèmes que les politiques et que les gouvernements sont plus compétents que les parlements et plus sages que les peuples. C'est l'idéologie qui a présidé à la construction de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui et qui montre ses limites. Depuis l'échec de la constitution européenne et la crise de la zone euro, ces arguments d'autorités des « experts » ne sont plus de mise. Cette politique par le haut a échoué. Pour sauver l'Europe, il faut désormais impliquer les peuples, soit par les parlements nationaux, soit par une structure politique fédérale vraiment démocratique. C'est ce choix qui est devant tous les Européens. Mais une chose est certaine : les Européens d'hier ne construiront pas l'Europe de demain.