François Hollande doit attaquer la deuxième partie de son mandat

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  668  mots
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C'est donc acquis. Les engagements budgétaires ne seront pas respectés cette année, pas plus que la courbe de chômage ne s'inversera. François Hollande l'a admis samedi entre deux pis de vache au Salon de l'agriculture, assurant tout de même que l'objectif de zéro déficit pour 2017 demeurait et que si la situation de l'emploi restait mauvaise, il ne se résignait pas.
La conjonction de ces deux reniements, plutôt de ces deux évidences qui devaient bien un jour être admises, illustre cruellement l'équation insoluble à laquelle le président de la République apparaît aujourd'hui confronté. Le bons sens paysan, dont il a, espère-t-on fait le plein pendant les dix heures de sa visite de la « plus grande ferme de France », nous en redonne les termes : la rigueur, qu'elle soit de gauche ou de droite, pèse sur la croissance, sans croissance on diminue les recettes de l'Etat et on ne crée pas d'emplois.

Sauver ce qui était sauvable : l'euro
La France, l'Europe doivent donc maintenant se rendre à l'évidence et admettre qu'un changement de modèle prend du temps. Exiger de pays qui ont des histoires, des convictions, des priorités historiquement si différentes de tous marcher à la même vitesse n'a pas de sens. La semi révolte contre cette politique univoque que sont en train d'exprimer les Italiens dans les urnes en est la plus parlante des manifestations.
Se rendre à l'évidence. Oui, les pays européens ont besoin de faire autrement, oui, la mondialisation impose à nos vieux pays de s'interroger sur leurs convictions, oui, nous ne devons pas continuer à croire que l'histoire ne pourra jamais s'écrire sans nous. Les marchés financiers nous le crient avec brutalité depuis trois ans. Après avoir hésité, nous avons fini par répondre peu ou prou avec la même brutalité. Pour sauver ce qui était sauvable : l'euro. Fort bien. La réalité d'aujourd'hui nous rappelle que cela ne peut tout résoudre.
De ce point de vue, la relative bienveillance de la Commission européenne, l'étonnante confiance accordée ce weekend à la France par le ministre allemand des finances, Wolfgang Schaüble, apparaissent un rien rassurantes. Depuis six mois, François Hollande leur a donné quelques gages sur sa conviction à ne pas dévier de cette fameuse « trajectoire ». En affirmant qu'il continuera ainsi l'an prochain en privilégiant les économies plutôt que l'augmentation des impôts, il s'emploie à entretenir l'apaisement.

Faire accepter au corps social une nouvelle idée de la réforme
Mais cela ne suffira pas. La transformation d'un pays ne peut avoir la rigueur pour seul viatique aussi partagée - elle devrait d'ailleurs l'être beaucoup mieux - soit-elle. Plus personne ne conteste que l'Etat a besoin de se réformer : ce n'est pas seulement une nécessité financière, c'est vital pour la cohésion de la France. La suppression du jour de carence des fonctionnaires constitue à cet égard une erreur.
Pour exploiter les formidables ressources qu'elle possède, notre économie ne se contentera pas de s'accrocher à des combats pour la simple sauvegarde de ses vestiges industriels. D'autres chantiers autrement stratégiques méritent d'être ouverts au plus vite : le numérique, la transition énergétique, le développement des services à la personne... Les réserves d'emploi sont là.
D'une certaine façon, François Hollande vient d'achever la première partie de son mandat en ayant convaincu de sa moralité financière. Il attaque maintenant la seconde qui doit s'apparenter à une véritable...campagne. Faire accepter au corps social une nouvelle idée de la réforme, pas simplement celle visant à réduire les dépenses (quand s'attaquera-t-on enfin à l'organisation ubuesque de la formation professionnelle?) ; faire accepter au monde économique que la politique des symboles, pour beaucoup maladroits, ne fait pas une politique, et qu'il faut la prendre pour ce qu'elle est, c'est à dire, au fond, pas grand chose. Une vraie campagne, oui.