2017 : à partir de quand faudra-t-il commencer à avoir peur ?

Par Philippe Mabille  |   |  918  mots
Donald Trump.
En 2017, un monde imprévisible s'annonce, marqué par des incertitudes politiques, géopolitiques et économiques inédites. La façon dont les banques centrales sauront ou pas gérer la sortie de la déflation et normaliser leurs politiques monétaires sera l'une des clefs pour éviter le pire.

L'an dernier, le magazine américain Bloomberg, dans son "Guide pessimiste pour 2016", avait annoncé le Brexit et la victoire de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Deux projections qui se sont réalisées. Même si le travail auquel se livre Bloomberg est avant tout un exercice de fiction, prévoir le pire permet de s'y préparer. Même si l'on espère et préfère le meilleur. Pour son Guide pessimiste de 2017, Bloomberg se risque donc à prédire la victoire de Marine Le Pen à l'élection présidentielle française et un référendum sur une sortie de la France de l'Union européenne. Ce « Frexit » sonnerait la fin de l'Europe telle que nous l'avons connue. En Allemagne, Angela Merkel perdrait les élections générales de l'automne tandis qu'en Italie, le leader du Mouvement 5 Étoiles, Beppe Grillo, se hisserait au pouvoir et lancerait, lui aussi, un référendum pour rétablir la lire italienne. Au Royaume-Uni, Theresa May serait remplacée par un candidat de la ligne dure du Brexit, après l'échec des négociations avec l'UE. La Grèce chuterait à nouveau, mais, cette fois, l'Europe cesserait de la renflouer...

Aux États-Unis, Bloomberg voit monter la protestation contre Donald Trump avec la fusion des mouvements étudiants, des activistes de Black Lives Matter et d'Occupy Wall Street. La Californie prendrait le leadership de l'opposition et lancerait un référendum sur le « Calexit » pour prendre son indépendance. Face à l'isolement croissant des Etats-Unis, la Chine de Xi Jin Ping et la Russie de Poutine prendraient de l'assurance sur la scène mondiale sur fond d'extension de l'Etat islamique en Asie centrale et de montée de la menace nucléaire nord-coréenne.

Vers un retour à la normale ?

Voilà, pour ceux qui veulent jouer à se faire peur, le pire du pire des prévisions politiques. Toutes ont leur part de vraisemblance et on pourrait continuer longtemps comme cela à faire de 2017 la réédition de 2016, en pire. Comme le soulignait Alec Douglas-Home, éphémère Premier ministre britannique dans les années 1960, « il y a deux types de problèmes dans la vie : les problèmes politiques qui sont insolubles et les problèmes économiques qui sont incompréhensibles ». Commentaire de l'économiste de Saxo Bank, qui reprend cette citation : « Douglas-Home n'avait pas complètement tort : au cours des dernières années, l'évolution des marchés financiers et l'apparition des taux négatifs ne correspondaient en rien à ce qui est enseigné dans les manuels d'économie. Cependant, 2017 devrait confirmer le retour à la normale amorcée en fin d'année. C'est la bonne nouvelle ».

Sur le plan économique, donc, que peut-on attendre de 2017 ? L'année s'annonce imprévisible, avec un poids majeur des tensions politiques et géopolitiques qui pourraient pénaliser le climat des affaires. De fait, le monde n'est pas en très bonne santé, avec une croissance mondiale qui plafonnerait l'an prochain à 3,3% selon l'OCDE, 3,4% selon le FMI, tandis que la part du commerce dans le PIB mondial continuerait de s'affaiblir. Cette dé-mondialisation risque d'être accentuée par la montée des protectionnismes alors que les gouvernements sont contraints de répondre à l'inquiétude des classes moyennes tentées par des réponses populistes.

Personne ne sait très bien dire quel président sera vraiment Donald Trump lorsqu'il succédera à Barack Obama fin janvier. Sans doute son action sera-t-elle plus pragmatique et moins dramatique que sa campagne ne l'a laissé entrevoir. Une chose semble sûre : 2017 devrait être l'année d'un nouveau paradigme pour les politiques économiques. En promettant une relance budgétaire et fiscale, en faisant remonter le dollar, Trump a déjà provoqué un choc sur l'économie mondiale. Son élection annonce la fin probable de la parenthèse des taux d'intérêt bas, du pétrole à bas prix et de l'inflation faible. « Depuis l'été dernier, note Saxo Bank, les anticipations d'inflation dans les pays développés sont de nouveau en hausse sous l'effet d'une progression du prix global des matières premières et, surtout, de la sortie confirmée de la déflation de la Chine. Après des années de déclin, l'inflation au sein du G7 a atteint fin 2016 une moyenne de 0,8% par rapport à un point bas de 0,35% en mai de la même année. »

Les banques centrales à la manoeuvre

2017 pourrait donc marquer un tournant dans les évolutions que nous avons connues depuis la crise financière de 2008. Aux Etats-Unis, les taux obligataires ont doublé depuis l'élection de Donald Trump. En France, ils ont triplé, tout en restant sur des niveaux historiquement très faibles. Il n'est pas impossible qu'à l'approche de l'élection présidentielle française, notre dette soit sous tension, ce qui mettra la pression sur les candidats aux promesses électorales trop généreuses. L'hypothèse d'un véritable krach obligataire ne fait toutefois pas consensus. La Fed a d'ores et déjà agi et prévenu les marchés que sa première hausse des taux sera suivie de trois autres en 2017. La BCE a de son côté promis que sa politique de rachats d'actifs restera en vigueur, quoi que de façon moindre, jusqu'à la fin de 2017. Dans un monde imprévisible, il est heureux, et essentiel, que les banques centrales demeurent un acteur prévisible. Car si elles perdent le contrôle de la normalisation en cours, alors là, oui, il faudra commencer à avoir peur.