Medef : à quoi va servir Pierre Gattaz ?

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  638  mots
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Et hop ! « Je dis toujours : nous avons trois millions de TPE. Et si chacune de ces TPE embauche une personne, nous réglons le problème du chômage ». Ce n?est pas Bernard Tapie qui le dit, mais Pierre Gattaz, le nouveau président du Medef.
Et hop, deuxième ! « 100 milliards d'économie sur cinq ans, c'est moins de 2% d'économie par an sur un budget global de 1.200 milliards. C'est ce que nous, entreprises, savons réaliser sans drame lorsque le contexte économique nous impose des réformes ». Ce n?est pas Geo Trouvetou, mais encore le très optimiste Pierre Gattaz.
Et hop, troisième! "Notre pays ne comprend pas ses entreprises et ses entrepreneurs" (?) "notre pays ne les aime pas suffisamment". Alors tentons de convaincre François Hollande de venir passer trois à Jouy-en-Josas fin août où se tiendra l?Université du Medef pour échanger avec les chefs d?entreprises. Ce n?est pas l?Inspecteur Gadget mais toujours le très imaginatif Pierre Gattaz qui y songe.
Soyons juste. Le nouveau patron des patrons a aussi proposé ce jeudi, à l?issue de son plébiscite, un « pacte de confiance au gouvernement, un engagement réciproque entre les entreprises, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics » . Et révélé dans le foulée le sujet d'économie de sa fille au bac cette année: "Vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale". Et de s?esclaffer en lançant « il y a du travail ! ». La salle remplie d?entrepreneurs riait, aux anges.
La question a rythmé la campagne pour la succession de Laurence Parisot, bien courte, puisque tout le monde s?est vite et sagement rangé derrière le président de Radiall : un Medef de combat ou un Medef de dialogue? Interrogation un rien oiseuse mais qui finalement résume assez bien la nature du dialogue social dans notre pays. La culture du rapport de forces demeure la seule efficiente, la seule capable de se faire rencontrer deux mondes qui, supposément, ne s?aimeraient pas.
Si tel est le cas, ne serait-il pas temps de s?interroger sur les raisons de ce désamour ? L?urgence n?est-elle pas autant de trouver les moyens de reconstruire ce tissu social, allez, osons parler même de cohésion sociale, que de s?attaquer à la dépense publique? N?est-elle pas autant d?irriguer d?une autre vitamine que celle de la crainte le monde de ces petites et moyennes entreprises, paralysées par l?absence de confiance envers leurs salariés, biberonnées à la haine des 35 heures, que de claironner la détestation des fonctionnaires qui formeraient à eux seuls les dix plaies de la France ?
Le débonnaire Pierre Gattaz semble, malgré quelques pas effectués au son des gros sabots, plein de cette bonne volonté d?homme de terrain comme il le dit lui-même, habité par cette sincérité du chef d?entreprise pétri de bon sens (« on a tout pour réussir en France, on a tout pour exporter. Cela fonctionne pour Radiall. Si je le fais, on peut le faire »). Mais cela suffit-il ?
Le Medef avait - peut-être - l?occasion de prendre une autre dimension, à la hauteur des enjeux qui défient la France, que lui-même d?ailleurs se plait à convoquer à répétition pour défendre sa cause. Mais si l?on veut conclure un « pacte de confiance », il faut avoir quelque chose à mettre dedans. Il aurait pu aussi faire davantage que se laisser effleurer par ce vent différent que tente de faire souffler une nouvelle génération d?entrepreneurs. Mais voilà : pas une seule tête originale ou presque dans son état-major, et a fortiori pas un jeune.
C?est juste vieillot.